Le groupe terroriste a lancé une vague d’attaques dans plusieurs villages de l’État de Borno, dans le nord-est du pays. L’armée nigériane tente de riposter. Hommes abattus pendant la prière, fidèles fusillés, adolescente kamikaze : en plein ramadan, le Nigeria, avec près de 200 personnes tuées par Boko Haram en 48 heures, vit sa pire semaine depuis que le nouveau président a pris ses fonctions. La vague d’attaques, qui a débuté mercredi soir, a touché plusieurs villages de l’État de Borno (nord-est), épicentre de l’insurrection islamiste, désormais affiliée au groupe État islamique (EI). L’armée nigériane a, de son côté, déclenché vendredi soir une opération contre des combattants de Boko Haram dans un village situé près de Maiduguri, la capitale de l’État du Borno, a raconté un membre d’une milice privée. «Des hordes d’hommes en armes de Boko Haram sont actuellement prises dans une bataille acharnée avec les soldats nigérians dans le village de Zabarmari, à 10 kilomètres de Maiduguri», a déclaré ce milicien, Danlami Ajaokuta. «Nous avons entendu depuis 20 heures (19 heures GMT) de très fortes explosions en provenance de Zabarmari, où les soldats combattent pour repousser les hommes en armes de Boko Haram qui essaient d’envahir la ville», a-t-il ajouté. Investi le 29 mai à la tête du pays le plus peuplé d’Afrique, le président Muhammadu Buhari a condamné cette nouvelle vague de violences «inhumaines» et «barbares». Selon Muhammadu Buhari, qui a fait de la lutte contre Boko Haram sa priorité, ce bain de sang démontre la nécessité de «former une coalition internationale plus efficace» contre le groupe armé.
Une adolescente kamikaze dans une mosquée
Les islamistes ont d’abord attaqué le village de Kukawa, proche du lac Tchad, mercredi soir. Peu après la rupture du jeûne, ils ont exécuté au moins 97 personnes, des fidèles musulmans et leurs fils, en train de prier à la mosquée. Et aussi des femmes, abattues chez elles. Moins de deux heures plus tard, à une cinquantaine de kilomètres de là, près de la ville de Monguno, 48 autres fidèles réunis pour la prière du soir ont été fusillés, et deux villages ont été entièrement rasés. Baana Kole, un habitant de Kukawa qui a trouvé refuge à Maiduguri, a décrit une ville fantôme minée par les insurgés, dont les rues sont encore encombrées de cadavres. «Des habitants qui étaient cachés dans les arbres les ont vus planter des mines, et ils nous ont alertés quand on est rentré au village pour commencer à enterrer nos morts», a-t-il raconté. «Il y a encore tellement de corps qui gisent partout à Kukawa. On a dû les abandonner parce qu’on ne pouvait pas les transporter avec nous.»
Jeudi vers 14 heures (13 heures GMT), une jeune fille d’environ 15 ans s’est ruée à l’intérieur d’une mosquée de Malari, un village proche de Konduga – à 35 km de Maiduguri – peu après le début de la prière, tuant 12 fidèles et en blessant 7 autres, selon Danlami Ajaokuta, le chef d’une milice locale opposée à Boko Haram, et un témoin. «Au moment où les fidèles étaient en train de prier (…), elle a couru très vite à l’intérieur (…) et elle s’est fait exploser», a expliqué Gajimi Mala, un habitant. L’attentat n’a pas été revendiqué pour l’instant, mais correspond au modus operandi de Boko Haram, qui a souvent utilisé de jeunes filles comme bombes humaines.
Un groupe «très mobile»
Dans la nuit de jeudi à vendredi, un autre village a été attaqué, celui de Miringa. Des islamistes armés y ont sélectionné 11 hommes accusés d’avoir refusé d’être enrôlés de force par Boko Haram, vers 1 h 30 du matin (0 h 30 GMT), et les ont exécutés, selon plusieurs habitants. Enfin, vendredi vers 13 heures (12 heures GMT), des islamistes armés se sont mis à tirer sur la population dans le village de Mussa, dans le sud de l’État de Borno, tuant au moins 31 personnes. Selon un comptage de l’AFP, ces carnages font grimper à 454 le nombre des personnes tuées victimes d’attaques islamistes depuis l’accession au pouvoir du nouveau président. Une opération militaire régionale déclenchée en février par le Nigeria et les pays voisins, Tchad en tête, a permis au pouvoir nigérian de reprendre possession de la quasi-totalité des localités du nord-est contrôlées par Boko Haram. Mais les islamistes sont toujours présents, surtout dans la région du lac Tchad, «un territoire très vaste qui échappe au contrôle des autorités», et Boko Haram, un groupe «très mobile», n’a pas perdu sa capacité de nuisance, même s’il a été affaibli, estime le professeur Kyari Mohammed, spécialiste de Boko Haram. Censée améliorer la coordination sur le terrain, une nouvelle force multinationale commune (MNJTF), qui comptera 8 700 hommes (Nigeria, Niger, Tchad, Cameroun et Bénin), doit être déployée d’ici à fin juillet dans le nord-est du Nigeria. Le président français François Hollande est arrivé vendredi au Cameroun, dernière étape d’une tournée éclair en Afrique. Il doit y évoquer, avec son homologue Paul Biya, la lutte régionale contre Boko Haram.