La générale de la pièce de théâtre «Radjaïn… radjaïn …!», une tragi-comédie dédiée à l’espoir inébranlable que représente la jeunesse, en parfaite connexion avec le serment des martyrs de la révolution, a été présentée mercredi soir à Alger, devant un public nombreux et recueilli.
Accueilli au Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi (TNA), «Radjâïn, radjâïn», spectacle en version tamazight, est le fruit d’un travail d’équipe qui s’est investie dans une adaptation libre de l’œuvre littéraire, «Echouhada yaâoudouna had el ousboue» (Les Martyrs reviennent cette semaine) de Tahar Ouettar (1936-2010). Sur un fond musical targui, le spectacle, mis en scène par Hamida Aït El Hadj, est proposé en Kabyle, Chelhi et Chaoui, dans des dialogues également adaptés par la metteure en scène, aidée par Tarek Achba. La rumeur de l’existence d’une mystérieuse lettre annonciatrice du retour des Martyrs de la Révolution qu’El Abed (personnage attendu tout au long de la pièce) propagera, va diviser les destinataires… Entre proches -les femmes notamment- vivant encore la douleur de la séparation, ravivés à l’idée de revoir les leurs, et traitres d’hier qui ont bâti leur présent d’usurpations et de mensonges, la nouvelle prend de l’ampleur et les rapports se dégradent, atteignant un niveau d’échange virulent, à charge pour les imposteurs qui vont vite se faire rattraper par leur passé ignoble. D’une durée de 70 mn, la trame du spectacle, aux traits poignants, sera alimentée par plusieurs évènements à rebondissements, qu’une dizaine de personnages, formant un microcosme social, conduira avec brio. Sous un éclairage concluant, les comédiens, Hakim Guemroud, (El Fahem), personnage intellectuel par lequel toutes les vérités sont dites, Belkacem Kaouane, (Kaddour l’ivrogne et ancien moudjahed), l’infatiguable Tarek Achba (mari de Louiza), Abderrahmane Ikariouène (le maire corrompu), Yousra Azeb, époustouflante dans son rôle de jeune femme refusant la fatalité du destin, Nabila Ibrahim (Louiza) et Redouène Merabet (le vieux sage, gardien de la tradition), ont su porter le texte dans des échanges au rythme ascendant et soutenu, occupant judicieusement tous les espaces de la scène. Misant sur la puissance du propos et le jeu des acteurs, Hamida Aït El Hadj, assistée par Nabila Ibrahim, a choisi de monter son spectacle avec une scénographie quasiment sans décors, dans une version actualisée, œuvre de Habbal Boukhari, incluant trois rôles inédits avec un épilogue différent de celui du texte original, où la jeunesse va recréer l’espoir en se connectant directement au testament des martyrs pour se résoudre à prendre en mains le destin de la patrie. Dans un spectacle avant-gardiste de haute facture, Hamida Aït El Hadj a fait appel au 6e art pour illustrer dans de belles formes esthétiques quelques tableaux, à travers des chorégraphies que Slimane Habès a conçues dans l’esprit de la mise en scène, à l’instar du prologue et de l’épilogue, qui ont été livrées dans la grâce du mouvement et la beauté du geste, suggérant, respectivement, le tourment et la détermination, ou encore, celle des femmes devant leurs tamis exprimant la douleur de la séparation. Les ballerines, Intisar Tiffas et Lily Zaïdi, partenaires des danseurs, Sofiane Drici, El Hadi Banabbou, Mustapha Titaouni et Mohamed Ahcène Bellazreg, évoluant dans le registre de la danse contemporaine avec des accoutrements aux couleurs vives et variées, ont brillé d’agilité et de finesse, dans des figures en solo ou en groupe empreintes de rigueur et de synchronisation. Savourant tous les moments du spectacle dans l’allégresse et la volupté, le public, debout, a longtemps applaudi les artistes, «heureux de leur prestation» que Hamida Aït El Hadj dédiera à Lydia Hani, une des comédiennes absentes ce soir-là pour des raisons de santé. Produit par le TNA sous l’égide du ministère de la Culture, le spectacle, «Radjaïn… radjaïn …!» qui attend d’être traduit en algérien (arabe dialectal), est reconduit jeudi et samedi au même lieu, avant d’entamer une tournée dans l’ouest du pays, durant le mois prochain.