Un large front diplomatique arabe, islamique et africain a opposé un rejet catégorique à l’annonce israélienne visant à reconnaître la région du Somaliland, partie intégrante de la République fédérale de Somalie.
Cette position commune, adoptée samedi, a été formalisée dans une déclaration conjointe signée par les ministres des Affaires étrangères de 22 pays arabes et islamiques, ainsi que par l’Organisation de la coopération islamique (OCI). Trois pays arabes manquent à l’appel : le Maroc, les Émirats arabes unis et le Bahreïn, engagés dans des accords de normalisation avec Israël.
L’annonce israélienne, rendue publique vendredi, a immédiatement suscité une indignation diplomatique en raison de ses implications directes sur la stabilité de la Corne de l’Afrique, région stratégique reliant la mer Rouge, le golfe d’Aden et les grandes routes commerciales internationales. Pour les États signataires, cette initiative constitue une violation grave du droit international et une menace directe pour la paix et la sécurité régionales et mondiales. Dans leur déclaration commune, les ministres des Affaires étrangères de la Jordanie, de l’Égypte, de l’Algérie, de la Somalie, du Yémen, de la Turquie, de l’Arabie saoudite, de l’Iran, du Pakistan, de l’Irak, du Koweït, de la Libye, du Soudan, d’Oman, de Djibouti, de la Gambie, des Comores, du Nigeria, des Maldives et de l’État de Palestine, du Qatar, aux côtés de l’OCI, ont exprimé leur rejet absolu de ce qu’ils qualifient de « décision sans précédent ». Les signataires estiment que la reconnaissance israélienne de la région du Somaliland reflète un mépris flagrant et total des principes fondamentaux du droit international, en particulier ceux inscrits dans la Charte des Nations unies, qui consacre la souveraineté des États, leur unité nationale et l’intégrité de leurs territoires. Ils soulignent que toute reconnaissance unilatérale d’entités issues de processus de sécession non reconnus par la communauté internationale ouvre la voie à une dangereuse remise en cause de l’ordre juridique mondial.
Menace sur la Corne de l’Afrique et la mer Rouge
Les ministres ont mis en garde contre les répercussions sécuritaires de cette décision, affirmant qu’elle risque d’alimenter les tensions dans une région déjà marquée par des conflits armés, des rivalités géopolitiques et une instabilité chronique. La Corne de l’Afrique, zone névralgique pour le commerce mondial et la sécurité maritime, pourrait ainsi devenir le théâtre de nouvelles confrontations si le principe de l’intégrité territoriale venait à être remis en cause. Selon le communiqué, la reconnaissance de la région du Somaliland par Israël ne se limite pas à une prise de position diplomatique isolée, mais s’inscrit dans une logique de fragmentation territoriale et de déstabilisation régionale, aux conséquences potentiellement incontrôlables. Face à cette situation, les États signataires ont réaffirmé leur soutien total et inconditionnel à la souveraineté de la République fédérale de Somalie, à son unité nationale et à son intégrité territoriale. Ils ont rejeté toute mesure susceptible de porter atteinte à la stabilité du pays ou d’encourager des dynamiques séparatistes. Le communiqué insiste sur le fait que la Somalie demeure un État souverain reconnu par l’ensemble de la communauté internationale, et que toute tentative de reconnaissance d’entités séparatistes constitue une ingérence inacceptable dans ses affaires internes. Les ministres ont rappelé que la stabilité de la Somalie est indissociable de celle de l’ensemble de la région de la Corne de l’Afrique. Les signataires mettent également en garde contre le précédent que créerait l’acceptation de telles pratiques. Reconnaître la sécession d’une partie du territoire d’un État souverain par une décision unilatérale revient, selon eux, à légitimer la fragmentation des États et à affaiblir les fondements mêmes du système international issu de la Seconde Guerre mondiale. Dans un contexte mondial marqué par la multiplication des conflits territoriaux, cette démarche est perçue comme une menace directe pour la sécurité collective et pour les principes de non-ingérence et de respect des frontières internationalement reconnues.
Rejet du déplacement forcé des Palestiniens
La déclaration conjointe aborde également la question palestinienne, les ministres exprimant leur rejet catégorique de toute tentative visant à établir un lien entre la reconnaissance de la région du Somaliland et d’éventuels projets de déplacement forcé du peuple palestinien hors de ses terres. Les signataires ont affirmé que de tels projets sont totalement irrecevables, tant sur le plan moral que juridique, et constituent une violation flagrante du droit international humanitaire. Ils ont rappelé que le peuple palestinien dispose de droits inaliénables sur sa terre, droits qui ne peuvent être remis en cause par des arrangements géopolitiques ou des initiatives unilatérales.
Une absence arabe qui interroge
Si cette déclaration illustre une convergence diplomatique entre États arabes, africains et islamiques, elle met aussi en lumière une fracture politique de plus en plus visible au sein du monde arabe. Le Maroc, les Émirats arabes unis et le Bahreïn n’ont pas signé le communiqué, s’abstenant une nouvelle fois de s’aligner sur une position arabe unifiée condamnant les initiatives israéliennes. Cette absence intervient après une série de positions similaires concernant la guerre contre Ghaza, les agressions contre des pays arabes voisins et, plus largement, les violations répétées du droit international par l’entité sioniste. Pour de nombreux observateurs, elle traduit les limites imposées par les accords de normalisation, qui semblent conditionner la politique étrangère de ces États à une forme de silence diplomatique face aux politiques israéliennes. Cette fois-ci, l’enjeu dépasse toutefois la question palestinienne : il s’agit d’une menace directe contre l’intégrité territoriale d’un État membre de la Ligue arabe, la Somalie, et d’un soutien implicite à des tentatives de fragmentation territoriale aux conséquences potentiellement explosives. Dans ce contexte tendu, le Conseil de la Ligue des États arabes, au niveau des délégués permanents, doit tenir une réunion extraordinaire au Caire, à la demande du représentant permanent de la Somalie. Cette réunion vise à examiner les moyens de répondre collectivement à la reconnaissance israélienne de la région du Somaliland, qualifiée par les autorités somaliennes « d’atteinte flagrante » à la souveraineté nationale et à l’unité territoriale du pays. Les discussions devraient porter sur les mécanismes de coordination avec les organisations régionales et internationales, ainsi que sur la réaffirmation du soutien arabe constant à l’unité de la Somalie et au rejet de toute mesure unilatérale susceptible de déstabiliser la région de la Corne de l’Afrique et de la mer Rouge. À travers cette déclaration conjointe, les États signataires entendent adresser un message politique clair : toute tentative de redéfinition des frontières, de légitimation de projets séparatistes ou de remise en cause de l’ordre juridique international en dehors du cadre multilatéral rencontrera une opposition ferme et collective. Ce positionnement commun témoigne de la volonté de défendre les principes fondamentaux du droit international, de préserver la stabilité régionale et de s’opposer aux politiques de fait accompli. Il révèle également, en creux, les divisions persistantes au sein du monde arabe face à l’entité sioniste et les conséquences politiques durables des accords de normalisation sur la capacité d’action collective arabe.
M. Seghilani
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