La capitale française a été, jeudi soir, le théâtre d’une nouvelle fracture morale et politique : celle d’un concert donné par l’Orchestre philharmonique d’Israël à la Philharmonie de Paris, sous les protestations d’une partie du public et des mouvements solidaires du peuple palestinien.
Quatre personnes ont été arrêtées, après qu’un spectateur a allumé un fumigène rouge dans la salle, symbole d’une colère qui déborde les cadres artistiques. La représentation, dirigée par le chef Lahav Shani, s’annonçait dès le départ controversée. Alors que la guerre menée par Israël contre les civils de Ghaza continue de ravager des milliers de vies, de nombreux militants pro-palestiniens avaient dénoncé la tenue de ce concert, estimant qu’il relevait d’une opération de blanchiment culturel – une stratégie visant à redorer l’image d’un État accusé de crimes de guerre et de génocide. La CGT-Spectacle, syndicat représentatif des travailleurs du secteur culturel, avait appelé la Philharmonie à « rappeler à son public les accusations graves visant les dirigeants israéliens », dénonçant le silence complice de certaines institutions culturelles françaises face aux massacres en cours. Malgré ces alertes, le concert a été maintenu.
À l’extérieur, des forces de sécurité ont été déployées en nombre, témoignant de la tension qui entourait l’événement. À l’intérieur, des spectateurs ont exprimé leur refus de cette normalisation culturelle de l’horreur, avant qu’un fumigène ne soit allumé, provoquant des heurts et une évacuation temporaire.
Culture et conscience : le boycott en question
Depuis le déclenchement de la guerre à Ghaza, la question du boycott culturel d’Israël divise les milieux artistiques français. Les partisans du boycott invoquent la responsabilité morale du monde de la culture face à un génocide reconnu par plusieurs instances internationales et organisations de défense des droits humains. Les opposants, eux, se réfugient derrière la sacro-sainte « neutralité de l’art » — une neutralité difficilement tenable quand la musique devient la façade policée d’un régime militaire. Pour les soutiens du peuple palestinien, le concert de jeudi soir illustre cette contradiction criante : l’art ne peut servir d’alibi à la barbarie. En accueillant un orchestre représentant l’État israélien, la France envoie un message ambigu, celui d’une République qui prêche la liberté et les droits de l’homme tout en fermant les yeux sur les crimes commis en son nom par un allié privilégié. Les incidents survenus à la Philharmonie ne sont pas une simple affaire d’ordre public. Ils incarnent la fracture d’une société française de plus en plus partagée entre la défense d’un statu quo diplomatique et la montée d’une conscience citoyenne exigeant que la culture ne soit plus un refuge pour l’impunité. Le public qui a interrompu le concert ne s’en est pas pris à la musique, mais à ce qu’elle symbolisait ce soir-là : la dissonance morale d’un monde qui célèbre la beauté pendant qu’il ignore la souffrance. Et dans ce tumulte, une question persiste : combien de symphonies faudra-t-il encore jouer avant que les cris étouffés de Ghaza ne résonnent enfin dans les salles de concert de l’Occident ?
M. S.









































