Le premier Sommet africain sur le climat, qui s’est ouvert, hier, à Naïrobi, au Kenya, est un événement qui servira de plate-forme aux pays africains pour aborder les questions clés du changement climatique. Il devra tracer une voie commune vers la durabilité environnementale qui aura besoin d’un financement pour ce continent de plus en plus vulnérable aux conséquences désastreuses du réchauffement climatique.
L’Afrique fait face, de manière disproportionnée, au changement climatique même si le continent n’est responsable que d’une infime fraction des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), a souligné lundi l’Organisation météorologique mondiale (OMM) à l’occasion du Sommet africain sur le climat, à Naïrobi, au Kenya. « L’Afrique est responsable de moins de 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Or c’est le continent qui est le moins équipé à même de faire face aux effets déletères du changement climatique. Les canicules, les fortes pluies, les inondations, les cyclones tropicaux et les sécheresses persistantes ont des effets dévastateurs sur les communautés et les économies, et le nombre de personnes menacées va croissant », a déclaré le Secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas. Le rythme de la hausse des températures en Afrique s’est accéléré au cours des dernières décennies et les risques liés au temps et au climat sont de plus en plus graves, selon un nouveau rapport de l’OMM sur l’état du climat en Afrique 2022. Et la vitesse à laquelle la température augmente s’accélère et des phénomènes météorologiques extrêmes aggravent l’insécurité alimentaire de cette région du monde, alors que la productivité agricole chute. D’après le document onusien, cette situation alimente aussi les déplacements et les migrations et aggrave la menace de conflits provoqués par la raréfaction des ressources. L’agriculture est à la base des moyens de subsistance et des économies nationales en Afrique, elle fait vivre plus de 55% de la population active. Mais à cause du changement climatique, la croissance de sa productivité agricole a chuté de 34% depuis 1961. « Cette baisse est la plus élevée enregistrée par comparaison à ce qu’ont connu d’autres régions du monde », selon l’OMM.
Le défi de la sécurité alimentaire
Les projections prévoient que, d’ici 2025, les pays africains multiplieront par trois leurs importations annuelles de denrées alimentaires qui passeront de 35 milliards de dollars à 110 milliards de dollars. Selon la même source, au cours de la période 1991-2022, l’Afrique a enregistré un taux moyen de réchauffement de +0,3°C/décennie, contre +0,2° C/décennie entre 1961 et 1990. Ce chiffre dépasse légèrement la moyenne mondiale. C’est en Afrique du Nord, aux prises avec des canicules extrêmes ayant alimenté des incendies de forêts en 2022, que le réchauffement a été le plus rapide, tandis que la Corne de l’Afrique a subi sa pire sécheresse depuis 40 ans, notamment en Ethiopie, au Kenya et en Somalie. Dans le même temps, de nombreuses régions du Sahel ont subi d’importantes inondations pendant la mousson. Le Nigeria, le Niger, le Tchad et la moitié sud du Soudan ont été particulièrement touchés. Rédigé conjointement avec la Commission de l’Union africaine et la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), le rapport a été rendu public lors du Sommet africain sur le climat, à l’occasion duquel le plan d’action sur les alertes précoces pour tous en Afrique a également été lancé. « Les observations météorologiques sont très lacunaires en Afrique et les services d’alerte précoce sont terriblement insuffisants. Nous sommes bien déterminés à combler ces lacunes et à faire en sorte que tout le monde puisse recevoir des alertes précoces salvatrices », a fait remarquer M. Taalas. Ce sommet représente une excellente occasion pour le continent africain de s’unir sur toutes les questions liées au changement climatique.
L’Afrique parlera, pour la première fois, d’une seule voix sur les questions liées au changement climatique et au financement de programmes visant à en atténuer les effets. Dans son discours d’ouverture, le président kényan, William Samoei Ruto, président du Comité des chefs d’État et de gouvernements de l’Union africaine (UA) sur les changements climatiques (CAHOSCC), a appelé à faire de l’Afrique un continent qui ne représente que 4% des émissions mondiales « une puissance émergente en matière de croissance verte ». Il a, en outre, dit souhaiter que cette rencontre parvienne à une voix commune sur le développement et le climat afin de « proposer des solutions africaines » à la prochaine Conférence des Parties sur les changements climatiques (COP28) qui se tiendra à Dubaï, aux Emirats arabes unis, du 30 novembre au 12 décembre prochains. Ajoutant que le sujet majeur est l’opportunité sans équivalent que l’action climatique représente pour l’Afrique, rappelant le potentiel de l’Afrique pour être entièrement auto-suffisante en énergie grâce aux ressources renouvelables. M. Ruto a précédemment déclaré que « l’action climatique n’est pas un problème du Nord ni un problème du Sud. C’est notre défi collectif, et il nous concerne tous », appelant à « nous rassembler pour trouver des solutions communes et mondiales ». Au moins vingt chefs d’État et de gouvernements participent à ce Sommet qui fixera l’ordre du jour de l’engagement de l’Afrique auprès de la communauté mondiale sur les questions de conservation et de changement climatique. Pour le secrétaire du Cabinet des Affaires étrangères et de la diaspora du Kenya, Alfred Mutua, cité par KNA, le Sommet « est une excellente occasion pour le continent africain de s’unir sur toutes les questions liées au changement climatique ». Organisé parallèlement à la Semaine africaine du climat, du 4 au 8 septembre, sous la houlette du gouvernement kényan et de l’UA, ce Sommet de trois jours vise à répondre à l’exposition croissante au changement climatique et à ses coûts associés, tant à l’échelle mondiale qu’en Afrique où vivent 1,2 milliard d’habitants avec plus de 60% des meilleurs potentiels mondiaux en énergie solaire.
Des coûts dus aux « dommages résiduels »
Dans un monde où le réchauffement serait de 4°C avec une adaptation régionale forte, l’Afrique pourrait encourir, chaque année d’ici à 2080, des coûts dus aux « dommages résiduels » équivalant à 3% de son produit intérieur brut projeté. Les coûts des pertes et dommages dus au changement climatique en Afrique sont estimés entre 290 et 440 milliards de dollars sur la période 2020-2030 d’après le Centre africain pour la politique en matière de climat de la Commission économique pour l’Afrique. En revanche, le financement de l’adaptation au climat ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan de ce dont a besoin le continent. Les pays africains ont désormais soumis leur contribution déterminée au niveau national. Pour mettre en œuvre ces contributions, il faudra près de 2 800 milliards de dollars entre 2020 et 2030.
L’Afrique « au cœur de la problématique du financement »
Dans son intervention par visioconférence aux travaux de la réunion préparatoire de haut niveau, tenue en juillet dernier, en prévision du Sommet africain sur le climat, la ministre de l’Environnement et des Energies renouvelables, Fazia Dahlab, chargée par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait affirmé le soutien de l’Algérie pour le succès de cette rencontre et insisté sur « l’importance de placer le continent africain au cœur de la problématique du financement climatique, l’Afrique étant la plus affectée par les effets négatifs du changement climatique ». Mme Dahlab avait appelé, en outre, à « l’adoption d’une approche inclusive pour réaliser la stratégie africaine pour le financement climatique », soulignant l’importance de « prendre en ligne de compte les préoccupations des Etats africains et les différentes initiatives continentales ». Elle a cité, dans ce cadre, l’initiative du président de la République concernant la création d’un mécanisme africain de réponse aux catastrophes naturelles qui se veut, a-t-elle estimé, « le meilleur moyen pour protéger notre continent ». Cette initiative continentale « s’inscrit en droite ligne avec notre stratégie nationale », a affirmé la ministre, rappelant que l’Algérie avait élaboré une nouvelle loi relative à la prévention des risques majeurs et à la gestion des catastrophes dans le cadre du développement durable.
« Une superpuissance des énergies renouvelables »
En présence de dirigeants africains et de responsables d’ailleurs, dont le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé le monde à faire de l’Afrique « une superpuissance des énergies renouvelables », lors de son discours « Les énergies renouvelables pourraient être le miracle africain. Nous devons travailler ensemble pour que l’Afrique devienne une superpuissance des énergies renouvelables », a-t-il lancé, tout en demandant aux dirigeants du G20, qui se réunissent ce week-end en Inde, « d’assumer leurs responsabilités » dans la lutte contre le changement climatique. Une transition énergétique propre dans les pays en développement est cruciale pour tenter de maintenir l’objectif de l’Accord de Paris consistant à limiter le réchauffement climatique « bien en-dessous » de deux degrés Celsius depuis l’époque préindustrielle, et de 1,5° C si possible. Pour y parvenir, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) affirme que les investissements devront atteindre 2 000 milliards de dollars par an d’ici une décennie. Les intervenants du sommet ont également appelé à réformer les structures financières mondiales pour les aligner sur les objectifs climatiques.
M. Seghilani