Accueil MONDE Muhammad Yunus : «Le banquier des pauvres» à la tête du Bangladesh

Muhammad Yunus : «Le banquier des pauvres» à la tête du Bangladesh

0

Le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, revenu d’exil jeudi pour diriger le Bangladesh, à la tête d’un gouvernement intérimaire après la fuite de la Première ministre Sheikh Hasina, est un pionnier de la micro-finance distingué pour son action comme « banquier des pauvres ».
Cet économiste âgé de 84 ans avait décroché la prestigieuse récompense en 2006 pour son rôle dans l’éradication de l’extrême pauvreté au Bangladesh en proposant des microcrédits à des dizaines de millions de femmes en milieu rural, par l’intermédiaire de sa Grameen Bank, co-lauréate du prix Nobel. « Les êtres humains ne sont pas nés pour souffrir de la misère, de la faim et de la pauvreté », avait déclaré M. Yunus, dont le modèle a été transposé dans de nombreux autres pays, en recevant le Nobel. Après cette distinction, il avait envisagé la création d’un parti avant d’abandonner rapidement son projet. Il ne s’en était pas moins attiré l’hostilité d’une partie de l’élite au pouvoir, Mme Hasina n’hésitant pas à l’accuser « sucer le sang » des pauvres. Visé par plus de 100 procédures pénales, Muhammad Yunus s’était résolu à l’exil après avoir été condamné à six mois de prison en janvier pour infraction au droit du travail. Son acquittement en appel mercredi a ouvert la voie à son retour. Mme Hasina a pris la fuite lundi sous la pression de la rue après 15 ans de mandat de plus en plus autoritaire. Les chefs de file de la protestation étudiante, dont les contestations ont conduit à l’éviction de la dirigeante, avaient dit souhaiter que Muhammad Yunus dirige un gouvernement d’intérim.
La décision de former un tel gouvernement a finalement été prise lors d’une rencontre entre le président Mohammed Shahabuddin, des hauts dignitaires de l’armée et des responsables du collectif Students Against Discrimination (Etudiants contre la discrimination), principal mouvement à l’origine des manifestations initiées début juillet, avait annoncé la présidence mercredi.
« J’ai toujours mis la politique à distance (…) Mais aujourd’hui, s’il faut agir au Bangladesh, pour mon pays, et pour le courage de mon peuple alors je le ferai », a confié le prix Nobel dans une déclaration écrite à l’AFP peu avant son retour, appelant à l’organisation d' »élections libres ».

Campagne agressive
Outre les nombreuses procédures judiciaires qui l’ont visé, Muhammad Yunus a fait l’objet d’une campagne agressive menée par une organisation de prédication musulmane. Le gouvernement l’a forcé à quitter la Grameen Bank en 2011, une décision contestée par M. Yunus mais confirmée par la plus haute juridiction du pays. En janvier, M. Yunus et trois de ses collaborateurs avaient été condamnés à six mois d’emprisonnement par un tribunal de Dacca pour avoir enfreint le droit du travail. Ils avaient été libérés sous caution dans l’attente de la décision d’appel, qui les a donc blanchis. Les soutiens de M. Yunus comme l’ONG Amnesty International ont considéré que l’affaire était motivée par des raisons politiques.

Pauvreté « flagrante »
M. Yunus est né le 28 juin 1940 dans un milieu aisé de Chittagong, le plus grand port du pays. Son père était un orfèvre prospère. Le prix Nobel a dit avoir été influencé par sa mère, Sofia Khatun, qui faisait fréquemment œuvre de charité auprès des plus pauvres.
De retour au pays en 1971 après des études d’économie aux Etats-Unis, il a pris les rênes du département d’économie de l’université de Chittagong. Ses travaux ont immédiatement ciblé la pauvreté, accentuée par la grande famine de 1974.
« La pauvreté était flagrante, de toutes parts, je ne pouvais m’en détourner », a-t-il raconté en 2006. « Il m’était difficile d’enseigner de belles théories d’économie dans une salle de classe universitaire (…) Il fallait que je fasse quelque chose d’immédiat pour aider les gens autour de moi ». Selon la Fondation Nobel, sa toute première initiative a consisté à prêter son propre argent à des vanniers démunis. L’idée était de faciliter l’accès à des petits crédits aux personnes trop pauvres pour bénéficier des prêts bancaires traditionnels. Au fil des ans, son initiative a pris la forme de la Grameen Bank, qu’il a fondée en 1983 et qui s’est développée avec succès. « Nous avons créé un monde sans esclavage, un monde sans variole, un monde sans apartheid. Créer un monde sans pauvreté serait le plus grand de tous ces accomplissements et qui les renforcerait », prêche-t-il. « Un monde dans lequel nous pourrions tous être fiers de vivre ».

Article précédentÀ LA PROCHAINE RENTRÉE : 1.700 écoles seront équipées en matériel numérique
Article suivantPRÉSIDENTIELLE 2024/J-5 AVANT LA CAMPAGNE ÉLECTORALE : L’ANIE prépare le terrain aux candidats