Bob Dylan, le chanteur aux 150 millions de disques vendus, sort ce lundi son nouvel album «Shadows in the night». Bob Dylan qui enregistre une dizaine de chansons appartenant au «Great American Songbook», c’est à dire les standards dans lesquels tous les grands vocalistes (d’Ella Fitzgerald à Diana Krall, de Tony Bennett à Harry Connick, Jr., de Rod Stewart à Michael Bublé, de Sting à Bette Midler, etc.) sont allés régulièrement piocher, voilà qui semble incroyable, surtout quand on sait avec quelle plaisir, en concert, il massacre ses mélodies jusqu’à les rendre inidentifiables. Ce projet totalement inattendu a pris naissance pour lui vers la fin des années 70 lorsqu’il entendit l’album «Stardust» dans lequel le chanteur country Willie Nelson revisitait à sa manière d’autres standards. La première chose qui étonne à l’écoute de « Shadows in the night », c’est sa façon de rester au plus près de la mélodie sans chercher à la déformer et se l’approprier en restant dans son émotion et sa trame basique. Un peu comme dans cet album de 1969, Nashville Skyline, ou, un an plus tard, avec Let it be me, version américaine de «Je t’appartiens» de Gilbert Bécaud qui en son temps avait contrarié fortement ses fans français. Dylan chantant Bécaud, où allait on ? «J’aime ces chansons, expliqua-t-il dans la seule interview qu’il donna pour l’occasion (*). Maltraiter ces chansons serait un sacrilège.»
Bob Dylan se transcende et bascule dans un univers de beauté
Les chansons en question ont ceci en commun d’avoir toutes étaient chantées par Frank Sinatra. La référence, peut être le plus grand chanteur populaire de tous les temps. Bob Dylan n’est pas et n’a jamais été un vocaliste dans le sens classique du mot mais ici, avec toutes les limitations connues de sa voix et celles, nouvelles, arrivées avec l’âge, il se transcende et bascule dans un univers de beauté et de simplicité et évoque dans parfois la douleur, Jimmy Scott, Tom Waits ou Chet Baker. L’album que nous entendons est tel qu’il fut enregistré, c’est à dire que les chansons s’y enchainent dans l’ordre de leurs enregistrements, lesquels furent réalisés sans remix, en direct et en son réel. Comme un groupe live. Sachant cela, les fans perturbés par ses performances scéniques déconcertantes se remettent à espérer. Et si Bob se remettait à chanter pour de vrai et qu’on reconnaisse à nouveau ses chansons à leurs mélodies et non à leurs paroles ? Réponse au prochain passage de son Never Ending Tour.
(*) Il donna cette interview au magazine de l’A.A.R.P. Rassurez-vous nous non plus nous ne savions pas ce que c’était, et pourtant c’est un des plus gros tirages des États Unis, 35 millions d’exemplaires envoyés aux membres de l’American Association of Retired Persons, autrement dit aux retraités américains. Et cinquante mille d’entre eux, tirés au sort, reçurent l’album avec leur magazine.