Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a opéré, lundi, un mouvement partiel dans le corps des walis et des walis délégués, en vertu duquel il a été mis fin aux fonctions de huit (8) walis et six (6) walis délégués, qui sont ainsi définitivement écartés des affaires. D’autre part, et conséquemment à cette purge qui en dit long sur les motivations qui l’ont présidée, le chef de l’État a nommé 17 walis et 14 walis délégués.
Dans tout système de gouvernance centralisé comme le nôtre, le succès de toute initiative du pouvoir central s’appuie sur ses représentants locaux entre walis, chefs de daïras et les élus des Assemblées populaires communales pour le cas de l’Algérie. À bien revoir la liste des premiers magistrats de wilayas écartés, il est aisément facile d’en déduire qu’ils avaient en charge la gestion des régions « truffées » de zones d’ombres, des régions délaissées par les pouvoirs successifs, dépourvues de tous moyens les plus élémentaires pour une vie du moins décente : absence du transport pour les petits écoliers qui, en hiver, grelottent tels des feuilles d’arbres car privés de chauffage, routes délabrées, pénurie d’eau, électricité et gaz, alors que l’argent coulait à flot à une certaine époque pas trop lointaine.
En effet, les commis de l’État remerciés sont ceux de Béchar, Djelfa, Skikda, Mostaganem, M’sila, Tissemsilt, Tipaza, et de Relizane, en plus du wali délégué de Timimoune, wilaya d’Adrar. En somme, toutes ces wilayas « regorgent » de zones d’ombre que le chef de l’État tente, tant bien que mal, de faire sortir du gouffre vers la lumière.
Est-ce vraiment la raison du limogeage de ces commis de l’État ? Fort probable, sachant que lors de la dernière rencontre gouvernement-walis tenue au Club des Pins, à Alger, et consacrée à l’évaluation de la mise en œuvre des orientations émises lors de la première réunion du mois de février écoulé, le président Tebboune, dans son discours d’ouverture, n’a pas mâché ses mots en usant d’un ton sévère, lui qui est connu pour son tempérament plutôt calme, acculant les walis accusés de lenteurs bureaucratiques, de négligence, de blocage sciemment dressé pour faire barrage au train de la réforme, et l’existence de complot avec des ramifications internes et externes qui travaillent pour saper tous les efforts consentis et tracés, tout en promettant de sévir contre les responsables. « Prenez garde, il y a des forces qui sont contre la stabilité du pays, il y a des complicités à l’intérieur de l’administration, il y a des enquêtes pour savoir qui a fait quoi », a –t-il fulminé sur un ton ferme et menaçant.
Le Président n’a pas omis à l’occasion de rappeler les walis sur la nécessité de prendre en charge les doléances de la population, de se consacrer entièrement au service du citoyen loin de toute démagogie, et le servir avec abnégation, ainsi que de lutter contre les disparités entre les régions du pays en travaillant de concert avec la société civile qui peut énormément contribuer à la réalisation des objectifs tracés et l’édification de la nouvelle Algérie.
L’ombre de soi-même à défaut d’éclairer les « zones d’ombre »
Aussi, à la veille de cette même rencontre, le chef de l’État avait décidé une série de limogeages touchant les chefs de daïra et les présidents d’APC pour malversation et manquements graves à la mission de service public.
Il est donc clair comme l’eau de roche, que le coup de tête du président Tebboune est plutôt lié à la gestion peu reluisante du dossier des zones d’ombre, appuyé par des chiffres et pourcentages qui s’étalent sur six mois (6) de travail, mais dont le résultat est loin des aspirations du chef de l’État et de son gouvernement.
Le rapport avancé au 2éme jours de la rencontre par le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, renseigne à plus d’un titre sur la présence des vieux réflexes dont les walis et les chefs de daïras ne veulent pas s’en débarrasser, alors que le Président tient à son projet de nouvelle Algérie en rupture avec les anciennes pratiques, née à la lumière d’une révolution pacifique du 22 février 2019 qu’il a toujours qualifiée de bénie, ayant évité l’effondrement des institutions de l’État. Voilà peut-être ce qui pourrait justifier le coup de balai du président de la République dans le corps des walis.
«Selon les chiffres en ma possession, seules 10 à 20 % des orientations du président de la République ont été appliquées, alors que nous avions espéré au moins un taux oscillant entre 50 à 60 % », a déclaré sèchement Abdelaziz Djerad dans son discours de clôture, à la fois évaluatif des applications des consignes précédentes du chef de l’État, mais aussi incitatif pour la prochaine étape, fixée d’ici la fin de l’année pour corriger les manquements et rattraper le temps perdu. En langages de chiffres, beaucoup plus précis, le nombre des opérations achevées dans le cadre des programmes de développement des zones d’ombre s’élève à 1 256 projets pour un montant de à 15, 95 Mds de Da au niveau de 1 014 zones d’ombre et au profit de 716 000 citoyens, et ce sur un total de 11 815 projets inscrits pour une enveloppe de 207 mds de Da portant sur 9 502 zones. Presque insignifiant pour ainsi dire.
Et le Président en est conscient après que la neige fondue au premier soleil du printemps eut révélé les secrets de l’hiver. Il faut donc miser sur le bon cheval si on veut finir premier. Telles semblent les motivations de ce changement initiés par le président Tebboune.
Déblayer le terrain au référendum
Il ne faut pas aussi perdre de vue, par ailleurs, que ce mouvement dans le corps des walis intervient à la veille d’un rendez-vous électoral crucial pour l’avenir du pays, à savoir le référendum fixé à la date symbolique du 1er novembre.
Ayant fait toutes ses classes au sein du système, le chef de l’État, qui veut se débarrasser de cette casquette d’un enfant de la boîte, connaît parfaitement le rôle malsain des représentants locaux, entre walis et chefs de daïra, qui s’adonnaient volontiers aux bourrages des urnes, détournements des voix des électeurs, au profit du plus offrant et qui pourraient ainsi lui jouer des tours lors de ce référendum populaire sur la révision de la Constitution. Le Président, qui joue ainsi la carte de la transparence, a besoin d’hommes crédibles et honnêtes pour réussir son challenge d’une Algérie nouvelle qui retrouvera son essor parmi le concert des nations. Outre ce « dégommage », 17 autres walis ont été nommés en remplacement de ceux démis de leurs fonctions, en plus de neuf (9) autres pour les wilayas de Chlef, Tamanrasset, Tébessa, Sétif, Guelma, Médéa, Oran, El-Oued , ainsi que pour Ain-Témouchent.
Pour les walis délégués, 14 au total ont été renvoyés et remplacés par d’autres dans les circonscriptions suivantes : Timimoun (Adrar), Dar El- Beïda, Chéraga, Bir Mourad-Raïs, Bouzaréah, et Rouiba, relevant toutes de la wilaya d’Alger. Le chef de l’État a ainsi joint l’acte à la parole en se débarrassant de ceux qui, dans un passé pas lointain, faisaient la pluie et le beau temps sur le plan local. Du temps où pour pouvoir voir « Hmimed », c’est tout un parcours du combattant. Une belle leçon pour les nouvelles recrues qui doivent ainsi faire preuve de responsabilité, de dévouement et d’abnégation pour la Patrie au risque de se faire inviter à prendre le premier train qui passe.
Brahim Oubellil