Comment pouvoir mener la lutte contre la corruption à l’encontre des cadres de l’État et gestionnaires publics, à priori coupables d’actes délictueux, et, au même temps, protéger l’intégrité de la personne incriminée si le jugement s’avère au final une pure délation ?
Voilà une équation à deux inconnues qui est d’apparence facile à résoudre, mais dont le souci de trouver le juste-équilibre aura nécessité l’intervention du Premier magistrat du pays. Auparavant, représentent-elles une base à partir de laquelle l’enquêteur peut y voir le bout d’une piste à emprunter pour rechercher les éléments susceptibles de constituer un dossier d’accusation en bonne et due forme, les lettres de dénonciations frappées du sceau de l’anonymat seront désormais abandonnées. Autrement dit, les institutions, les instances judiciaires comme les enquêteurs dont la compétence relève des différents services de sécurité n’y tiendront désormais plus compte. Si cette nouvelle directive inhérente à la procédure d’enquête a été annoncée, verbalement, par le président de la République, à l’ouverture de la rencontre Gouvernement – Walis, réunie les 12 et 13 août écoulés, on en connait désormais le détail des termes énoncés, tels que rendus publics hier, via une dépêche de l’Agence de presse nationale. Et, aux dernières nouvelles, le président Tebboune a saisi officiellement de cette instruction les membres du gouvernement et l’ensemble des responsables des services de sécurité auxquels il enjoint d’abandonner cette « fausse piste » qui aura « précipité » des poursuites judiciaires à l’encontre des personnes dénoncées et sur la base d’éléments d’accusation « farfelus ». Ainsi, pouvait-on lire sur le communiqué portant cette instruction, « Des rapports parvenus à la présidence de la République font ressortir que certains cadres de l’État et responsables à différents niveaux ont fait l’objet de poursuites judiciaires, sur la base de simples lettres anonymes adressées aux différents services de sécurité et institutions de l’État. »
Conséquence du recours au traitement de ces courriers occultes, « Nombre de cadres ont ainsi été privés de liberté sur la base de ces lettres qui, le plus souvent, se sont avérées dénuées de tout fondement », souligne la même source, ajoutant à cet état de fait « l’injustice subie par ces derniers-sus-cités, cet état de fait a entraîné une paralysie de l’activité des administrations et des entreprises publiques, à cause de la crainte, la peur et l’angoisse d’être poursuivi sur la base d’une simple lettre anonyme. » Au-delà de résulter d’un climat de peur aussi bien au sein des institutions que les entreprises économiques et publiques, dont les responsables, gagnés par la crainte d’éventuelles poursuites « se limitent à un minimum d’obligations et ne développent aucun esprit d’entreprise. C’est ainsi que le traitement d’importants dossiers, revêtant parfois un caractère d’urgence, est renvoyé à des dates ultérieures, causant ainsi de graves préjudices au fonctionnement de ces institutions. »
« J’accorde le plus grand intérêt à la stricte application de la présente instruction ». Pour ce faire, le chef de l’État appelle les institutions, instances judiciaires et services de sécurité à distinguer le bon grain de l’ivraie. C’est-à-dire, les fautes et erreurs de gestion dont la sanction sera d’ordre administratif et les actes délictueux inhérents à la corruption et la dilapidation de deniers publics. « Différencier les fautes de gestion dues à une erreur d’appréciation des actes volontaires qui ne profitent qu’à leurs auteurs ou à des tiers malintentionnés. Pour ce faire, l’administration judiciaire dispose de tous les moyens légaux pour mener des investigations en la matière », explique-t-on.
Ainsi, la nécessité de continuer à lutter contre la corruption « ne doit, en aucun cas, prendre la forme d’une campagne de déstabilisation des outils de réalisation et de concrétisation des missions de l’État et de ses différentes structures d’exécution», lorsque l’on sait que « Ce climat malsain est naturellement alimenté par des rumeurs souvent distillées par les tenants de l’argent sale, des corrompus, ceux qui veulent à tout prix déstabiliser l’Etat et ses structures pour échapper à leur sort inéluctable. » En revanche, citre la présidence de la République dans son instruction, les citoyens peuvent directement ou à travers les médias de présenter, s’ils le souhaitent, les preuves irréfutables de dénonciation, surtout que l’Etat les protégera contre de probables « représailles ». Également, ils peuvent le faire auprès des institutions et autorités habilitées conformément aux procédures judiciaires en vigueur.
Farid Guellil