Agir dans la colère, c’est s’embarquer dans la tempête. Autrement dit, le patron du RND, Ahmed Ouyahia, ne réagit que lorsque la houle politico-médiatique se dissipe derrière lui. Ainsi, dans une conférence tenue hier, le directeur de cabinet de la présidence de la République a passé en revue tous les dossiers lourds de la scène nationale.
La Constitution, les sénatoriales, la loi de Finances 2016, la restructuration du DRS…, y ont été les questions saillantes contenues dans les éléments de ses réponses, fournies par Ouyahia aux questions fleuves des journalistes. La dernière sortie du SG par intérim du RND remonte à près d’un mois de cela, lorsqu’il avait rendu public la mouture de l’avant-projet de révision de la Constitution, dont il en avait lui-même piloté la compagne de consultation menée à l’effet. Tout en allant à la défense des amendements consignés dans la copie du texte de loi, Ouyahia revient sur ses dispositions parmi les plus controversées, et même celles ayant fait l’objet de critiques. Il a formulé des explications sous sa casquette de chef de cabinet auprès de la présidence de la République et a donné la position de son parti en rapport avec la même question. Comme attendu d’ailleurs, Ouyahia n’a pas manqué de revenir sur la disposition jugée «discriminatoire» envers les binationaux, pour argumenter autour des «biens-fondés» qui ont dicté son introduction dans la Constitution. Pour lui, tout ressortissant algérien qui aspire à un poste de haut responsable de l’état doit renoncer à sa nationalité acquise dans son pays de résidence. Cette question a soulevé un tollé général parmi la classe politique et la diaspora nationale à l’étranger. D’ailleurs, le président de la République a décidé d’amender l’article 51 dont il s’agit, pour ordonner son élargissement via un avant-projet de loi, où le parlement a été invité à fixer la liste des fonctions de l’état concernées par cette disposition. Pour étayer ses propos, Ouyahia a expliqué que cette mesure ne va pas pour autant exclure les ressortissants nationaux établis à l’extérieur du pays, notamment dans l’intégration des postes de responsabilité professionnelle, en vue de participer au développement du pays. Interpellé au sujet des contradictions qu’aurait créée une telle disposition, dès lors qu’il y’aurait des hauts responsables qui détiennent la double nationalité, Ouyahia tempère les ardeurs, quant bien même il a précisé qu’il «y’en a même parmi ceux qui s’en réjouissent» de ce statut, pour acculer ses adversaires, parmi ceux qui ont rejeté cette disposition où figure le patron du FLN, Amar Saâdani. Le responsable du RND qualifie la polémique d’«écran de fumée» qui vise selon lui à dévoyer la Constitution de son «véritable» débat, lequel projet estime-t-il être «consensuel» contrairement à ce que pense l’opposition politique (CNLTD), ayant rejeté pour rappel les consultations menées autour de l’amendement de la Loi fondamentale du pays. Ouyahia pense que la balle était dans le camp adverse et accuse l’aile de l’opposition de n’avoir d’alternative que «l’accession au trône». D’autre part, il rappelle que la participation d’autres acteurs politiques, tels Moussa Touati et Ali Fawzi Rebaine, qu’il range du côté de l’opposition, en constitue selon lui, la preuve de la participation de toutes les sensibilités politiques dans l’élaboration du texte de loi. En réponse à une question portant sur la position de son parti quant à la transcription de Tamazight, propulsé au statut de langue officielle, Ouyahia pense que seuls les experts et spécialistes linguistiques nationaux pourraient à même de se pencher sur la problématique inhérente au caractère à choisir dans l’écriture de la langue berbère. Qu’en est-il de la question de la nomination du poste de Premier ministre ? En effet, même si ce pouvoir revient du chef de l’état, il n’en demeure pas moins que la nouvelle Constitution stipule que la désignation du chef de l’Exécutif se fera après consultation de la majorité parlementaire, détenue jusque là par le FLN. Cet état de fait ne semble point encombrer le SG du RND, qui jouit tout de même d’une suprématie au Conseil de la nation. Mieux encore, «le RND n’a même pas eu peur lorsque Belkhadem était à la tête du FLN», a répliqué Ouyahia, ajoutant qu’il respecte le choix du président de la République. Pour lui, le fait que le programme de l’Exécutif qui passe nécessairement en examen en Conseil des ministres, en compte 70% des propositions de son parti, passe au dessus de tout calcul politicien. Quant à la position politique, c’est une autre paire de manche, a-t-il laissé entendre.
DRS, la mise au point d’Ouyahia
C’est la première fois que le premier responsable du RND s’exprime sur les changements opérés au sein du DRS, dissout récemment par le président de la République. Mais, au moment où les journalistes l’on interrogé pour connaitre la position de son parti, Ouyahia s’en est passé de tout commentaire et a préféré aborder la question sous sa casquette de chef de cabinet auprès de la présidence de la République. «L’affaire impose des précisions», a-t-il indiqué, à cause d’une «fuite d’information qui aurait donné lieu à plusieurs lectures» suscitant la polémique, a-t-il précisé. Selon le haut commis de l’état, même s’il y’a eu du «vrai» par ce qui a été rapporté par la presse nationale, il n’en demeure pas moins qu’il tenait à éclairer certaines zones d’ombres. En effet, il s’agit «d’une restructuration du DRS décidée par le président de la République», a-t-il affirmé. Et d’apporter comme «mise au point» le fait que la désormais DSS (Direction des services de sécurité) qui remplace le DRS, est scindée en trois départements, lesquels relèvent désormais de la présidence de la République, selon ses explications. à noter par là, la Direction générale de la sécurité intérieure, la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure et enfin la Direction générale du renseignement technique. Quant à la nomination du général Athmane Tartag, dit Bachir, à la tête de la DSS, Ouyahia précise qu’il est nommé en tant que Conseiller auprès du chef de l’état et a été chargé de coordonner la mission des trois directions sus indiquées. Dans le même sillage, l’ex-chef du gouvernement a démenti toute réduction des prérogatives du ministère de la Défense nationale (MDN), pour évacuer toute polémique à ce sujet.
Guéguerre RND-FLN, dites-vous ?
Le chef du RND est revenu sur la rivalité politique acharnée qui le lie à son alter égo du FLN, Saâdani notamment. Il exclue tout conflit entre lui et son rival, en dépit des tensions qui sont nées des réactions des deux frères-ennemis, à l’approche de chaque échéance où halte politique engageant les deux partis. Il rappelle pour étayer ses propos, le soutien apporté par le RND lors de l’élection d’Amar Saâdani à la tête de l’Assemblée nationale (APN), en 2004. Une position qui demeure selon lui, inchangée, de par les relations stratégiques qui lient les deux formations majoritaires. Ainsi, pour Ouyahia, les divergences autour des questions politiques et lesquelles ont été nourries parfois par des tirs croisés, peuvent être justifiées par la différence avec laquelle se communiquent les deux partis. Mais, le chef du RND a été vite rattrapé par la position de son parti, lorsqu’il s’est exprimé notamment au sujet des questions politiques en cours sur la scène nationale. C’est le cas des dernières élections sénatoriales, gagnées par le RND. àce propos, Ouyahia déplore les pratiques électoralistes en cours chez bon nombre de partis, en parlant notamment de la chekkara (corruption). Sans la citer il accuse le FLN d’avoir fait appel aux sénateurs élus sur la liste des indépendants pour renforcer ses rangs. «L’argent sale est une triste réalité», a-t-il dénoncé. Si le fait qu’il y ait lobbying financier ne le dérange point, il n’en demeure pas moins qu’«acheter des voix est une honte», a-t-il taclé son adversaire. Plus loin encore, il critique le nomadisme politique, tout en saluant la disposition de la Constitution intégrée, justement, pour mettre fin à ces pratiques «malsaines», rappelle-t-il. Dans le lot des divergences qui le séparent de son rival, il cite également le cas de la LF-2016. Pour lui, le RND est le seul parti n’ayant pas changé de position par rapport à cette question, allusion aux partis de l’opposition parlementaire accoudés par certains élus du FLN, pour dénoncer certaines des mesures décidées par le gouvernement. D’ailleurs il n’a pas manqué de défendre les articles 66 et 71 de cette loi, contrairement à ses adversaires politiques.
Farid Guellil