Un mois après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu à Ghaza, les organisations humanitaires décrivent une situation toujours apocalyptique. Les violations répétées par l’armée d’occupation, le maintien du blocus et la destruction méthodique des infrastructures continuent d’alimenter une crise sans précédent.
Dans un communiqué publié mercredi, Médecins Sans Frontières (MSF) a tiré la sonnette d’alarme : la population de Ghaza vit toujours « dans des conditions inhumaines ». Selon la coordinatrice d’urgence de l’organisation, Caroline Seguin, « des Palestiniens risquent leur vie chaque jour pour retourner voir leurs maisons détruites, tandis que les hôpitaux se trouvent dans des zones toujours occupées par l’armée, rendant quasi impossible l’accès aux soins ». MSF dénonce également les entraves imposées par l’occupant à l’entrée des médicaments, tentes, produits d’hygiène et autres biens vitaux. « Cette souffrance est totalement évitable », souligne l’organisation, rappelant que des milliers de familles déplacées survivent dans des abris précaires dépourvus d’eau et d’électricité, cernés par les déchets et les maladies à l’approche de l’hiver.
Blocus des aides et famine
Malgré les annonces médiatiques sur l’ouverture du poste frontalier de Zikim, aucune aide humanitaire n’a pu atteindre le nord de Ghaza. Le porte-parole de l’UNRWA, Adnan Abou Hassna, a confirmé que « des centaines de types d’aides, notamment alimentaires et médicales, demeurent interdites d’entrée ». Il a averti d’un « risque imminent de catastrophe humanitaire », alors que près de 90 % des habitants souffrent de malnutrition. Les autorités d’occupation affirment pourtant avoir rouvert le passage sous supervision internationale. Mais les agences de l’ONU soulignent que les procédures bureaucratiques, les contrôles militaires et le nombre limité de points de passage rendent l’aide dérisoire face aux besoins. Le Bureau de la coordination humanitaire des Nations unies (OCHA) évoque un « système d’obstruction délibérée ».
Destruction méthodique et violation du cessez-le-feu
Selon une enquête de la BBC Verify appuyée par des images satellitaires, plus de 1 500 bâtiments ont été détruits par l’armée israélienne dans les zones qu’elle continue d’occuper, après le cessez-le-feu. Des quartiers entiers de l’est de Khan Younès ou de Beit Lahia ont été rasés « en moins d’un mois ». Les experts y voient un « viol manifeste du cessez-le-feu », comme le note H. A. Hellyer, chercheur au Royal United Services Institute de Londres : « Washington feint d’ignorer ces violations, préférant préserver l’apparence d’une trêve qui n’existe plus». Le juriste Adil Haq, de l’Université Rutgers, estime que ces destructions « pourraient constituer une violation du droit international humanitaire interdisant la démolition de biens civils par une puissance occupante ».
Le retour des bombardements et des corps exhumés
Malgré la trêve, trois frappes aériennes ont été menées cette semaine sur Beït Lahia et Khan Younès, selon un correspondant d’Al Jazeera. Des tirs d’artillerie ont également visé le camp de réfugiés d’Al-Boureïj. Le défense civile de Ghaza a, par ailleurs annoncé la découverte de 35 corps non identifiés dans la cour de la clinique Cheïkh Redwane. Ces dépouilles, enterrées à la hâte durant les mois de guerre, sont désormais transférées à l’hôpital Al-Chifa pour identification avant d’être inhumées dans un cimetière collectif à Deïr Al-Balah. Le Centre euro-méditerranéen des droits de l’Homme rappelle que des milliers de Palestiniens ont été contraints d’enterrer leurs proches dans des fosses communes improvisées, souvent devant des hôpitaux ou dans des jardins publics.
Témoignages de torture et de mauvais traitements
De nouveaux témoignages accablants viennent s’ajouter aux crimes documentés. Des médecins à Ghaza affirment que les corps remis récemment par l’armée sioniste dans le cadre d’échanges de dépouilles portent des marques de torture : poignets ligotés, yeux bandés, plaies ouvertes, brûlures et impacts de balles à courte distance. Selon le ministère de la Santé, 315 corps ont été restitués sans identification complète. Des ONG soupçonnent des exécutions sommaires et un traitement inhumain des prisonniers. La Commission de l’ONU contre la torture, réunie à Genève, a demandé des explications à l’entité sioniste sur la détention administrative, les arrestations de mineurs et les conditions de captivité. Deux anciens détenus récemment libérés, Husseïn Zouaydi et Islam Ahmad, ont décrit, au micro d’Al-Jazeera, des « passages à tabac systématiques » et des « humiliations quotidiennes » dans la prison de Sde Teiman.
Crise politique et inquiétudes internationales
Aux États-Unis, la presse fait état de tensions internes au sein de l’administration Trump quant à l’avenir de l’accord de trêve. Selon Politico, Washington redoute l’échec de la mise en place d’une prétendue « force internationale de stabilisation », censée surveiller la situation post-guerre. Un responsable américain cité par le média a indiqué que le Conseil de sécurité devrait prochainement voter une résolution sur Ghaza, accompagnée d’une conférence internationale des donateurs.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes
Depuis le 7 octobre 2023, l’offensive de l’entité sioniste a causé plus de 70 000 morts et 170 000 blessés, dont une écrasante majorité d’enfants et de femmes. Plus de 11 000 personnes sont portées disparues, tandis que 90 % des infrastructures civiles ont été détruites, réduisant le territoire à un champ de ruines. Même après la trêve du 11 octobre, 245 Palestiniens ont encore été tués et 627 blessés, preuve que la paix reste une illusion.
Les appels répétés des Nations unies à un cessez-le-feu total et à la levée du blocus sont restés sans réponse. Ghaza survit aujourd’hui dans un état de siège absolu, où la faim, la maladie et la mort cohabitent sous les décombres. Le silence international, face à cette tragédie humaine, résonne plus fort que les bombes. L’hiver approche, et avec lui, la menace d’une nouvelle vague de morts évitables non plus sous les frappes, mais sous le froid et la faim.
M. Seghilani













































