Le chef des rebelles au Yémen, Abdel Malek al-Houthi, a accusé mardi le gouvernement yéménite en exil en Arabie saoudite de vouloir saboter les pourparlers de paix de Genève, auxquels l’ONU aimerait que des représentants rebelles acceptent de participer. Ces tractations visent un arrêt des combats qui ont fait depuis mai plus de 2.600 morts au Yémen, selon l’ONU. Ce conflit a cristallisé les tensions entre l’Arabie saoudite, à la tête d’une coalition arabe menant des frappes contre les rebelles, et son rival, l’Iran, qui les soutient. Dans un discours télévisé, Abdel Malek al-Houthi a accusé le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi de «chercher à entraver toute (…) tentative sérieuse de régler la situation politique du pays».
Au même moment, une délégation des rebelles et de leurs alliés était en réunion dans un hôtel de Genève avec l’émissaire de l’ONU sur le Yémen, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, qui tentait de lever les obstacles à leur participation aux négociations. L’émissaire, qui s’est déjà entretenu lundi avec des représentants du gouvernement en exil, a estimé que le fait de réunir dans la ville suisse les deux délégations rivales était déjà «un exploit». Les positions des deux parties sont tellement éloignées que les Nations unies ont prévu dans un premier temps des consultations séparées avec chaque délégation.
«Le diable est dans les détails»
Mais des obstacles entravent encore la participation des rebelles. L’émissaire leur a ainsi demandé de réduire la taille de leur délégation à dix membres –sept délégués et trois conseillers– alors qu’ils sont venus à 22 de Sanaa.
«Le diable est dans les détails», a concédé l’émissaire de l’ONU, mais c’est une question de principe pour les rebelles Houthis. Ils exigent que le dialogue englobe les parties politiques yéménites dans leur ensemble, affirmant que leur délégation représente plusieurs parties, et non les deux camps en guerre. Les rebelles zaïdites (une branche du chiisme) qui contrôlent avec les forces fidèles à l’ancien président Ali Abdallah Saleh une grande partie du Yémen, estiment en outre que le gouvernement du président Hadi est illégitime. À Genève, le chef de la délégation des rebelles, Hamza al-Houthi, a assuré auprès de l’AFP que «les négociations se poursuivront mercredi» avec l’ONU.
À Ryad, le président Abd Rabbo Mansour Hadi a affirmé que la délégation du gouvernement en exil n’accepterait de discuter avec les rebelles que de l’application de la résolution 2216 du Conseil de sécurité de l’ONU. Cette résolution somme les rebelles de se retirer de la capitale et des régions qu’ils occupent depuis juillet 2014. Le chef de la délégation des rebelles s’est voulu évasif sur cette question: la trêve est «un sujet sur la table» et la question du retrait «dépendra des négociations», a-t-il dit. Les Etats-Unis, qui soutiennent l’Arabie saoudite, ont réaffirmé mardi qu’une solution politique au Yémen était «le seul moyen de régler la crise». Le porte-parole du département d’Etat, Jeffrey Rathke, a plaidé auprès de l’AFP pour «un rétablissement rapide du processus de transition politique yéménite».
Situation «catastrophique»
Au plan humanitaire, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a qualifié la situation de «catastrophique» dans ce pays pauvre de la péninsule arabique. «Les combats s’intensifient. Des dizaines de personnes sont tuées chaque jour. Les hôpitaux ne sont plus en mesure de traiter l’afflux des blessés», a déclaré le chef des opérations pour le Moyen-Orient du CICR Robert Mardini. Selon un décompte de l’Unicef, 279 enfants ont été tués et 402 blessés au cours des dix dernières semaines, soit quatre fois plus que pendant toute l’année 2014. Plus de neuf millions d’enfants, sur 26 millions d’habitants, ont besoin d’aide. Face à l’intransigeance des deux parties, les consultations de Genève devraient «au mieux parvenir à une trêve de deux semaines, conditionnée au retrait des rebelles houthis de certaines villes et au gel des frappes aériennes», a prédit un diplomate occidental. Il a estimé que le conflit «profit(ait) seulement à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique». De fait, les jihadistes ont profité de l’anarchie au Yémen pour y renforcer leur présence, notamment dans l’Est. Mais Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), qui a revendiqué l’attentat contre le magazine français Charlie Hebdo en janvier, a annoncé mardi que son chef avait été tué dans une attaque de drone américain. Nasser al-Wahishi a été remplacé par le chef militaire du groupe, Qassem al-Rimi.