Un attentat à la voiture piégée a fait au moins 79 morts et des dizaines de blessés samedi dans un quartier animé de Mogadiscio, l’attaque la plus meurtrière depuis deux ans dans la capitale somalienne, régulièrement ciblée par une insurrection islamiste.
Au moins 16 des personnes tuées étaient des étudiants de l’université privée Banadir de Mogadiscio. Ils circulaient à bord d’un bus lorsque la voiture piégée a explosé dans une zone où la circulation est très dense en raison de la présence d’un poste de sécurité et d’un centre des impôts. Le chef de la police somalienne Abdi Hassan Mohamed a déclaré à la pressse que le caractère «dévastateur» de l’attentat rendait difficile la détermination du nombre de victimes. «Maintenant nous pouvons donner des détails sur le nombre de morts qui s’établit à 79 pour l’instant et les blessés sont une centaine», a-t-il dit. «Il se peut qu’il y ait un ou deux morts de plus» à cause du nombre élevé de blessés, a-t-il ajouté. Auparavant, le directeur du service privé d’ambulances Aamin Ambulance, Abdukadir Abdirahman Haji, avait indiqué à l’AFP qu’environ 125 personnes avaient été blessées. Un responsable policier, Ibrahim Mohamed, a qualifié l’explosion de «dévastatrice». De nombreux blessés ont été évacués sur des civières du site jonché de débris tordus et calcinés de véhicules touchés par l’explosion. «Tout ce que j’ai pu voir, ce sont des corps éparpillés, certains brûlés au point d’être méconnaissables», a déclaré Sakariye Abdukadir, qui se trouvait non loin du lieu de l’attentat. «Ce qui s’est passé aujourd’hui est horrible», a déclaré à l’AFP un étudiant de l’université Banadir qui s’est précipité à l’hôpital après avoir appris l’attentat. «J’ai compté les cadavres de 16 étudiants et étudiantes, certains d’entre eux avaient des parties du corps sectionnées». «Le minibus transportait 17 étudiants et un seul, qui avait quitté le bus avant l’explosion pour retirer un reçu au centre des impôts, a survécu», a-t-il ajouté. L’université Banadir a annoncé cinq jours de fermeture.
«Jour noir»
«C’est un jour noir, c’est un jour où les parents qui ont envoyé leurs enfants étudier en ont récupéré les corps», a déclaré le président de l’université, Mohamed Mohamud Hassan, dans un message audio samedi soir. Le président somalien Mohamed Abdullahi Farmaajo a condamné l’attaque dans des déclarations diffusées par l’agence nationale de presse SONNA. «Cet ennemi s’emploie à mettre en oeuvre la volonté destructrice du terrorisme international, ils n’ont jamais fait quoi que ce soit de positif pour notre pays, ils n’ont pas fait de route, jamais construit d’hôpitaux ni d’établissements d’éducation», a-t-il déclaré. «Tout ce qu’ils font, c’est détruire et tuer, et (les Somaliens) le savent bien». Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a condamné l’attentat et déclaré dans un communiqué que «les auteurs de ce crime épouvantable doivent êre traduits en justice». Deux ressortissants turcs, qui seraient des ingénieurs en bâtiment, figurent parmi les morts, a précisé le policier Ibrahim Mohamed. «On ignore encore s’il s’agissait de passants ou s’ils séjournaient dans la zone», a-t-il dit. Le ministère turc de la Défense a indiqué sur Twitter avoir envoyé un avion militaire «chargé d’équipement (…) afin d’apporter une aide d’urgence à nos frères somaliens blessés dans la méprisable attaque terroriste en Somalie». à Ankara, le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Çavuşoglu a confirmé que deux ressortissants turcs «avaient perdu la vie dans l’attentat terroriste haineux perpétré à Mogadiscio». Le Premier ministre Hassan Ali Khiere a nommé un comité d’urgence chargé d’aider les blessés. «Nous demanderons une assistance médicale en dehors du pays pour ceux dont l’état de santé ne peut pas être traité dans le pays», a-t-il déclaré sur Radio Mogadiscio.
Attentats en série
L’attentat, qui n’a pas été revendiqué dans l’immédiat, survient dans un contexte marqué par de multiples actions meurtrières des islamistes shebab affiliés à Al-Qaïda. Ces insurgés ont juré la perte du gouvernement somalien, soutenu par la communauté internationale et les 20.000 hommes de la force de l’Union africaine en Somalie (Amisom). Chassés de Mogadiscio en 2011, ils ont perdu l’essentiel de leurs bastions mais contrôlent toujours de vastes zones rurales d’où ils mènent des opérations de guérilla et des attentats-suicides. On estime qu’ils comptent entre 5 et 9.000 combattants. Il y a deux semaines, les shebab ont attaqué un hôtel de la capitale fréquenté par des responsables politiques, des officiers et des diplomates. Depuis 2015, on a dénombré 13 attentats en Somalie dont le bilan égale ou dépasse les 20 morts, dont onze à Mogadiscio, selon un décompte de l’AFP. Tous ont été commis à la voiture piégée. Le plus meurtrier de l’histoire de la Somalie s’est produit en octobre 2017, lorsque l’explosion d’un camion piégé à Mogadiscio a fait 512 morts et 295 blessés. Présents en Somalie, les Etats-Unis y ont intensifié depuis avril 2017 leurs frappes aériennes après l’extension, par le président Donald Trump, des pouvoirs donnés à l’armée américaine pour lancer des opérations antiterroristes, par voie aérienne ou terrestre. En avril, le commandement militaire américain pour l’Afrique avait annoncé avoir tué 800 personnes en 110 attaques aériennes depuis avril 2017 dans ce pays de la Corne de l’Afrique.