C’est quoi Birdman? Avec quels Oscars le film d’Alejandro Gonzalez Inarritu pourrait repartir le 22 février prochain? Analyse, décryptage, pronostics. Ça raconte quoi ? La tentative de come-back d’un acteur, Riggan Thomson, qui a connu un grand succès 20 ans auparavant grâce à un rôle de super-héros, mais qui est dans le creux de la vague depuis. En s’offrant le premier rôle d’une pièce qu’il met lui-même en scène à Broadway – et qui traite du statut de l’acteur dans la société – il espère renouer avec sa gloire perdue. Cependant, plus la première approche, plus il parait dépassé par l’ampleur du projet…
C’est avec qui ? Michael Keaton, absolument génial dans la peau de Riggan, dont la carrière fait écho à la sienne. Cette histoire de come-back lui permet de réussir le sien, 23 ans après la sortie de Batman le Défi, de Tim Burton. Et il est très bien entouré : Edward Norton est génial et hilarant dans la peau d’un acteur talentueux mais complètement mégalo, sa compagne, incarnée par Naomi Watts, joue plutôt la carte de l’émotion, tout comme Amy Ryan et Emma Stone, qui interprètent l’ex-compagne et la fille du metteur en scène. Zach Galifianakis, chargé de produire la pièce, est lui étonnamment sobre…
Nominations : 9. La catégorie principale : meilleur film, mais aussi meilleur réalisateur pour Alejandro Gonzalez Inarritu, meilleur acteur pour Michael Keaton et meilleurs seconds rôles pour Edward Norton et Emma Stone, meilleure photographie pour Emmanuel Lubezki, meilleur montage et mixage son (Martín Hernández, Aaron Glascock/Jon Taylor, Frank A. Montano et Thomas Varga), meilleur scénario original, signé Alejandro G. Inarritu, Nicolas Giacobone, Alexander Dinelaris, Jr. et Armando Bo. Pourquoi fallait le voir ? Pour son casting et le comeback de Keaton, donc. Mais aussi pour son incroyable mise en scène. Monté comme un long (et faux) plan séquence, effet qui donne un rythme fou à l’intrigue, Birdman ne s’arrête jamais. La caméra suit son acteur au plus près, qu’il soit en pleine frénésie de création, en conflit avec ses proches, ou au milieu d’un coup de folie. Et quand elle s’éloigne de lui, c’est pour mieux coller aux autres personnages, tout aussi paumés que le héros. Loin d’être un simple artifice, cette technique permet au spectateur d’être plongé dans l’état d’esprit tourmenté de l’acteur/créateur. Un effet accentué par une transformation des décors au cours de l’histoire. Quand Riggan se sent oppressé, les couloirs du théâtre rétrécissent…
Ça repart avec quoi ? Au moins l’Oscar de la meilleure photographie, signée Emmanuel Lubezki. Le chef opérateur a déjà remporté cette statuette l’an dernier pour Gravity, et dans un autre genre, son travail sur Birdman est exceptionnel. Le film a des chances de repartir avec les prix du meilleur son (montage et mixage), même si on s’étonne qu’il ne soit pas également nommé pour sa bande originale, composée d’un rythme de batterie entêtant. Du côté des catégories dites « principales », Birdman pourrait également repartir les mains pleines. Si Edward Norton semble n’avoir aucune chance dans sa catégorie face à J.K. Simmons, qui rafle tous les prix depuis le début de la saison des cérémonies pour Whiplash, Emma Stone pourrait créer la surprise en s’imposant face à Patricia Arquette, multi-récompensée à Hollywood pour Boyhood. Ce serait une surprise, mais c’est possible. Michael Keaton a toutes ses chances dans la catégorie meilleur acteur. Le film rappelle à quel point son jeu dingue a manqué au cinéma américain ces dernières années. Eddie Redmayne est un concurrent sérieux, ceci dit. Les membres de l’académie apprécient les biopics classiques dans le style d’Une Merveilleuse histoire du temps et il est vrai que le jeune comédien britannique impressionne dans la peau de Stephen Hawking. Inarritu a toutes ses chances dans la catégorie meilleur réalisateur. Il avait déjà été nommé en 2007 pour Babel, mais cette année-là, c’est «Les Infiltrés» de Martin Scorsese qui avait tout raflé (meilleur film et meilleur metteur en scène). En plus, l’artiste change radicalement de style sur ce projet, privilégiant une narration continue à un découpage rapide rempli de gros plans. Reste la catégorie ultime, meilleur film.
Birdman mériterait ce prix, ne serait-ce que pour sa mise en scène démente, mais il a un énorme concurrent : Boyhood et sa construction hors du commun, filmée quelques jours par an sur 12 ans. Si les membres de l’académie sont sensibles à la forme, alors le premier repartira avec la statuette, s’ils privilégient le fond, c’est plutôt l’évolution du garçon de Boyhood qui sera récompensée, Birdman risquant sur ce terrain de pâtir de son excentricité. C’est aussi pour cette raison qu’on le voit mal repartir avec l’Oscar du meilleur scénario, son histoire étant trop éparpillée (réflexion sur le rôle de l’acteur, avec mise en abîme grâce à la pièce en cours de création) par rapport aux constructions plus classiques de Boyhood ou de Foxcatcher, par exemple.