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LA POLITOLOGUE LOUISA AÏT HAMADOUCHE ÉVOQUE, AU COURRIER D’ALGÉRIE, LES FACTEURS DÉTERMINANTS POUR UNE SORTIE DE CRISE : «La façon dont va évoluer le Panel et la réponse du Mouvement»

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Louisa Dris Aït Hamadouche

Dans cet entretien, la politologue et professeur à l’Université d’Alger, Louisa Dris Aït Hamadouche, estime que la rentrée sociale sera un facteur d’amplification pour la mobilisation populaire pour le changement. Elle, évoque la « mise en solidarité » et la « mise en connexion » entre la communauté estudiantine et citoyenne en général ayant émergé à quelques jours de la rentrée sociale.

Plus loin, elle estime que  la façon dont va devoir évoluer le panel et celle dont va répondre le mouvement populaire en septembre «tranchera sur l’avenir du pays. » Cet entretien a été réalisé en marge de la 27e marche pacifique de la communauté estudiantine, à Alger, à laquelle la politologue a pris part.

-Le Courrier d’Algérie : Le 27e mardi de mobilisation des étudiants est-il de bon augure pour la suite de ce mouvement à la rentrée sociale?
– Louisa Aït Hamadouche: À quelques jours de la rentrée sociale, plusieurs éléments objectifs sont là. Ils sont toujours présents malgré le break de juillet à août (vacances universitaires). Le premier demeure le maintien de la mobilisation de la famille estudiantine qui a trouvé un rythme compatible avec la saison des grandes chaleurs et des vacances. La jeunesse du savoir et de la connaissance a su trouvé un SMIG en termes de mobilisation et de contestation populaire. Le deuxième c’est que les étudiants ont montré à quel point leurs revendications sont ancrées dans la population. La révolte des étudiants a montré qu’elle n’est pas un mouvement temporaire, ni des revendications liées à une période née durant le 5e mandat. Comme le mouvement populaire pacifique des vendredis l’a fait, elle a montré que les revendications estudiantines sont structurelles et qui, donc, s’inscrivent dans le temps. Une ressemblance des objectifs qui a permis que la mobilisation estudiantine a repris du souffle, notamment à l’approche de la rentrée sociale. Puisque depuis quelques semaines on a observé, durant les marches des mardis, une mise en solidarité et une mise en connexion entre la communauté estudiantine et citoyenne en général. Chose qui laisse prédire que leur mobilisation sera encore plus forte à la rentrée sociale. À cela s’ajoutent les syndicats de l’éducation qui, puissants, ont annoncé leur mobilisation à l’occasion de la rentrée sociale.

-Y’a-t-il d’autres facteurs qui motiveraient les étudiants à aller vers une reprise plus forte de leur mouvement ?
– Comme tout le monde dans le pays le sait, l’été n’a pas été une période durant laquelle on a vu pointer des solutions à la situation que nous vivons. Bien au contraire, l’initiative phare de cet été, qui était le Panel, a montré que les lacunes qui n’étaient pas d’ordre formel.

-Justement, à un mois du début de sa mission, le Panel semble ne pas convaincre un bon nombre de partis politiques et de personnalités crédibles à aller au dialogue. Pourquoi selon vous ?
– La mise en place d’ailleurs de ce panel et de la feuille de route qui lui a été imposée a très vite montré qu’il (Panel) pouvait difficilement, même avec toute la bonne volonté du monde, répondre positivement aux revendications populaires. Il produit des discours contradictoires en fonction du messager. Il y a aussi le fait d’avoir dès le début limité la fonction du panel à préparer de façon technique et logistique l’élection présidentielle. C’est une espèce de condamnation. Des questions de fond quant à l’opportunité de poursuivre ce processus qui a été rejeté par le peuple et remis en cause par des parties politiques. Avec l’absence de figures phares du Hirak, aujourd’hui, ce panel a réellement des questions à se poser. Il n’a pas pu se connecter avec les réalités du soulèvement populaire et avec les forces les plus représentatives du soulèvement populaire. On arrive aujourd’hui à la rentrée sociale avec un panel qui a essuyé plusieurs défaillances avec des démissions successives.

-Dans cette foultitude d’initiatives pour une sortie de crise, que suggérez-vous comme solution politique ?
– Je pense que c’est une question de temps. Maintenant, la façon dont va devoir évoluer ce panel et celle dont va répondre le mouvement populaire en septembre devra impérativement- je pense- pousser les acteurs politiques à faire une autocritique. La rentrée sociale est une opportunité pour tous les protagonistes, que cela soit au niveau du pouvoir politique, de l’opposition et du soulèvement citoyen, de faire un bilan et de tracer de nouvelles perspectives. La société civile est de plus en plus active, notamment les Dynamiques du 15 juin, et que les partis politiques ont fait montre d’une certaine disponibilité à réviser leur mode de fonctionnement, notamment à travers la conférence de la Safex d’Alger, tenue avec la société civile. Cette rencontre semblait être prête à envisager des solutions qui soient consensuelles de façon non pas à satisfaire les revendications des pouvoirs politiques en place, mais au contraire, à tenter de créer des rapports de force qui soient nés d’un compromis en dessous de toutes les parties de l’opposition. Ce qui serait un véritable miracle et une vraie avancée sur la scène politique d’aujourd’hui. Et de façon à pouvoir être capable d’imposer au pouvoir politique une feuille de route, celle qu’il n’a pas lui-même tracée. C’est-à-dire aller vers un processus électoral qui soit réellement garant de la liberté d’expression, du choix fait librement par les citoyens, qu’il soit une Présidentielle où autre chose. En tout cas une élection qui ne soit pas une préparation à une autoreproduction du système politique, avec des visages qui seraient relativement nouveaux.

-Revenant à la prochaine rentrée universitaire. Quel défi pour le Mouvement de la rue ?
– Le maintien du caractère pacifique de la mobilisation populaire pacifique en général et de celle des étudiants en particulier est indispensable. Il faudra aussi que les forces du changement, dans la société civile comme dans les partis politiques, parviennent à tracer un compromis qui soit susceptible de créer un rapport de force capable de faire en sorte que le processus électoral qui va s’approcher soit transparent et respectueux de la souveraineté populaire.

-Et quel rôle à jouer justement pour les étudiants ?
– Je pense que l’une des perspectives à venir, c’est que les étudiants ont décidé davantage de s’organiser et de se structurer. L’organisation et la structuration de la communauté estudiantine est indispensable, non seulement aujourd’hui, mais aussi à l’avenir, pour que les étudiants deviennent une force de propositions et une force de pression. J’en profite de cette occasion pour souligner qu’ils doivent apprendre des expériences des organisations estudiantines précédentes et des erreurs qu’elles ont commises. C’est-à-dire, les relations à éviter, notamment avec les pouvoirs politiques et les forces de la régence. Je crois fort que les étudiants peuvent être les acteurs politiques de demain. Ils doivent voir comment les partis politiques, les syndicats et les associations fonctionnent. Car, c’est un apprentissage du terrain qui leur fera gagner du temps, prendre en maturité, en réflexion politique et en réalisme aussi. Ils ont donc tout intérêt à se structurer et de se connecter aux acteurs qui sont déjà présents sur le terrain et qui ont une expertise à faire valoir.
Entretien réalisé par Mohamed Amrouni

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