La sensibilisation autour du don et de la transplantation d’organes et de tissus à partir de cadavres a fait l’objet d’une journée d’information, ouverte samedi dernier au théâtre Kateb-Yacine de Tizi-Ouzou, à l’initiative de la direction de la santé et de la population (DSP).
Cette rencontre a été l’occasion pour les participants d’aborder les différents aspects liés à cette pratique qui peine à s’ancrer dans la société au vu du nombre négligeable de greffes réalisées au niveau national. «L’objectif de cette rencontre est de mettre en contact les différents acteurs, médecins, citoyens, médias et société civile pour sensibiliser sur cette pratique qui est un moyen de sauver des vies humaines, mais, qui demeure objet de réticences pour diverses raisons, notamment, socioculturelles», souligne le Pr. Abbès Ziri, directeur de la santé de la wilaya. Pratiquée à grande échelle sous d’autres cieux, la transplantation d’organe à partir de cadavres demeure «très timide» en Algérie. « Les prélèvements sur des personnes vivantes sont à un niveau bas, et sur les cadavres inexistants», soutiennent différents intervenants. Parmi les obstacles récurrents rencontrés, l’on dénombre «la puissance du facteur religieux qui recommande le respect de la dignité du mort». Un facteur qui pèse encore sur la société et freine le développement de cette pratique, alors même que de nombreux Oulémas ont approuvé son caractère licite, relève-t-on. «L’esprit de l’Islam n’interdit pas la greffe», tranche Saïd Bouizri, enseignant à la Faculté de droit de Tizi-Ouzou, qui cite plusieurs Sourates du coran incitant à donner chance et à prêter main-forte à la sauvegarde de la vie. Il cite, également, à ce propos, cheikh Ahmed Hamani, éminent penseur et grande référence religieuse du pays, qui avait autorisé en 1980, par une fetwa, la pratique de la greffe. Développant, pour sa part, l’aspect juridique lié à cette pratique, le Pr Brahim Boulassel, Chef de service de médecine légale au CHU de Tizi-Ouzou, affirme que «l’Algérie s’est engagée dans une optique de transplantation d’organes et de tissus malgré la lenteur enregistrée dans la mise en place d’un programme cohérent et efficient». «La loi ne constitue pas un obstacle aux prélèvements et à la réalisation de greffes, malgré les insuffisances qui peuvent être relevées», ajoute-t-il, assurant, par ailleurs, que la pratique ne peut faire l’objet d’aucune transaction pécuniaire, «toute rémunération ou contrepartie est interdite». La pratique de prélèvements et de greffe d’organes est régie par la loi 85-05 du 16 février 1985 et ses différents textes réglementaires d’application complétés par la loi 90-17 du 31 juillet 1990 et deux arrêtés ministériels, le N° 29 du 14 juin 2012 qui complète l’arrêté N° 30 du 2 octobre 2002, définissent les établissements autorisés à pratiquer cette activité. Sur le plan éthique et déontologique, le Pr Boulassel a mis en exergue la complexité et la responsabilité du médecin appelé à déclarer le décès légal de la personne, pour prétendre à la pratique d’une transplantation. «Il n’existe pas de définition légale de la mort dans les codes civil et pénal, d’où l’importance, la complexité et la délicatesse de l’avis du médecin constatant la mort», explique-t-il à ce propos. En cas de mort violente, le médecin, poursuit-il, «fait face à une opposition judiciaire et devra se concerter avec l’autorité judiciaire pour rendre sa décision». Un constat qui doit être fait par deux médecins assistés d’un médecin légiste, soutient-il.