L’envoyé des Nations Unies pour le Yémen, Martin Griffiths, a dénoncé devant le Conseil de sécurité, la récente escalade militaire dans le pays, malgré les assurances répétées des belligérants selon lesquelles ils souhaitent une solution politique au conflit.
«La situation dans ce pays est devenue de plus en plus dramatique au cours du mois dernier, les deux parties ayant annoncé des objectifs militaires ambitieux et échangé une rhétorique violente», a expliqué mardi, M. Griffiths au Conseil par vidéoconférence depuis Genève. «Malgré les assurances que les parties croient en une solution politique pacifique, leurs actions actuelles sont en contradiction directe avec cela», a-t-il noté, se disant préoccupé par le fait que l’escalade pourrait menacer la situation déjà fragile à Hodeida. «Au cours du mois écoulé, la situation militaire s’est aggravée. Les deux parties ont annoncé des objectifs militaires ambitieux et échangé une rhétorique féroce», a expliqué le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Yémen devant les membres du Conseil. Il a précisé que la plupart des combats violents ont eu lieu dans le district de Nehm, près de la capitale Sanâa, et dans les gouvernorats de Jaouf, Mareb et Sapâda, dans le nord. «Des lignes de front qui étaient calmes depuis plusieurs mois ont été entraînées dans cette escalade. Les signalements de frappes aériennes et d’attaques aériennes transfrontalières ont considérablement augmenté», a-t-il ajouté. L’envoyé de l’ONU s’est dit bouleversé par les informations faisant état de dizaines de victimes civiles, de déplacements de familles et de dégâts causés à des écoles et des hôpitaux. Il a dit craindre que, tandis que la Mission des Nations Unies en soutien à l’accord d’Hodeida (UNMHA) s’efforce de maintenir la coopération entre les parties, l’escalade puisse remettre en cause ses efforts pour maintenir le calme dans cette ville portuaire. «Les parties m’ont à plusieurs reprises rassuré sur leur volonté d’arriver à une solution pacifique et politique de ce conflit», a encore dit M. Griffiths, pour qui l’escalade militaire «contredit directement la volonté des parties d’aller dans cette direction».
Selon lui, les dirigeants des deux parties «ont la capacité et la responsabilité de freiner la violence, de réduire la rhétorique et de s’engager à une désescalade plus durable».
L’engagement dans le processus onusien doit être inconditionnel
Il a dit craindre que cette escalade militaire ne menace également les progrès réalisés dans la région du port d’Hodeïda, qui est cruciale pour la livraison de l’aide humanitaire. Toutefois, a-t-il déclaré, malgré la situation militaire difficile, les parties se sont rencontrées à Amman, la capitale jordanienne, entre le 10 et le 16 février et sont convenues d’échanger des prisonniers et des détenus comme un engagement ferme à réunir les familles avec leurs proches. Les deux premiers vols du pont aérien médical ont également transporté 28 patients de Sanâa ayant besoin d’une assistance médicale à l’étranger, a-t-il indiqué, notant que malgré ce signe d’espoir, des milliers de personnes ayant besoin de soins médicaux à l’étranger restent encore à Sanâa. Tous les commentaires des dirigeants yéménites soulignent un principe fondamental, celui selon lequel «la paix ne peut émerger que d’un compromis politique entre les deux parties à travers un processus dirigé par les Nations Unies», a-t-il fait remarquer. Selon M. Griffiths, l’engagement dans le processus des Nations Unies doit être inconditionnel et ne peut être secondaire par rapport aux gains militaires, surtout lorsqu’il n’y a pas de solution militaire. «Mais une réduction de la violence ne suffit pas», a-t-il ajouté, appelant les parties à s’unir autour d’une vision impliquant un gouvernement inclusif, un processus de transition politique, un secteur militaire et de sécurité qui protège les Yéménites, et l’acceptation que les inimitiés doivent cesser même lorsque des différences subsistent.
Appel à un cessez-le-feu et un retrait des troupes de Hodeida
L’envoyé des Nations Unies au Yémen a négocié un accord entre le gouvernement du Yémen et le mouvement «Ansarullah» (Houthis) en Suède, qui comprend un cessez-le-feu et un retrait des troupes dans la ville portuaire de Hodeida, mais la récente flambée de violence entre les deux parties a mis en péril la médiation visant à instaurer la confiance entre les deux côtés. De son côté, le chef de l’humanitaire de l’ONU, Mark Lowcock, a indiqué devant les membres du Conseil de sécurité que l’escalade militaire a déplacé plus de 35.000 personnes depuis mi-janvier et a inversé la tendance à une baisse du nombre de victimes civiles observée au cours des mois précédents. En janvier, plus de 160 civils ont été tués ou blessés à travers le Yémen. «Depuis des mois, j’appelle à un cessez-le-feu dans tout le pays. Cet appel est encore plus urgent aujourd’hui alors que la violence risque fort de devenir incontrôlable», a dit M. Lowcock. S’agissant de l’accès humanitaire, il a regretté que «l’espace dont nous avons besoin se rétrécit», notant que les problèmes les plus graves se trouvaient dans les zones contrôlées par les houthis. Malgré ces défis, l’opération humanitaire continue de fournir une assistance à des millions de Yéménites, a-t-il noté. Le Programme alimentaire mondial (PAM) fournit notamment une aide alimentaire à plus de 13 millions de personnes chaque mois. Le Yémen a sombré dans la guerre civile fin 2014, lorsque les Houthis ont contraint le gouvernement reconnu par la communauté internationale du président Abd Rabbo Mansour Hadi à partir en exil. Selon diverses organisations humanitaires, la guerre au Yémen a fait des dizaines de milliers de morts, essentiellement des civils. Environ 3,3 millions de personnes sont toujours déplacées et 24,1 millions, soit plus des deux tiers de la population, ont besoin d’assistance, selon l’ONU, qui qualifie la situation de pire crise humanitaire au monde.