Les allégations colportées, en ce moment, par certains médias sur une prétendue reculade de l’Algérie concernant ses relations commerciales avec l’Espagne sont erronées, car aucune information officielle n’a été rendue publique à ce sujet par les autorités ou les institutions compétentes.
Les décisions concernant les questions financières et commerciales qui engagent l’État sont prises en Conseil des ministres, par le ministère des Finances ou par la Banque d’Algérie et sont annoncées par les canaux officiels. En effet, les décisions économiques notamment celles liées aux relations de l’Algérie avec ses partenaires commerciaux, relèvent des prérogatives exclusives de l’État, et non pas des organisations professionnelles, telle que l’Association des banques et établissements financiers (ABEF). L’ABEF, à laquelle font référence ces médias, ne peut se substituer aux institutions de l’État qui ont en charge les finances, l’économie et le commerce extérieur. Elle est une association à caractère professionnel et défend les intérêts de ses adhérents. L’ABEF est une association regroupant une trentaine de banques et établissements financiers activant en Algérie, dont une dizaine étrangers, notamment les deux banques françaises : BNP PARIBAS et Société Générale.
Sa mission consiste surtout à représenter les intérêts collectifs de ses membres vis-à-vis des tiers, notamment auprès des pouvoirs publics et de la Banque d’Algérie, autorité de régulation de l’activité bancaire.
Pour rappel, l’Algérie avait décidé le 8 juin dernier de procéder à la suspension « immédiate » du traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération qu’elle a conclu le 8 octobre 2002 avec le royaume d’Espagne.
Cette décision souveraine a fait l’objet de déclarations « hâtives » et « infondées » faites au nom de l’Union européenne (UE).
« La précipitation et le parti-pris de ces déclarations mettent en évidence le caractère inapproprié de leur contenu, s’agissant d’un désaccord politique avec un pays européen de nature bilatérale n’ayant aucune incidence sur les engagements de l’Algérie à l’égard de l’UE et ne nécessitant par voie de conséquence nullement le déclenchement d’une quelconque consultation européenne aux fins de réaction collective », a réagi le ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, dans un communiqué.
« Il convient dans ce contexte de rappeler que la décision de suspendre le Traité algéro-espagnol d’amitié, de bon voisinage et de coopération répond à des considérations légitimes, qui tiennent pour l’essentiel à ce que le partenaire se soit délié d’obligations et de valeurs essentielles inscrites dans ce Traité, prenant ainsi la responsabilité de vider cet instrument juridique de sa substance et de mettre en cause sa pertinence dans les relations entre les deux parties audit traité », lit-on dans le même communiqué.
APS
Ce que dit la note de l’ABEF
Les relations commerciales avec l’Espagne ont repris leur cours normal après la décision que vient de prendre l’association professionnelle des banques et des établissements financiers (ABEF) qui a annoncé, dans une note datée du 28 juillet 2022, la levée du gel des domiciliations bancaires pour les opérations de commerce extérieur de et vers l’Espagne, le jour même. C’est l’opération d’évaluation du dispositif de gel qui a amené l’ABEF en concertation avec les acteurs concernés du commerce extérieur, a en ordonné la levée. Il s’agissait de mesures conservatoires notifiées par l’ABEF aux directeurs des banques et établissements financiers, le mercredi 8 juin 2022 dans la foulée de la décision annoncée, le même jour, par l’Algérie de la suspension immédiate du Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération conclu le 8 octobre 2002 avec le Royaume d’Espagne. «Une très mauvaise nouvelle pour l’Espagne», avaient alors commenté des représentants de la classe politique et de la société civile, espagnoles, qui craignaient surtout les retombées négatives de cette décision pour l’économie espagnole. En effet, les mesures économiques prises par l’Algérie en accompagnement de la suspension immédiate du Traité ont fait mal à l’Espagne. Au plan du commerce extérieur, l’Espagne était dans les premières places comme fournisseur et comme client de l’Algérie, vue comme « un marché prometteur » par les opérateurs espagnols et comme une porte d’accès vers l’Afrique « très intéressante » notamment après l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Dans les dernières statistiques douanières pour le premier semestre 2022, l’Espagne apparaît comme 2ème client de l’Algérie avec 12,13 % des échanges, après l’Italie (21,83%), pour l’essentiel du gaz, mais ne figure pas parmi les principaux fournisseurs de l’Algérie. Dans le domaine de l’énergie, les relations commerciales étaient appelées à s’étendre et l’Algérie aurait fait de l’Espagne un grand hub gazier pour l’Europe, s’il n’y avait eu le « revirement brusque et injustifié » du premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, sur la question du Sahara occidental. La note de l’ABEF, levant le gel des opérations commerciales de l’Algérie avec l’Espagne, n’est pas perçue comme véritablement un signe de détente dans les relations entre les deux pays. Il s’agit visiblement d’un ajustement de la position de l’Algérie par rapport au cadre plus large des relations avec l’Union européenne, tenant compte des aspects juridiques liés à l’Accord d’association Algérie-UE. Mais ce qui est fait est fait, rien ne sera comme avant entre l’Algérie et l’Espagne, ni d’ailleurs avec l’Union européenne et les pays qui la composent. La détérioration actuelle des relations algéro-espagnoles, est intervenue dans le contexte de la crise ukrainienne qui a créé une tendance profonde vers un bouleversement des relations internationales avec un impact sur les cadres bilatéraux. Naturellement, les autorités espagnoles souhaitent que rien ne change. Dans une première réaction à la décision de l’ABEF portant la levée du gel des domiciliations bancaires des opérations du Commerce extérieur de et vers l’Espagne, le ministre espagnol des Affaires étrangères José Manuel Albares a déclaré vendredi soir, que son pays aspire à des relations normales avec l’Algérie comme c’est le cas avec tous les pays voisins. Par «pays voisins» faut-il comprendre l’Italie ? Comment les relations de l’Algérie avec l’Espagne pourraient-elles être exactement les mêmes qu’avec tous les pays voisins, basées sur ‘l’amitié’, ‘l’avantage’ et ‘le respect mutuel’, ‘l’égalité souveraine’ et ‘la non-ingérence’ dans les affaires intérieures”, alors que l’Espagne, contrairement au «pays voisin», l’Italie, s’est écartée de la légalité internationale concernant la question du Sahara occidental ? Sur le prix du gaz vendu à l’Espagne à travers le gazoduc Medgaz, le Président-directeur général du Groupe Sonatrach, Toufik Hakkar, avait annoncé l’intention de le revoir à la hausse.
M’hamed Rebah