L’épidémie d’Ebola a atteint une telle vitesse de propagation qu’il faudra de six à neuf mois pour l’arrêter, a prévenu vendredi un haut responsable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au Liberia, le pays le plus touché, où plus aucune région n’est épargnée. Sur le terrain, Médecins Sans Frontières (MSF) se préparait à de nouvelles vagues de malades. «Nous avons actuellement environ 60 patients pour une capacité de 120 lits», a indiqué un coordinateur de MSF, Henry Gray, au centre de l’ONG à Monrovia, en cours d’agrandissement. «Dans les 10 prochains jours, nous espérons pouvoir accueillir jusqu’à 400 patients», a-t-il ajouté. «Le rythme et l’ampleur de l’accélération d’Ebola sont du jamais vu», a déclaré le directeur adjoint de l’OMS pour la sécurité sanitaire, Keiji Fukuda, au siège de la Mission des Nations unies au Liberia (Minul). «Cela ne va pas être facile. Nous nous attendons à plusieurs mois de travail acharné, plusieurs mois à nous débattre avec cette épidémie», a-t-il dit au cours d’une conférence de presse avec le coordinateur de l’ONU contre Ebola, le Dr David Nabarro.
En comparant cette épidémie aux précédentes, «nous pensons que six à neuf mois est l’estimation raisonnable sur laquelle nous devons tabler pour la flambée d’Ebola», a précisé M. Fukuda. Le Dr Nabarro a souligné qu’il s’agissait d’un «défi pour le monde et qui exige énormément de courage et d’efforts pour y répondre efficacement», disant vouloir non seulement arrêter la transmission, mais aussi rétablir une vie normale dans les pays frappés. «Afin d’y arriver, nous envisageons une manière radicale d’augmenter le soutien fourni par la famille de l’ONU. Nous devons faire cela d’une manière qui soit rapide et extrêmement efficace», a-t-il dit, sans autre précision. Les deux hommes devaient ensuite poursuivre leur tournée des pays touchés à Freetown, Conakry et Abuja. Au même moment, l’OMS annonçait à Genève un bilan au 20 août d’au moins
1 427 morts: 624 au Liberia, 406 en Guinée, 392 en Sierra Leone et 5 au Nigeria, sur un total de 2 615 cas (confirmés, probables ou suspects).
«Manque de réaction et abandon»
Au Liberia, plus aucune région n’est à l’abri depuis la découverte de cas dans le sud-est près de la frontière avec la Côte d’Ivoire. Le secrétaire général du syndicat des services de santé, George Williams, a fait état de «deux morts à Gbokon-Jelee», une ville qui attire de nombreux marchands d’or de tout le Liberia et même de Côte d’Ivoire, soulignant que «c’était la dernière région épargnée par Ebola». Le responsable médical de la région, George Daouda, a confirmé un cas avéré d’Ebola. En Sierra Leone, le Parlement a adopté en urgence une loi punissant d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à deux ans quiconque «cache un patient contaminé par Ebola ou d’autres maladies contagieuses de même nature». «Nous sommes consternés par la lenteur de la réaction de certains de nos partenaires de développement, et l’abandon et l’isolement imposé par ceux que nous considérions comme nos meilleurs amis au niveau sous-régional, régional et mondial», a par ailleurs déclaré le chef de la majorité parlementaire, Ibrahim Bundu. Il faisait allusion à la fermeture des frontières par plusieurs pays africains, dont le Sénégal, l’Afrique du Sud ou le Kenya. Vendredi soir, le Gabon a lui aussi suspendu les liaisons aériennes et maritimes en provenance des pays affectés. Il a indiqué qu’il délivrerait les visas «au cas par cas» aux voyageurs venant de ces pays. En revanche, la Russie a apporté son aide, acheminant par avion une équipe de virologues et un laboratoire mobile à Conakry. Le Nigeria, pays le moins affecté, avec cinq morts pour 16 cas, a néanmoins annoncé deux nouveaux cas, les premiers de «contamination secondaire», les épouses d’hommes ayant été en contact avec le haut fonctionnaire libérien qui a introduit le virus dans le pays le plus peuplé d’Afrique. Une nouvelle inquiétude est apparue sur le continent, en provenance de République démocratique du Congo (RDC), dans la province de l’Equateur (nord-ouest) où le virus Ebola avait été découvert en 1976. Le gouvernement a annoncé jeudi la mort de 13 personnes, victimes d’une «fièvre hémorragique d’origine indéterminée» depuis le 11 août. Mais l’OMS et MSF ont jugé prématuré d’incriminer une fièvre hémorragique. Les résultats des prélèvements sont attendus «dans sept jours», a indiqué le ministre congolais de la Santé, Félix Kabange Numbi. Selon lui, la fièvre est «sous contrôle».