Amar Saâdani a fait une sortie tonitruante, hier, à l’occasion d’une réunion l’ayant regroupé avec les élus de son parti de la wilaya d’Alger. Il n’a cessé de surprendre par ses propos qui ne souffrent d’aucun quiproquo. S’exprimant en marge de cette rencontre consacrée aux élections préliminaires inhérentes aux sénatoriales, le SG du FLN a déblatéré l’initiative des «19 personnalités», ayant demandé audience auprès du chef de l’état. Sur le «Front national» qu’il a lancé il y a quelques jours, l’homme fort du FLN n’a pas été tendre, non plus, avec Ahmed Ouyahia, son homologue à la tête du RND. Et pour cause, interrogé sur la fameuse demande d’audience formulée par le groupe de personnalités nationales, d’acteurs politiques et d’ex-cadres de l’état visant à rencontrer le président de la République, le patron du FLN dénie toute légitimité aux initiateurs de cette idée. Il estime que cette demande est d’ores et déjà vouée à l’échec. En effet, le premier novembre dernier, une pléiade de personnalités pas-peu connues du paysage politico-médiatique national, ont adressé une lettre à Abdelaziz Bouteflika, afin d’attirer son attention sur «la dégradation du climat général dans le pays», a-t-on indiqué. Parmi ce groupe, figurent en tête, la secrétaire générale du PT, Louisa Hanoune, la moudjahida Zohra Drif Bitat, les ex-ministres Khalida Toumi et Abdelhamid Aberkane, l’acteur des droits de l’Homme, Noureddine Benissad, pour n’en citer que ceux-là. Les mêmes acteurs ont émis le vœu de faire les hôtes du chef de l’état pour lui exposer leurs inquiétudes devant «l’extrême gravité de la situation prévalant dans le pays». Après avoir eu une fin de non-recevoir comme l’ont affirmé, les initiateurs de la démarche ont décidé de rendre publique la lettre à travers laquelle ils ont exprimé les motifs de la demande d’audience.
En réponse aux «doutes» exprimés par ce groupe, et en allusion aux propos de Louisa Hanoune, qui, elle, pose des incertitudes en se demandant si le chef de l’état est au fait de ce qui se passe dans le pays, Saâdani ne mâche pas ses mots. Mais avant, il a pris la prudence de ne pas mettre tout le monde dans le même sac. «Je ne généralise pas. Mais, à mon avis, il y a parmi ces personnalités celles qui disent que les décisions au sommet de l’état ne sont pas prises par le président de la République, alors qu’elles demandent audience auprès de lui. C’est contradictoire», a relevé le chef du FLN. Et, de s’interroger à son tour sur les tenants et les aboutissants de cette action. «Qui les a mandatés et ils parlent au nom de qui?», s’est-il demandé au sujet des autres membres de ce groupe et les «velléités» qui les animent. En effet, pour lui, à travers cette initiative, certains agissent «sous les commandes de leurs parrains», certains veulent ressurgir et rebondir sur la scène nationale pour des intérêts étroits, alors qu’il y a une partie, qui est tout de même sincère, laquelle est animée, selon Saâdani, par l’intérêt national. Tout en affirmant que le président de la République n’est comptable devant aucune personne à l’exception du peuple, qui est selon lui le seul à pouvoir l’auditionner, le patron du FLN a indiqué qu’aucune loi figurant dans la Constitution n’a défini ce que c’est une «personnalité nationale».
En bon défenseur de son ténor, Saâdani n’a pas manqué d’affirmer que c’est bel est bien Bouteflika qui décide des affaires et de l’avenir du pays. Pour convaincre de ses propos, il a rappelé que le président de la République a reçu plusieurs fois en audience ses homologues étrangers et autres personnalités venues d’ailleurs. à partir de là, toute remise en cause de sa légitimité est inacceptable, a laissé entendre le même responsable, qui a donné rendez-vous à l’opposition pour 2019, si elle veut se lancer en compétition électorale, après la fin du mandat présidentiel. Le leader de l’initiative portant «Front national» est revenu ensuite à la charge pour fustiger à nouveau Louisa Hanoune, en s’interrogeant ce qui amène bien une responsable d’un parti qui dispose d’un programme politique et d’une tribune d’expression libre, à s’inscrire dans une telle démarche, qu’il qualifie d’entreprise «vaine» et d’un coup d’épée dans l’eau. Plus virulent encore, il a estimé que la leader du PT a perdu la boussole et navigue à vue, en prétextant que «ceux qui l’ont soutenue, ne sont plus là et qu’ils ont quitté leurs fonctions», a-t-il accusé.
«L’initiative du RND… n’en est pas une»
Le chef du FLN a fait le point autour de l’initiative politique de création d’un «Front national» pour soutenir le programme de Bouteflika. Tout en estimant que son projet reste ouvert jusqu’à ce que toutes les parties se prononcent sur la question, Saâdani a dressé le bilan partiel de l’opération.
En effet, depuis son lancement, cette initiative a reçu l’adhésion de 19 formations politiques et d’une quarantaine d’associations de la société civile, ayant selon lui, signé de leur engagement à cette démarche. Cependant, le deuxième parti majoritaire constitue toujours un véritable couac, pour laisser passer un tel état de fait au hasard. En effet, au refus diplomatique du RND, qui a émis des réserves à la démarche du FLN, Saâdani a indiqué qu’il refuse aussi de s’inscrire dans l’Alliance présidentielle d’Ouyahia, lequel projet «n’en constitue pas une initiative», a-t-il répliqué. Et, d’affirmer, que son «Front» n’est pas exclusif «tel que l’est l’Alliance», prônée par le chef du RND.
Le même orateur a réitéré le caractère «unificateur» de son initiative, en taclant son homologue du RND, envers lequel il a tenu à expliquer que, si l’on veut soutenir le chef de l’état et consolider le processus démocratique dans le pays, l’on ne peut que s’inscrire dans un projet inclusif et rassembleur. Saâdani a même lancé une sorte de défi à son alter ego, en indiquant qu’il laisse les deux initiatives (celle du FLN et du RND), à l’appréciation du peuple, de la classe politique et de la société civile. Mais, «nous sommes la locomotive. Nous n’acceptons pas que RND soit le meneur pour nous guider. S’il faut le redire dix fois, nous le ferons», a-t-il mis en garde. «S’il (Ouyahia) veut marcher, il sera le bienvenu. Si non, il n’a qu’à rester à sa place», a-t-il ajouté d’un ton menaçant. Par ailleurs, comme l’oblige la circonstance, Amar Saâdani a parlé des prochaines échéances électorales en prévision du renouvellement partiel des membres du Conseil de la nation prévues en décembre prochain. En effet, le patron du FLN a instruit les élus de son parti de faire preuve de transparence et d’honnêteté, et d’adopter une démarche démocratique dans les élections des prochains sénateurs issus de l’ex-parti unique.
D’ailleurs, aussitôt il a ouvert les travaux de cette rencontre, il a appelé au respect des instructions fermes qu’il a adressées à ses partisans et qui visent la démocratisation de l’acte de voter. Pour lui, un parti comme le FLN doit se défaire des pratiques malsaines (corruption, népotisme, fraude), afin de ne plus porter atteinte à son image, dont Saâdani se targue depuis la fin du congrès de mai dernier, rénovation et modernisation de son parti.
Farid Guellil