44 personnes, dont 13 civils, ont trouvé la mort au moment où l’armée ukrainienne abandonnait aux rebelles le très stratégique aéroport de Donetsk. L’armée ukrainienne a essuyé jeudi un très sérieux revers avec, la perte symbolique de l’aéroport de Donetsk, abandonné aux rebelles séparatistes, au moment où les signes d’une reprise à grande échelle des combats se multiplient avec au moins 44 morts en 24 heures, bilan le plus meurtrier, depuis septembre. Depuis le début du conflit en avril, dans la foulée de l’annexion de la péninsule de Crimée par la Russie et du réveil des séparatismes pro-russes dans l’est du pays, plus de 5 000 personnes ont péri dans les combats entre soldats ukrainiens et rebelles séparatistes, selon l’OSCE. L’appel au cessez-le-feu lancé mercredi soir depuis Berlin par les ministres ukrainien, russe, français et allemand des Affaires étrangères n’a pas été entendu et l’Ukraine est de nouveau engagée dans l’engrenage des violences.
Sur le terrain militaire, les autorités de Kiev ont dû abandonner aux rebelles l’aéroport de Donetsk, un site stratégique où soldats et combattants séparatistes combattaient, y compris jusque dans les tunnels, depuis mai. Les soldats loyaux à Kiev ont dû se replier mercredi soir et, s’ils continuent d’attaquer les rebelles, ils ne sont désormais, plus présents à l’intérieur de l’aéroport. L’impact psychologique pourrait être lourd pour les forces armées ukrainiennes, qui avaient déjà perdu l’aéroport de Lougansk, principale ville de la région séparatiste voisine de celle de Donetsk. Ils avaient pour priorité de conserver l’aéroport de Donetsk, aux portes du principal bastion rebelle. L’armée n’a pas pour l’instant indiqué si elle tenterait une contre-offensive pour tenter d’y reprendre pied. Les rebelles avaient lancé une offensive d’envergure contre l’aéroport le 15 janvier, pour tenter de s’emparer des positions défendues par ceux, que les Ukrainiens avaient érigés en héros et surnommés les «cyborgs». L’armée ukrainienne avait affirmé dimanche avoir repoussé cette attaque grâce notamment au renfort de chars. «Nous avons échoué à garder le contrôle des ruines du nouveau terminal durant six jours», a admis un conseiller du président Petro Porochenko, Iouri Birioukov, sur sa page Facebook. «Et les gars au rez-de-chaussée, les cyborgs… Ils sont faits de chair et de sang. Avant-hier (mardi), ils ont atteint leurs limites», a-t-il écrit en assurant que «l’aéroport était et demeure une ligne de front». Parallèlement, l’Est de l’Ukraine a connu ses 24 heures les plus meurtrières, depuis l’accalmie née de la signature début septembre d’un accord de cessez-le-feu à Minsk entre belligérants. Au moins 41 personnes, civils ou militaires, ont ainsi péri dans les régions de Donetsk et de Lougansk, selon un comptage de l’AFP établi à partir des bilans officiels de l’armée ukrainienne et des autorités séparatistes.
Des prisonniers exhibés à la foule
L’attaque la plus sanglante s’est produite dans un quartier de Donetsk, d’habitude épargné par les tirs, où au moins treize civils ont été tués par des obus qui ont frappé un bus, selon les services d’urgence locaux. Dix personnes ont également été tuées à Gorlivka, dans la région de Donetsk, selon un commandant séparatiste, Édouard Bassourine. Et l’armée ukrainienne a déploré la mort de dix soldats dans l’est du pays. Dans la région de Lougansk, huit personnes ont également trouvé la mort, selon la police régionale séparatiste. L’attaque contre le bus de Donetsk, la plus sanglante contre les civils depuis la signature des accords de paix de Minsk en septembre, intervient huit jours après la mort de douze autres civils dans un bus à Volnovakha, à 35 kilomètres au Sud de Donetsk.
Rapidement, le gouvernement ukrainien a accusé les séparatistes d’être à l’origine des tirs d’obus, tout en estimant que la Russie portait «la responsabilité» du drame, selon les mots du Premier ministre Arseni Iatseniouk. Le ministère de la Défense Pavlo Klimkine lui a affirmé que les tirs étaient le fait des séparatistes: «L’endroit où le bus a été touché est situé à plus de 15 kilomètres de la zone, où se trouvent les forces antiterroristes (nom donné aux troupes ukrainiennes qui combattent les séparatistes, NDLR)». Sans surprise, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a mis en cause les «forces ukrainiennes» et une «provocation grossière pour saper le processus de paix». La France s’est déclarée «consternée» par ce bombardement. Quelques heures après le drame, les rebelles ont forcé une vingtaine de prisonniers de guerre ukrainiens à marcher, sous les plaisanteries des habitants, dans les rues de Donetsk. Pendant près de 10 minutes, les prisonniers ont été contraints de se tenir à genoux sur le trottoir, quelques dizaines d’habitants de Donetsk les entourant et leur jetant des morceaux de verre ou divers objets depuis les fenêtres des immeubles qui environnent, a constaté une journaliste de l’AFP présente sur place.