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Samsom Ismaïl : Le peintre des joies intimes de la Casbah

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Ismaïl Samsom dessine depuis son enfance mais il ne viendra à la peinture que sur le tard. Il est d’abord instituteur, avant de se lasser de ce métier et de s’installer en Tunisie.
Son tempérament, sa curiosité et son goût de l’aventure l’amèneront à faire des voyages en Europe, aux Antilles et en Amérique du Sud.

Par Ali El Hadj Tahar

Après son périple, il revient à Alger pour repartir en France, en 1953. A la Casbah, il est victime d’un accident en 1957, avec pour conséquence la paralysie de ses membres inférieurs. Ce drame le pousse vers une autre quête, intérieure celle-là : la peinture, pratiquée en autodidacte. De retour en Algérie en 1960, il organise sa première exposition personnelle à la galerie de l’UNAP, en 1966.
D’emblée, sa peinture est l’expression d’un homme blessé qui cherche à accomplir son cheminement et sa quête à travers un art susceptible de donner un autre sens à sa vie. Il s’investit dans l’art avec la même fougue qui l’animait avant l’accident qui l’a condamné à une chaise roulante. La passion de croquer la vie à pleines dents se transforme en besoin irrépressible qui fera très vite évoluer son art sur le plan technique, d’autant que la sensibilité et la culture de Samsom l’y prédisposent. D’emblée, son sujet est l’Humain ; et plus particulièrement la femme et l’enfant. Évidemment, Samsom a trouvé en la thématique issiakhémienne une matière où il s’identifie pleinement et qu’il cherchera à enrichir de sa propre expérience, de ses propres aspirations et idéaux. La touche et les préoccupations personnelles ne tardent pas à apparaître dans ses œuvres qui respirent la tendresse, la bonté et l’humilité.
En 1967, il obtient le Grand Prix de la ville d’Alger et continuera à approfondir son travail en restant fidèle à sa thématique première. La lumière et la joie animent sa vision. Et contrairement à Issiakhem, ce n’est pas l’expressionnisme qu’il cherche car Samsom ne traite pas de la condition humaine dans ce qu’elle peut avoir de pénible ou de tragique.
Il voit plutôt la vie sous son angle positif et heureux, en essayant de mettre en valeur la joie, sinon la douceur de vivre ainsi que la beauté des femmes et la candeur des enfants. Ses femmes sont fortes et vigoureuses et respirent la santé, tout comme les enfants aussi et même les animaux, très présents dans cette peinture. Guidé par un humanisme serein, Samsom admire autant Picasso que Cézanne ou Paul Klee mais il ne tombe sous aucune influence, pas même celle du symboliste Gustav Klimt avec qui il a beaucoup de similitudes techniques.
Les intérieurs de Samsom sont gais et ses femmes sont épanouies. Elles sont souvent entourées d’enfants et d’animaux domestiques, tels que chats, chiens et oiseaux. Ici, peindre semble également être une sorte de thérapie qui aide à oublier le drame pour retrouver l’enfance et une jeunesse heureuses et insouciantes. Samsom s’intéressera aussi aux paysages et aux natures mortes traités comme des sujets dignes d’être peints au vingtième siècle. D’ailleurs beaucoup d’artistes d’aujourd’hui continuent à les traiter avec un esprit et une touche modernes. Pleine de sensibilité et de fragilité, son œuvre est parfois marquée par une certaine tristesse, voire un spleen qui n’ont rien de pesant. Chaude et lumineuse, cette peinture se veut un hymne à la vie et une louange à toutes les belles choses qui nous entourent et qu’un pinceau ne peut toutes répertorier, se contentant de décrire une fête de mariage par-ci, un jeu d’enfants par-là, une rencontre au hammam, un groupe de danseuses, des fillettes en train de s’amuser, un enfant avec son chat…
Ismaïl Samson est l’un des premiers peintres algériens à aborder les paysages urbains algérois d’une manière qui n’a rien à voir avec la mode orientaliste et classique encore en vigueur dans la peinture algérienne des années 1970 et dont les principaux représentants étaient Abderrahmane Sahouli, Mohamed Zmirli, Mohamed Hamchaoui, Mohamed Chegrane et Mohamed Nedjar. Attaché aux traditions, c’est la Casbah et ses gens qu’il peint surtout, fidèle aux îlots de maisons basses traversées par des ruelles qui montent en dédales d’escaliers : des femmes avec leurs emplettes à la main, des enfants qui jouent ou qui vont à l’école, des fillettes s’amusant dans une ruelle, et autres scènes bigarrées…
Refusant l’exotisme, car, disait-il : « Je ne veux pas une Casbah documentaliste mais une Casbah de cœur », Samson est loin des images d’Épinal qui embellissent la réalité. Les tons bistre, les ocres et les gris sont d’ailleurs très présents chez cet artiste qui a peint un Vieil Alger tout simplement humain, avec des gens vaquant à leurs activités quotidiennes, où une femme en haïk et au visage couvert d’une voilette de soie vous donnerait peut-être envie de la suivre dans l’espoir qu’elle dévoile son visage, vous laissant voir à quel point elle est belle. À son sujet de prédilection, Samsom a consacré de nombreuses toiles dont Casbah éternelle, Terrasses de la Casbah, Casbah de nuit, Coin de Casbah, Port d’Alger. Et toute son œuvre est chargée de sensibilité et de tendresse même si parfois on y dénote une dose de mélancolie et de tristesse. Essentiellement travaillée au couteau, sa peinture évoque certains aspects de l’impressionnisme notamment cette sensation que les paysages, les personnages et les objets sont traités de manière parcellaire qui fait que chaque touche sépare et relie en même temps des éléments disparates.
Évidemment, Samsom n’a rien à voir avec ce style ; et ses sujets sont sempiternellement baignés de lumière et ne nous font jamais oublier qu’ils traitent de l’Algérie.
Dans ses scènes de vie quotidiennes comme dans ses personnages, il met toute la tendresse qu’il a pour sa société et pour l’humanité d’une manière générale. Pourtant lorsqu’il s’installera en Suisse, il sera plus attentif aux paysages qu’aux Hommes. Les petits formats réalisés dans ce pays marquent la rupture avec la technique du couteau et avec la touche carrée à la Klimt.
Dans ses paysages suisses, il laisse pleinement s’exercer la finesse de son dessin et ses subtilités de couleurs : les gris, les blancs, les roses et les bleus tendres s’approprièrent sa palette désormais consacrée aux sites enneigés, aux forêts giboyeuses, aux maisons cachées sous les bois… Mais ce sont ses œuvres de la période algérienne, avec leurs paysages inondés de soleil, leurs fruits mûrs, ainsi que les femmes et les enfants du pays qui traduisent le travail de cet artiste tout aussi vrai que son œuvre.
A. E. T.

 Isamaïl Sansom découvre la peinture après un drame 

Né à la Casbah d’Alger en 1934 et décédé dans la nuit du 4 au 5 juillet 1988, Ismaïl Samsom a fait ses études secondaires à l’école Sarrouy et au lycée Émir Abdelkader, à Bab-El-Oued, Alger. Il décroché un poste d’instituteur et se permet de réaliser ses rêves de voyage. Après la Tunisie, il se rend en Europe et en Amérique Latine (1953). Une balle tirée dans le dos en 1957 provoque la paralysie de ses membres inférieurs. C’était, dit-on, un règlement de compte entre truands. C’est à l’hôpital de Garches qu’il découvre la peinture, qui le possèdera jusqu’à sa mort. Il expose pour la première fois en 1966 et devient une figure incontournable de la peinture algérienne. Il s’installe en Suisse en 1981 où il vivra sept années. Ses œuvres sont au Musée national des Beaux-arts d’Alger. Membre fondateur de l’UNAP et de l’Association algérienne des arts appliqués, lauréat de plusieurs concours nationaux, Samsom est titulaire de la médaille d’honneur pour les arts plastiques.
A. E. T.

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