Accueil MONDE Espagne : Felipe, l’héritier bien sous tous rapports

Espagne : Felipe, l’héritier bien sous tous rapports

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Felipe prend, à 46 ans, la succession de son père, Juan Carlos, dont l’abdication a été annoncée lundi. Un rôle auquel il a été préparé depuis l’enfance. Avec son mètre quatre-vingt-dix-sept, le futur roi d’Espagne semble regarder de bien haut les turpitudes de sa famille, embourbée dans des scandales à répétition depuis trois longues années. Cela fait longtemps que ce Bourbon poli et chaleureux attend son heure, bien conscient qu’il doit apparaître comme le digne héritier, aussi exemplaire que son père a cessé de l’être – notamment depuis sa chasse à l’éléphant clandestine en avril 2012.
À la différence de sa sœur Cristina, on ne lui connaît aucun accident de parcours, aucune grossière erreur. À 46 ans, ce bon père de famille (il est marié à l’ex-journaliste Letizia Ortiz, avec qui il a eu deux filles, Leonor et Sofía) n’est associé à aucun scandale, ni même à une vulgaire affaire de mœurs. Un passé limpide, immaculé.
Depuis sa tendre jeunesse, don Felipe a été programmé pour être monarque. Une enfance ultra-protégée dans le parc boisé du Pardo, au nord-ouest de Madrid (où se trouve la Zarzuela, la résidence royale) ; une adolescence voyageuse, mais toujours encadrée par ses précepteurs ; des études dans les meilleures universités : l’UAM de Madrid, puis celle de Georgetown à Washington ; enfin, un passage pendant trois ans dans les meilleures académies militaires, en particulier celle de Saragosse, en Aragon. «Le moindre de ses gestes a été étudié pour qu’il puisse exercer en tant que professionnel la fonction royale, dit de lui la spécialiste Pilar Urbano. De tous les Bourbons, c’est certainement le mieux préparé de tous.»

«Formaté»
Autant son père est apprécié de ceux qui ont connu la dictature – et savent le prix de la liberté -, autant le quadra Felipe est en phase avec son temps. Amoureux de technologie, de vitesse, il a une bonne image auprès des jeunes générations – une bonne moitié des moins de 35 ans lui vouent une certaine estime, alors qu’à leurs yeux toutes les institutions ont perdu leur crédibilité. Parallèlement, ce sportif qui adore suivre les compétitions officielles (il est fan de la Roja, l’équipe nationale de football) et se montre un assidu des régates de voile, est d’ores et déjà pris au sérieux par les grands de ce monde. Depuis une bonne décennie, il remplace souvent son père pour représenter son pays, aussi bien pour présenter la candidature olympique de Madrid – sans succès – qu’au cours des sommets ibéro-américains.
Quoique bien «formaté» pour son nouvel emploi, «Felipe VI» aura fort à faire. Il lui faudra tout d’abord redorer le blason d’une institution discréditée, prouver que la monarchie espagnole n’est pas obsolète et savoir faire face au sentiment républicain montant- environ 36 % des Espagnols, selon un récent sondage de l’institut Sigma Dos.
Longtemps perçue comme exemplaire, la monarchie est aujourd’hui reléguée – au même titre que «les politiciens», «le Parlement» ou la «justice» – au rang des entités corrompues ou inefficaces. À lui de prouver qu’il peut corriger cette image et obtenir la même légitimité que son père a gagnée dans les années 1980 et 1990, phare respecté de la fragile démocratie espagnole.

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