Depuis que le Premier ministre a annoncé la décision prise par les pouvoirs publics – selon l’économiste Abderrahmane Mebtoul, elle l’aurait été lors d’un Conseil des ministres restreint tenu le 22 du mois d’avant – d’y recourir, dès avril prochain, l’emprunt obligataire est devenu le sujet de l’heure. Pas uniquement pour la classe politique et les spécialistes de la chose économique mais, également, pour le commun des citoyens. Sauf que pour ces derniers, l’intérêt qu’ils y consacrent est, en grande partie, motivé par une soif manifeste de comprendre de quoi il retourne vraiment. Surtout que des «parties malintentionnées» se sont empressées de donner à l’annonce précitée d’Abdelmalek Sellal, le caractère d’un aveu officiel d’une faillite financière du pays. Et, partant, d’un présage de «lendemains qui déchantent pour les Algériens». Une vision que nombre d’experts et d’opérateurs économiques réfutent fermement. Mais non sans reconnaître que la situation économique du pays a été sérieusement perturbée par la chute brutale, drastique et durable des cours de l’or noir. De là, leur compréhension de la décision des pouvoirs publics de recourir à l’emprunt obligataire. Et, surtout, l’accueil favorable qu’ils lui ont réservé. C’est le cas de Bachir Messaitfa, analyste financier et ancien secrétaire d’Etat chargé de la Prospective et des Statistiques dans le gouvernement Sellal 1, soit de septembre 2012 à septembre 2013, avec lequel nous nous sommes entretenus au téléphone. Après avoir rappelé que «l’emprunt obligataire n’est qu’un instrument technique financier utilisé, partout à travers le monde, en situation de déficit budgétaire», il nous a déclaré qu’il consiste «en une captation de l’épargne non bancarisée des ménages et des petites entreprises privées qui, pour une raison ou une autre, ne traitent pas avec les institutions bancaires». Se voulant plus clair à ce sujet, Bachir Massaitfa a ajouté que cet «instrument technique financier» n’est, en fin de compte, qu’un «emprunt intérieur que l’Etat contracte auprès de ses citoyens». Et ce, par la mise à leur disposition de titres financiers. Sous forme d’acquisition, soit, «d’actifs publics», en clair, d’achat d’actions dans le capital de certaines entreprises publiques, soit, de «bons de trésor». Une double opération d’autant plus attrayante – pour les citoyens, s’entend – que les titres proposés le seront, nous a-t-il dit, «au taux d’intérêt fort intéressant de 5%» ; «fort intéressant » parce qu’il est, a-t-il ajouté, «largement supérieur à celui de 2,5% que pratiquent actuellement les banques». Et qu’ils pourront être librement cédés au bout d’une année. Sur un plan plus large, l’emprunt obligataire évitera, selon notre interlocuteur, au pays de ne pas recourir à l’endettement extérieur ; un endettement qui, quoiqu’on en dise, nous a-t-il déclaré, «présente toujours des risques pour la souveraineté du pays. Surtout s’il venait à se retrouver en situation de cessation de paiement». Une position largement partagée par la présidente de la CGEA (Confédération générale des entreprises algériennes). Sauf que Saïda Neghza, c’est son nom, a souhaité «un taux plus grand» que celui de 5% proposé afin, a-t-elle expliqué, «de garantir les titres émis». Parmi les autres «vertus» de l’emprunt obligataire, soulignées aussi bien par les deux personnalités susmentionnées que d’autres intervenants dans la sphère économique nationale, tels l’économiste Abdelhak Lamiri et Ali Haddad, le patron du FCE (Forum des chefs d’entreprise), qui ont eu à intervenir dernièrement sur le sujet, figure, comme souligné plus haut, « la captation de l’épargne non bancarisée, de l’épargne des ménages et de la masse d’argent qui circule dans le circuit informel». Ce qui ne sera pas peu quand on sait que tout cela représente, selon tous les experts qui ont eu à se prononcer sur ce thème précis, la bagatelle «de 34 milliards de dollars». Mais également, comme nous l’a expliqué l’ancien secrétaire d’Etat chargé de la Prospective et des Statistiques, la possibilité qu’il soit l’élément déclencheur d’un processus extrêmement important pour le devenir de notre économie : celui « du passage du type monétariste – dans le sens où, nous a-t-il dit, toutes les transactions qui s’y effectuent le sont sur la base de liquidités -actuel de notre économie, vers un autre dit d’économie réelle, ou de titrisation de l’économie, où les liquidités ne seront utilisées que dans des cas restreints ». L’énumération des aspects positifs de l’emprunt obligataire n’a pas empêché Bachir Messaitfa de souligner les obstacles qui pourraient entraver sa concrétisation. Le plus important, nous a-t-il déclaré, est «la faiblesse du marché financier national» parfaitement illustrée, aussi bien par «l’insignifiance de l’activité de la Bourse d’Alger que la centralisation de celle-ci dans la seule Capitale ». Un constat d’autant plus important que c’est à travers la Bourse que, réglementairement, l’emprunt obligataire doit se faire. Anticipant à l’évidence les dispositions que ne manqueront pas de prendre les autorités concernées pour lever l’obstacle en question, notre interlocuteur nous a déclaré que celles-ci « pourraient recourir aux banques pour lancer et accompagner cet emprunt et, à défaut ou en complément, ouvrir des annexes de la Bourse en certains points du territoire national » ; une ouverture qui permettra, en est-il convaincu, « aux citoyens des différentes régions du pays de prendre part à l’importante opération projetée… »
Mourad Bendris