Deux ans après la disparition de son mentor, le chavisme, au pouvoir au Venezuela, semble dans l’impasse, confronté à une grave crise économique que l’opposition tentera d’exploiter lors des élections légistatives prévues en fin d’année. Le 5 mars 2013, l’annonce de la mort d’Hugo Chavez avait rempli les rues du pays de centaines de milliers de sympathisants, inconsolables après le décès de leur président depuis 14 ans. Cette effervescence paraît aujourd’hui bien loin, alors que les sondages révèlent une perte d’appétit pour ce socialisme du 21ème siècle, tel que le vantait Chavez. En octobre 2012, 44% (de la population) se définissait comme chaviste. En décembre dernier, 22% : le capital politique du chavisme s’est réduit de moitié, observe le politologue John Magdaleno. Selon lui, le désamour dont souffre le chavisme tient d’abord au propre décès d’Hugo Chavez, mais aussi à la crise économique et à l’impopularité croissante de Nicolas Maduro, au pouvoir depuis avril 2013. Ce dernier, héritier politique de Chavez, a continué d’appliquer son modèle socialiste de contrôle et de planification centralisée, mais il a fait face à un effondrement général de l’économie. L’inflation a battu en 2014 un nouveau record (68,5% sur un an), les pénuries de denrées alimentaires et de médicaments se multiplient, la pauvreté touche près d’un tiers de la population et le déficit budgétaire dépasse 20% du PIB, qui a lui plongé de 4% en 2014. La chute des prix du pétrole, précieux car il fournit 96% des devises, n’a fait qu’empirer les choses. Selon l’institut de sondages Datanalisis, Maduro ne bénéficie que de 20% d’opinions favorables, le niveau le plus bas jamais atteint en 16 ans de chavisme, souligne John Magdaleno. Chavez avait été à son plus bas en juillet 2003, à 31%.
Le Venezuela (est) en chute libre, estime Carlos Malamud, spécialiste de l’Amérique latine à l’institut d’études espagnol Real Elcano : les nouvelles en provenance du Venezuela sont de plus en plus inquiétantes chaque jour. La détérioration de l’économie se double d’une crise politique, dont le dernier épisode a été l’arrestation le 20 février du maire de Caracas, Antonio Ledezma, une figure de l’opposition, pour son implication présumée dans des faits complotistes pour organiser et exécuter des actions violentes contre le gouvernement, selon les termes de la justice.
L’opposition divisée
Sa détention est une source d’inquiétude, a réagi l’Union européenne. Dans ce cas, l’action du chavisme a comme objectif clair de provoquer l’opposition pour l’obliger à manifester de manière violente et perdre ses moyens, estime Carlos Malamud. Les protestations ayant secoué le pays de février à mai 2014 avaient été réprimées durement par le pouvoir, avec au total 43 morts.
Ces dernières semaines, un décret a autorisé explicitement l’usage des armes par les forces de l’ordre au cours de manifestations. Il y a une montée de l’autoritarisme du gouvernement, note John Magdaleno, face à une opinion qui semble changer de camp : les études montrent que l’opposition est en tête en termes de possibilités de victoire, avec plus de 20 points de plus en intentions de vote que le chavisme. Dans une tribune sur la revue en ligne Aporrea, l’expert politique Nicmer Evans, l’une des voix les plus critiques au sein du chavisme, critique un gouvernement désorienté et la corruption touchant le pouvoir, avec la possibilité de privilégier des membres de la famille, des amis ou camarades.
Mais il ne se montre guère indulgent, non plus, envers ceux qui prétendent être une alternative sans aucune proposition. Pour les élections législatives de fin d’année, dont la date n’est pas encore fixée, l’opposition arrive divisée, contrairement au scrutin d’avril 2013, quand Henrique Capriles n’avait perdu face à Maduro qu’avec une différence de 1,5% des voix.
Actuellement, Capriles se montre prudent, se limitant à critiquer le gouvernement. Une autre partie de l’opposition se veut plus virulente : menée par Leopoldo Lopez, fondateur du parti Voluntad Popular emprisonné depuis un an, elle réclame le départ de Nicolas Maduro. Toutefois, ces différents courants réussissent à s’unir chaque fois que s’approche une échéance électorale, rappelle John Magdaleno, et devraient appuyer leur campagne sur la débâcle de l’économie.