Voilà ce qu’on appelle un chanteur de fond. Car il n’est pas donné à n’importe quel interprète se revendiquant artiste de savoir et pouvoir concilier avec un égal bonheur, le texte et la musique.
Ils sont rares pour ne pas dire rarissimes les chanteurs dont on ne décèle aucune fausse note. Da Chrif, lui, a plusieurs cordes à son arc. En ce que toute son œuvre est imprégnée du label qualité, de cette griffe exceptionnelle qui signe les prémisses du génie. Et ce n’est sûrement pas aller dans l’exagération simpliste que de sublimer cet interprète qui a investi, toute sa longue carrière durant, le champ du fond tout en y mettant la forme qui l’accompagne. Toujours avec cet esprit de respect envers son public qui lui est d’ailleurs resté fidèle jusqu’au dernier souffle. Et on reconnaît la patte d’un grand lorsque autant les paroles que la musique vont de pair, fonctionnent en parfaite synergie. En termes plus prosaïques quand on ne peut trouver mieux sur les deux versants proposés aux mélomanes. Chanteur d’avant-guerre, marqué à l’instar de toute sa génération (Yahiatene, Taleb Rabah, Zerrouki Allaoua, etc…), par un contexte difficile, hostile et rude, il n’aura eu de cesse de sublimer son pays « thamourthiw thetchor dhel fen oulach wits yifen », littéralement mon pays n’est qu’art et sans égal, célébrer la beauté de la femme « Nadia athoumlihth ntit », ce qui signifie, hymne la femme kabyle et à travers elle à toutes les femmes, « syesmik à djardjira », en ton nom Dkjurdura qui renvoie, également, à l’ode à nos magnifiques montagnes enneigées recouvertes de ce blanc manteau qui les couvre de pudeur et tant d’autres chansons, inscrites pour l’éternité dans un répertoire aussi fécond que fertile. Nonobstant un autre classique « anef illemwej adh’adint », laisse passer les vagues, pour signifier à qui veut bien l’entendra que par moments dans la vie il est plus opportun de laisser passer l’orage, quelle belle métaphore ! Au demeurant, il sait faire montre du même génie créateur y compris dans la musique classique en composant de véritables morceaux d’anthologie dont la résonnance et l’écho ont atteint à l’universalité. Car de ce bout d’homme jaillissait d’authentiques chefs-d’œuvre et une voix dont les octaves étaient inversement proportionnelles à sa carrure. Evidemment ce serait insulter son intelligence que d’oublier de mentionner tous ces célèbres chanteurs qui lui doivent tout leur cheminement et leur réussite à l’instar des Medjahed Hamid, Nouara (avec laquelle il a chanté en duo, pour rappel), Aït Menguellet, Athmani, feu Mhenni et tant d’autres qu’il serait fastidieux d’énumérer ici.
Amar Zentar