Mise en service, jeudi dernier, par le président Abdelmadjid Tebboune, la ligne ferroviaire Béchar-Abadla servira, une fois le tronçon vers Gara Djebilet achevé, à l’acheminement des minerais de fer de la mine de Tindouf vers les ports de l’ouest du pays. Pour connaitre l’utilité structurelle du mégaprojet du sud-ouest du pays, Arezki Chenane, Professeur en sciences économiques et ex-Doyen de la Faculté des sciences économiques, commerciales et des sciences de gestion à l’Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, livre, au Courrier d’Algérie, son analyse.
Le Professeur Chenane a d’abord évoqué « le choix stratégique » opéré par l’Algérie en matière de diversification des ressources et de l’exploitation « de manière judicieuse », des potentialités dont recèle notre pays. « En effet, l’exploitation du gisement de Gara Djebilet s’inscrit dans le cadre, à la fois dans la stratégie nationale du développement du secteur des industries de la sidérurgie et de la métallurgie, mais aussi pour la maîtrise des territoires frontaliers du sud du pays. Ceci conduirait, certainement aussi à faire une jonction entre le développement des filières du secteur des industries lourdes avec l’industrie agro-alimentaire. Cette dernière est insérée dans cette stratégie avec le développement de l’agriculture saharienne qui sera boostée par la fertilisation des terres par le biais de l’exploitation du gisement du phosphate sis à Bled El-Hadba dans la wilaya de Tébessa », a-t-il introduit son analyse. En ce sens, il a rappelé, à propos de la mine de fer de Gara Djebilet, qu’ « elle est l’une des plus grandes au monde avec des réserves estimées à 3,5 milliards de tonnes dont près de 60% de la teneur est du fer le restant est constitué des autres catégories de minerais ».
Notre interlocuteur entre, ensuite, dans le vif du sujet : « C’est dans cette perspective que la logique économique doit aller de pair avec la logique technique relative à l’exploitation de ce gisement. C’est ainsi que le gouvernement a pris l’initiative visant à mettre en place les infrastructures devant servir pour l’exploitation du gisement, mais aussi la logistique qui s’y accompagne. Nous nous référons, ici, particulièrement, aux moyens de communications en assurant le transport par voie ferroviaire. Le projet de la ligne ferroviaire de Gara Djebilet à Béchar, s’étendant sur 950 Km, a été initié dans l’objectif d’assurer le transport des minerais du site jusqu’à Béchar».
« De ce fait, poursuit-il, « 100 Km ont été déjà réalisés et inaugurés par le Président de la République la semaine dernière. Mais ce qui attire notre attention c’est le lancement, justement, d’une unité d’exploitation servant au traitement des minerais de fer en produisant des boulettes de minerais. Il est prévu la production de 10 millions de tonnes par an à partir de Juillet 2026. C’est pourquoi, nous qualifierons ce projet d’exploitation d’une haute intégration dans la mesure où il pourrait non seulement créer de l’emploi, mais il contribuera, à fortiori, à produire des composants (acier) à base de ces minerais».
Maîtrise des coûts et de la technologie
D’autre part, le Professeur Chenane émet des recommandations qui sont de nature à rentabiliser au mieux le mégaprojet : « Il y a lieu juste de tenir compte du coût du traitement des minerais pour la production des boulettes servant comme combustible dans les hauts fourneaux des grandes usines ; il va falloir penser à maîtriser la technologie adaptée par la déphosphoration mais aussi à la rentabilité. Mais au-delà de celle-ci, nous pouvons dire, sans risque de nous tromper, que l’usage des minerais sera d’un apport considérable pour le développement de la sidérurgie et de la métallurgie en Algérie ».
Pour finir, Pr Chenane a souligné que « la réalisation de ce projet, structurant ne pourra aboutir, totalement, que si le tronçon de la voie ferroviaire reliant Béchar à Oran est totalement achevé.
Ce qui permettra l’acheminement des minerais de fer vers les ports de l’ouest du pays. À cet effet, nous devons, garantir les exportations de produits à base de minerais et non l’exportation à l’état brut de nos ressources».
Ce qui, a-t-il conclu, « confortera l’option stratégique de l’Algérie en matière de diversification économique même en matière de l’exploitation des ressources énergétiques et minières dont recèle le pays ».
Farid Guellil