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Bouira : un après-midi au café littéraire

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Lieu devenu incontournable pour tous les artistes et les écrivains, le café littéraire, un des nombreux ateliers de la maison de la culture, ne désemplit pas de toute la journée. On y rencontre les plumes les prometteuses, mais également les amateurs de poésie, de nouvelles, de peinture et de musique. On y entend déclamer les plus beaux vers et se développer les grandes idées. Ses soirées, après le passage remarqué de Rabia Djelti, fin septembre, le cercle ne cesse de se développer et son rayonnement de s’étendre de plus en plus à travers la wilaya, et même au-delà. Quoi qu’il en soit, le hasard a dirigé, cet après-midi, nos pas vers cette direction et permis de rencontrer quatre artistes, lesquels ont bien voulu nous parler de leur expérience personnelle chacun dans son domaine ! Nous leur avons prêté obligeamment l’attention qu’il méritait.

Nora, la comédienne à la gestuelle plein d’élégance
« Il me semble que c’est ma destinée d’être une comédienne. Mon initiation au théâtre se fait très tôt Dès l’école primaire, je me suis mise à apprendre des rôles et à monter sur scène pour les jouer. Le temps, depuis, n’a fait que confirmer ma vocation pour cet art. Dans la dernière pièce, je joue la journaliste. C’est absolument fabuleux. J’ai l’air de n’avoir fait que ça toute ma vie.C’est peut-être à cause de tous ces rôles que j’ai joués que je sais composer des poèmes et chanter.Un jour, j’étais au CEM. C’était par une journée printanière. La fenêtre de la classe s’ouvrait sur un paysage à couper le souffle. J’étais à côté d’une amie et un camarade de classe. Nous regardions la montagne du Djurdjura, si belle et si majestueuse, se découper sur le ciel bleu. L’idée nous est venue alors de composer un poème. Le sujet ? La nature ! Depuis, la nature, la patrie, la femme forment essentiellement la thématique où je puise mon inspiration. Je vais vous lire deux poèmes. Vous allez pouvoir en juger. »Et joignant le geste-geste plein de grâce et de majesté- à la parole, elle se met à réciter deux grands poèmes sublimes. Le premier est une ode à la patrie, le second, une ode à la femme, à l’occasion du 8 mars. Un régal pour les oreilles. Et tandis qu’elle récite, elle accompagne chaque mot, chaque vers d’un mouvement ample et exquis qui fait penser qu’elle joue quelque rôle dans un drame qu’elle seule connait et sait vers quel dénouement il tend. Nous sommes tous si subjugués que nous ne savons si notre admiration va à la poétesse qui s’exprime avec tant de simplicité et de force, ou à la comédienne qui improvise avec tant de talent ce magnifique jeu pour nous seuls.

Ali le poète artificier
« La poésie et ma vie ne font qu’un. Il m’est difficile d’imaginer l’une sans l’autre. Je vis d’elle et elle vit de moi. Je ne sais quand elle me prend et quand elle me relâche. Il m’arrive que je m’endorme avec, et qu’au milieu de la nuit, je me réveille en sursaut, comme un enfant qui dort avec son jouet préféré et qui se réveille brusquement avec le sentiment qu’on veut le lui voler. La muse est là. Les vers débordent de mon cœur. Vite, je saute du lit et je rejoins ma table de travail pour recueillir la précieuse primeur.Parfois, c’est à la campagne. Je suis un grand marcheur. Et pendant mes grandes vadrouilles, cueillant là une fragile petite fleur, ramassant là un joli caillou, les vers fusent comme un feu d’artifice et explose dans ma tête en un magnifique bouquet multicolore.
Comme si un seul mode d’expression ne suffit pas, j’écris dans les trois langues pour donner forme à tout ce que je ressens, J’écris en français, en tamazigh et en arabe, sans pouvoir m’arrêter. Je passe ainsi dans une même journée de l’une à l’autre sans la moindre difficulté ni la moindre préférence. Toutes les langues se valent pour moi. Elles sont toutes riches et belles. Les idées et les sentiments qu’elles drapent n’en paraissent alors que plus admirables. »
Il se dresse soudain, et, la main sur le cœur, entonne un chant inconnu de nous où il est question de choses exquises en Tamazigh, puis en français.

Saïd ou la passion inassouvie du verbe
« Tout jeune je recevais des félicitations pour mon style de la part de ma prof d’arabe. Je crois que c’est là que tout a commencé pour moi. La langue est une musique. Elle est à la fois l’air et la chanson. Mais comme il faut travailler dur pour arriver à la perfection, fort des encouragements de ma prof, je me suis mis à lire comme jamais je ne l’avait fait auparavant, et petit à petit, ma sensibilité s’est développée, et me voilà mêlant de poésie et de prose.
Je crois que si ma prof vivait encore, elle serait fière de son ancien élève.
Mes thèmes ? Oh, ils sont nombreux. C’est l’Histoire, les hommes qui l’ont forgée, auxquels la légende donne une stature à part. Je m’intéresse aussi au malheur des gens. Je trouve dans la souffrance et la misère des sujets dignes d’être versifiés. Je suis jeune et pourtant mon expérience de la vie me parait si grande, qu’il me semble que peu d’autres peuvent lui être comparées. C’est comme ça qu’on devient poète. » Le jeune homme récite debout un poème sur la révolution. Il écrit en arabe et en tamazigh. Le poème qu’il choisit de nous lire est dans cette langue, et nous l’écoutons avec ravissement. Le talent éclate dans chaque vers, dans chaque strophe. Et l’intérêt qu’il suscite va crescendo.

Amine ou la verve dramatique
« Le théâtre occupe tout mon temps. Cela a commencé pour moi en 1999. Sur un coup de cœur, comme quelque fois en ressentent les enfants devant une chose qui les dépasse de beaucoup par la grandeur et la beauté. Depuis, je vis à l’ombre de la scène. Je travaille en groupe. C’est la meilleure méthode. Comme ça tout le monde a l’air d’avoir créé quelque chose. On se réunit, on choisit un sujet d’actualité et on imagine le drame. Après, on présente la pièce et si le public est content, on continue. C’est ainsi que j’ai écrit une vingtaine de pièces pour enfant et une dizaine d’autres pour adulte. La dernière a été composée il y a un an. En trois tableaux, elle traite du problème de l’immigration clandestine. Je l’ai intitulée El Harraga. » Amine se lève est sort en coup de vent. Sa présence est réclamée à cor et à cri dans les coulisses. Il présente cet après-midi plusieurs spectacles pour enfants. Nora qui fait office cette fois d’animatrice quitte aussi le groupe. Ne demeure en face de nous que Saïd et Ali que tourmente leur désir de lire d’autres poèmes.
Ali D.

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