Dans un entretien qu’il a récemment accordé à un quotidien égyptien, Abdelmalek Sellal a, très pertinemment, rappelé qu’aucune intervention militaire étrangère dans un pays n’a jamais réglé les problèmes qui lui ont servi de prétexte. Pis, a précisé notre Premier ministre, à chaque fois qu’une telle action est menée, c’est à une complication plus grande de la situation que l’on assiste ; une complication à laquelle n’est pas étrangère le renforcement des groupes armés à l’élimination desquels ladite intervention devait, en principe, tendre. Un rappel qui se veut, tout à la fois, une réaffirmation de la position de principe de l’Algérie de clair rejet de toute ingérence dans les affaires internes des pays, et, partant, une opposition déclarée à toute intervention militaire occidentale en Libye. Mais qui constitue également une dénonciation à peine voilée des intentions non déclarées des Occidentaux à propos du devenir programmé de notre « voisin du sud-est». à savoir, son démembrement en trois états antagoniques. Un démembrement qui, faut-il le rappeler, s’inscrit dans le vaste plan, en cours d’exécution, de reconfiguration de la carte politique du Monde arabe. Et ce, dans le double objectif, d’assurer durablement la sécurité de l’entité sioniste, et de mettre la main, non moins durablement, sur les immenses richesses que cette partie du monde, à cheval sur les continents africain et asiatique, recèle. C’est, à l’évidence, ce qui explique le jeu malsain et trouble que jouent, présentement, les pays occidentaux en Libye. Et qui est révélé par leur apparent forcing à imposer rapidement un gouvernement, prétendument, d’union nationale.
« Prétendument », parce que le gouvernement, présenté comme tel, qui a été mis en place, il y a quelques jours, dans la capitale tunisienne, contient tous les germes d’une explosion à venir. Refusé, dès l’annonce de sa constitution, aussi bien par des membres du parlement reconnu internationalement, celui basé à Tobrouk, à l’est du pays, que par leurs « rivaux» siégeant dans celui de Tripoli, il n’en bénéficie pas moins, contre tout bon sens politique, du soutien occidental.
Un soutien d’autant plus intrigant que les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, des Etats-Unis, de la France, de l’Italie, du Royaume-Uni et la chargée de la diplomatie européenne sont allés, dans une réunion qu’ils ont tenue le 13 du mois en cours, jusqu’à menacer de sanctions personnelles tous les responsables libyens qui s’y opposeraient. De là, les convictions affichées, de plus en plus ouvertement, par nombre d’observateurs de la scène politique libyenne, que le forcing occidental apparent précité ne vise nullement, comme le claironnent,à chacune de leurs sorties médiatiques sur le sujet, les ministres susmentionnés, au retour de la stabilité en Libye. Mais qu’il vise plutôt à créer les conditions qui permettront l’intervention que leurs états ont, à l’évidence, déjà décidée. En clair, en donnant l’impression de vouloir leur imposer un gouvernement qui ne fait pas consensus entre elles, les pays occidentaux, soutiennent ces observateurs, n’ont d’autre objectif que d’attiser davantage les dissensions existantes entre les parties libyennes. Et, ainsi, de les pousser à l’affrontement. Et ce, pour mieux « vendre » auprès de leur opinion publique la menace que la présence de Daech dans une Libye incapable de se doter d’un gouvernement national représentatif, ferait peser sur la stabilité de l’Europe. Et, partant, de l’amener, si ce n’est à appuyer l’intervention qui se prépare, du moins, à ne pas s’y opposer. Un plan qui est en passe de réussir comme l’atteste la reprise, avec une violence certaine, depuis avant-hier, des affrontements dans la capitale libyenne…
Mourad Bendris