Les négociations de paix inter-syriennes qui doivent reprendre mercredi à Genève seront «cruciales», a affirmé l’émissaire de l’ONU pour la Syrie au moment où Washington s’inquiète d’une possible offensive contre Alep qui violerait le cessez-le-feu en vigueur. «Nous sommes très très inquiets de la récente intensification des violences. Y compris d’actions qui violent à notre avis la cessation des hostilités» dans ce pays en guerre depuis cinq ans, a déclaré lundi à Washington Mark Toner, un porte-parole du département d’Etat.
Les combats se sont intensifiés autour d’Alep, ville du nord de la Syrie, où plusieurs factions rebelles combattent les troupes du président Bachar al-Assad. Et le Premier ministre syrien Waël al-Halqi a prévenu dimanche que le régime et ses «partenaires russes» étaient prêts à lancer une offensive pour reprendre cette ville malgré le cessez-le-feu instauré le 27 février sous l’égide de Moscou et de Washington. Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a appelé dimanche son homologue russe Sergueï Lavrov à ce sujet, a précisé M. Toner.
Sur le plan diplomatique, l’émissaire de l’ONU pour la Syrie Staffan de Mistura, qui a rencontré à Damas le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem, et qui sera mardi à Téhéran, a expliqué lundi combien «la prochaine phase des pourparlers de Genève (était) cruciale» car «elle se concentrera sur la transition politique, la gouvernance et les principes constitutionnels».
«Nous avons l’intention de rendre constructifs et concrets» ces pourparlers indirects entre représentants du régime et de l’opposition, a précisé M. de Mistura, qui avait supervisé en mars un premier round de dix jours qui n’avait pas permis d’avancée majeure. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit d’ailleurs entendre mardi à huis clos un rapport de ce dernier sur les pourparlers syriens.
La question de la transition politique est particulièrement délicate car l’opposition réclame la création d’un corps exécutif doté de tous les pouvoirs mais dont serait exclu le président Bachar al-Assad, tandis que le régime exige un gouvernement élargi à des membres de l’opposition et sous la présidence d’Assad.
M. de Mistura a également abordé avec son interlocuteur le fragile cessez-le-feu qui exclut le Front Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaïda, et le groupe Etat islamique (EI).
«La cessation des hostilités est peut-être fragile mais elle existe. Nous devons nous assurer qu’elle va se poursuivre même s’il y a des incidents contenus», a dit M. de Mistura.
A deux jours de la reprise des discussions à Genève, la trêve était toutefois menacée par les offensives contre l’armée syrienne lancées dans le nord, le centre et la région côtière du pays par des combattants d’Al-Nosra alliés à des rebelles, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
«Offensives synchronisées»
«Al-Nosra, allié à des groupes rebelles, mène trois offensives synchronisées» dans les provinces d’Alep (Nord), Hama (centre) et Lattaquié (nord-ouest), a indiqué à l’AFP le directeur de l’OSDH Rami Abdel Rahmane. Les jihadistes ont réussi à s’emparer d’une colline dans la région montagneuse de la province de Lattaquié, berceau du président Assad et de la minorité alaouite dont il est issu, d’après l’OSDH. Au moins dix soldats de l’armée syrienne ont été tués lundi dans le nord de cette province, selon l’organisation.
Une source militaire a dit de son côté que des «groupes armés» avaient «tenté d’attaquer plusieurs positions militaires dans les provinces de Lattaquié et Hama mais sans réussir à avancer». Concernant la région d’Alep, le général Sergueï Roudskoï, un haut gradé de l’état-major de l’armée russe, a affirmé lundi que le Front Al-Nosra y menait de nombreuses attaques. «Nous savons qu’une offensive d’ampleur se prépare avec pour but de couper la route qui relie Alep à Damas», a-t-il dit. «Si nous n’empêchons pas les actions des terroristes, alors le nord de la Syrie peut de nouveau se retrouver en état de siège», a ajouté le général russe. «Aucun assaut d’Alep n’est toutefois prévu», a-t-il toutefois affirmé.
D’après l’OSDH, l’armée syrienne a envoyé lundi des renforts dans le sud, l’Est et le Nord de la province d’Alep alors que les jihadistes d’Al-Qaïda et leurs alliés rebelles ont également renforcé leurs positions. De son côté, l’EI a repris la localité d’Al-Raï, un point de passage de première importance avec la Turquie voisine, dont des rebelles s’étaient emparés jeudi. Selon des médias turcs, l’artillerie turque a frappé des positions de l’EI dans une zone proche de la frontière syrienne.