Quelques personnes avancent vers la rivière Buzi. Leurs bras s’élèvent dans les airs et appellent frénétiquement à l’aide. Mais le bateau ne s’arrête pas et les bras retombent, les paumes des mains tournées vers le ciel en signe de dépit. Ces gestes se répètent au rythme des allées et venues des petits bateaux à moteur apportant de l’aide humanitaire aux communautés isolées par les inondations meurtrières qui ont suivi le passage du cyclone Idaï, dans le centre du Mozambique.
«Depuis quelques jours, on a déjà apporté de l’aide à des milliers de personnes le long de cette rivière, mais il y en a toujours plus qui appellent à l’aide», explique Francisco Mobata, un habitant de la région servant de guide aux ONG mobilisées en amont de la ville d’Estaquinha. «Ce groupe-là n’a encore rien reçu, mais on reviendra plus tard», dit-il en montrant une trentaine de personnes postées sur la rive droite. «Ce groupe-ci a déjà reçu de l’aide il y a deux jours, mais ils ont besoin de plus.»
Une trentaine de seaux en plastique se trouvent à bord de l’embarcation. Chacun contient des portions de riz, de farine, de soja, des fèves, mais aussi des bougies, des allumettes, du savon et de l’eau. «On donne un seau par famille. C’est de quoi tenir un peu, mais ça ne les mènera pas loin». Le bateau s’arrête finalement quelques kilomètres plus loin sur une plage de la rive droite de la rivière Buzi. Quelque 200 sinistrés sont assis dans le sable sous un soleil de plomb. «Albert Fernando !» A l’appel de son nom, un homme au visage émacié et au T-shirt troué accourt. Il se saisit d’un seau vert et disparaît derrière la dune. Une liste des familles a été dressée et la distribution a commencé.
«Pedro Napunda !» Un autre homme s’extrait du groupe, l’échine courbée, et vient chercher ce qui doit permettre à sa famille de huit personnes de survivre. «C’est la première aide qu’on reçoit depuis les inondations, c’est un véritable cadeau de Dieu.» La région bruissant de rumeurs sur l’arrivée de l’aide humanitaire par la rivière, un nombre croissant de sinistrés se sont rassemblés au fil des jours sur ses rives, qui portent encore les marques du cataclysme.
Jet ski
La plupart ont marché des heures à travers des plaines boueuses pour les rejoindre. Le cours d’eau, celui-là même qui a détruit leurs villages lorsqu’il est sorti de son lit, est désormais la seule voie d’accès qui relie la population à l’aide humanitaire, indispensable. «On survit depuis plus d’une semaine en mangeant ce qu’on trouve sur les arbres qui n’ont pas été cassés», relate Marta Jaime, 49 ans, un tissu pourpre noué sur la tête. «On a faim, on ne mange quasiment rien». «J’ai des diarrhées depuis plusieurs jours parce qu’on n’a pas le choix, on boit de l’eau sale», ajoute cette femme au regard vif, qui a survécu à la furie des inondations en se réfugiant sur la branche d’un arbre. Soudain, les yeux des sinistrés se tournent vers l’amont de ce cours d’eau brunâtre et sont témoins d’une arrivée presque incongrue. Un jet ski apparaît dans un méandre du Buzi, dont le niveau reste encore élevé, et accoste sur la plage. «On vient de trouver un groupe de personnes à quelques kilomètres en amont et nous leur avons dit de venir ici chercher de l’aide», raconte Peter Du Plessis, un bénévole de l’ONG sud-africaine Gift of the Givers. Le jet ski, loué à Vilankulo, à quelques centaines de kilomètres au sud de Beira, permet d’effectuer rapidement des reconnaissances le long de la rivière. Grâce à un canot pneumatique attaché à l’arrière du bolide, les humanitaires peuvent aussi évacuer d’urgence des blessés. «Il y a deux jours, on a évacué une vieille dame qui avait marché 40 kilomètres avant d’arriver à la rivière», se souvient Peter Du Plessis. «Son bras était cassé et elle était allée de village en village pour se faire soigner. Jusqu’à ce que quelqu’un lui dise que c’est à la rivière qu’il fallait aller chercher de l’aide».