Les combats ne connaissaient pas de répit, mardi, dans la région du Nagorny-Karabakh, où au moins 64 personnes ont péri depuis la reprise des hostilités entre forces arméniennes et azerbaïdjanaises, avant une réunion internationale à Vienne entre parrains du fragile processus de paix. Malgré les appels au calme de Moscou et des Occidentaux, les combats, les plus intenses en vingt ans, ont continué dans la nuit de, lundi à mardi le long de la ligne de front du Nagorny-Karabakh que se disputent l’Azerbaïdjan et l’Arménie.
La Turquie, alliée traditionnelle de l’Azerbaïdjan, multiplie pour sa part les déclarations fracassantes. Mardi, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a prévenu que son pays resterait aux côtés de l’Azerbaïdjan «jusqu’à l’apocalypse». Sur le terrain, le ministère azerbaïdjanais de la Défense a annoncé mardi matin, la mort de 16 soldats azerbaïdjanais lors des dernières 48 heures dans les affrontements, ce qui porte le bilan total des victimes à au moins 64 morts parmi les militaires et civils des deux côtés depuis vendredi soir, selon un décompte de l’AFP basé sur les annonces officielles des belligérants.
L’Azerbaïdjan et les autorités séparatistes du Nagorny-Karabakh, soutenues par Erevan, se sont accusés mutuellement de poursuivre l’agression, notamment à coups d’armes lourdes. Rien ne semble empêcher l’escalade militaire dans ce territoire reconnu comme appartenant à l’Azerbaïdjan par la communauté internationale, alors qu’une réunion du groupe de Minsk sur le Haut-Karabakh au sein de l’OSCE, co-présidé par la France, les Etats-Unis et la Russie et chargé de trouver une issue à ce «conflit gelé» depuis plus de 20 ans, doit commencer à Vienne à 13H00 GMT. Dès la reprise des hostilités dans la nuit de vendredi à samedi, ce groupe de médiateurs internationaux avait souligné sa «vive préoccupation» devant le risque d’une escalade et appelé les parties du conflit à «prendre toutes les mesures nécessaires pour stabiliser la situation sur le terrain».
Le jeu d’Ankara
La crise a également été le «sujet numéro 1» d’une conversation téléphonique lundi, entre le secrétaire d’État américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov, selon le département d’Etat. «Nous exhortons les deux camps à cesser immédiatement l’usage de la force et à éviter toute forme d’escalade», a dénoncé son porte-parole Mark Toner, qualifiant de «lamentable» le nombre «élevé» de victimes.
Les deux ministres «ont condamné les tentatives de +parties extérieures+ au conflit pour aggraver la confrontation», a rapporté de son côté du ministère russe de la Défense. Moscou vise ainsi le président turc Recep Tayyip Erdogan, soutien traditionnel de Bakou, et qui a pris le risque d’attiser les tensions en martelant que «le Karabakh retournera un jour, sans aucun doute, à son propriétaire originel», l’Azerbaïdjan.
Mardi, son Premier ministre Ahmet Davutoglu a été encore plus loin en déclarant que la Turquie resterait «aux côtés de l’Azerbaïdjan frère, jusqu’à l’apocalypse». Ce conflit, dont les sources remontent à plusieurs siècles mais qui s’est cristallisé à l’époque soviétique lorsque Moscou a attribué ce territoire majoritairement arménien à la république socialiste soviétique d’Azerbaïdjan, intervient dans une région du Caucase stratégique pour le transport des hydrocarbures, près de l’Iran, de la Turquie et du Proche-Orient.
L’escalade militaire survient au moment où la Russie, qui a de bonnes relations avec l’Arménie, et la Turquie, allié traditionnel de l’Azerbaïdjan, traversent une grave crise diplomatique sur fond de guerre en Syrie. L’Arménie comme l’Azerbaïdjan multiplient ces derniers jours les déclarations sur la prise de nouvelles positions stratégiques, alors que les autorités du Nagorny-Karabakh ont déclaré être «prêtes à discuter d’une proposition de trêve» à condition de récupérer les positions et territoires perdus dans la région. Le président arménien, Serge Sarkissian, a lui estimé qu’un cessez-le-feu ne serait possible que «si les militaires des deux camps retournent aux positions», qu’ils occupaient avant la reprise des hostilités.
Après une guerre ayant fait 30 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés, principalement azerbaïdjanais, le Nagorny-Karabakh est passé sous le contrôle de forces séparatistes proches d’Erevan. La région est peuplée majoritairement d’Arméniens. Aucun traité de paix n’a été signé et après une période de calme relatif, la région a connu ces derniers mois une nette escalade des tensions, Erevan estimant fin décembre qu’on était revenu à la «guerre».