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Oran : La prise en charge des sidéens perturbée par la crise sanitaire

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La prise en charge des malades atteints du Syndrome immuno-déficitaire acquis (Sida) dans la wilaya d’Oran a été lourdement impactée par la crise sanitaire liée à la Covid-19, selon les professionnels du secteur qui évoquent de grandes perturbations et craignent de voir le nombre de cas exploser dans les années à venir.

Au centre de référence régional de la prise en charge du Sida, relevant du CHU Docteur Benzerdjeb d’Oran, transformé en unité Covid-19 pendant des mois, la chef de ce service, le Pr. Nadjet Mouffok, accueille l’équipe de l’APS avec le sourire. Un sourire et un calme qui contrastent avec la lourdeur de sa mission : trouver une équation pour prendre en charge les malades du Sida à l’ère de la Covid-19. Le centre qui accueillait une grande partie des malades atteints du Sida issus de différentes wilayas de la région ouest, soit une moyenne de 4.000 cas par an, s’est vu reconverti, crise sanitaire oblige, en unité Covid du mois d’avril 2020 jusqu’au mois de septembre de la même année. À la tête de l’unique service de maladies infectieuses de la wilaya d’Oran, le Pr. Mouffok et son équipe ont été mobilisés pour faire face à la pandémie Covid-19, depuis ses premières semaines. « Nous n’avions plus la possibilité d’hospitaliser les cas VIH (Virus de l’immunodéficience humaine) qui souffraient d’infections parasites », explique le Pr Mouffok, ajoutant qu’elle essayait avec son équipe de « dispatcher » les cas compliqués, soit au niveau des établissements de santé dans d’autres wilayas, soit dans des services au CHUO, comme ceux de pneumologie ou de réanimation. Les malades du VIH « se sont retrouvés comme des orphelins », témoigne aussi Hayet Azzi, présidente de l’Association d’aide et de soutien aux personnes vivant avec le Sida « Rêve de vivre positif ». L’Association s’est mobilisée dès le début de la crise pour aider cette catégorie de malades.

Peur de contracter le Coronavirus
Jusqu’au mois de septembre dernier, le service des maladies infectieuses était fermé à l’hospitalisation. Son équipe continuait à assurer des consultations et distribuer les médicaments pour les malades dont elle assure le suivi. Seulement, le problème réside dans le fait que ces malades sont des personnes vulnérables pour lesquelles la contamination par le coronavirus peut s’avérer fatale. Les consultations continuaient à se faire, toutefois beaucoup de malades hésitaient à se rendre à l’hôpital car craignant l’exposition aux risques du virus. « La crise sanitaire a isolé beaucoup d’entre eux », regrette le Pr Mouffok, ajoutant que sur les 2.300 malades suivis par son service, quelque 150 n’ont plus donné signe de vie depuis le début de la crise, ni pour une consultation, ni pour récupérer leurs traitements. « Ces personnes perdues dans la nature peuvent rechuter et redevenir contagieuses », souligne la même responsable, précisant que pour certains cas, leur état s’est stabilisé, et le virus maîtrisé grâce aux traitements prodigués. « C’est dommage de les perdre ainsi de vue! », se désole-t-elle. Même après la réouverture du service, début septembre, en gardant seulement cinq (5) lits pour les cas Covid nécessitant des soins spéciaux, les malades VIH continuent à se faire rares. « La grande majorité a peur de contracter le virus en se rendant à l’hôpital », estiment les spécialistes. « Aucun décès de cas VIH ayant contracté le virus de la Covid n’a été recensé dans notre service », assure le Pr. Mouffok. La présidente de l’Association « Rêve de vivre positif » a, quant à elle précisé, que des cas VIH qu’elle connaît dans le cadre de son travail associatif, ayant contracté le virus Corona, n’ont pas fait de grandes complications. Un constat partagé par le Pr. Mouffok selon qui, « il n’existe pas encore d’études approfondies établissant un lien entre le Sida et la Covid-19 ».
L’Association « Rêve de vivre positif », avec d’autres partenaires, s’est mobilisée, depuis le début de la pandémie, pour distribuer les médicaments à domicile aux malades. « Nous avons reçu des appels de différentes wilayas dans l’ouest du pays telles Tiaret, Mascara, Mostaganem, mais aussi des wilayas dans le Sud-ouest, comme Nâama et El Bayadh », relève Mme Azzi. « Malheureusement, ce ne sont pas tous les malades qui sont informés sur ce genre d’actions.
La plupart ne sont pas connectés aux réseaux sociaux, principal moyen de communication pour ces associations. Certains sont même illettrés. C’est cette catégorie qui s’est retrouvée isolée au cours de cette crise sanitaire », estime la même responsable.

Les risques de l’après-pandémie
De son côté, la Direction locale de la santé et de la population (DSP) a contribué, pour venir en aide aux malades atteints du Sida, en délivrant des autorisations spéciales pour les associations qui assurent l’acheminement et la distribution des médicaments.
« Nous avons tenté de faciliter le déplacement des personnes impliquées dans ces actions, notamment lors de la période d’interdiction de circulation entre les wilayas », souligne le chargé de la communication de la DSP, Youcef Boukhari. Si les efforts ont été focalisés sur la prise en charge et l’approvisionnement des malades en médicaments, le dépistage des nouveaux cas VIH a, quant à lui, pris un sérieux coup. Alors que des campagnes de dépistage étaient organisées à longueur d’année, un arrêt brusque et total s’est produit suite à la déclaration de la pandémie. Le résultat se fait ressentir sur le terrain : le service des maladies infectieuses du CHU d’Oran n’a recensé que 245 nouveaux (des différentes wilayas de l’ouest), contre 530 au cours des 11 premiers mois de l’année écoulée, révèle sa responsable.
L’absence des campagnes de dépistage, ajoutée à la perturbation des différents services de santé, et avec, la diminution des bilans sanguins exigés pour diverses raisons (préopératoires, prénuptiales, entre autres), qui peuvent détecter l’infection au HIV, ont fait que le nombre des nouveaux cas détectés soit en baisse, ajoute le Pr. Mouffok. « Après la fin de la pandémie, les craintes de voir les cas (VIH) exploser vont être ressenties.
Tous les cas non détectés à cause du manque de dépistage finiront par ressurgir », selon le Pr Mouffok. Les spécialistes du domaine estiment que la Covid-19 a « suffisamment chamboulé » les différents services de santé. Il est ainsi temps, selon eux, d’essayer de rattraper le retard cumulé ces derniers mois et de trouver un équilibre entre la Covid-19 et le reste des maladies.

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