«Qui sauver en premier, mères ou enfants? Au final j’ai choisi de sauver ma vie»! Visiblement secoué, Amri Swileh, un rescapé, raconte le cauchemar vécu vendredi par des migrants lors d’un naufrage au large de la Libye.
Ce Yéménite de 26 ans affirme avoir senti le danger et refusé dans un premier temps de monter sur l’embarcation qui a coulé moins d’une heure après son départ. Nouveau drame en mer Méditerranée: trois bébés sont morts et une centaine de personnes sont portées disparues, dont des femmes et des enfants. Les passeurs «nous ont dit que nous allions être 20 sur un bateau de 8 mètres» de long. «J’ai été surpris quand j’ai vu l’embarcation. Elle était pleine (…) il y avait autour de moi 120 personnes». Face à cette foule, le jeune Yéménite, venu en Libye via le Soudan, refuse alors de monter. «Ils (les passeurs) m’ont frappé et m’ont dit: «si tu ne montes pas, nous allons tirer sur toi»»». Amri Swileh montre au journaliste de l’AFP des hématomes sur les bras pour confirmer ses dires. «Nous sommes partis à 4H00 du matin. Il y avait beaucoup de monde sur l’embarcation et le capitaine, un Africain, ne voyait rien devant lui». «Après une demi heure, il y a eu une explosion à l’avant du bateau qui a crevé et a perdu de vitesse. Le capitaine a essayé d’accélérer mais le moteur a pris feu et l’incendie s’est propagé vers les bidons de carburants». «J’ai vu des gens brûler».
Une fois dans l’eau, «je ne savais plus quoi faire? Qui sauver en premier, mères ou enfants? Au final j’ai choisi de sauver ma vie»!, se lamente-t-il, faisant apparaitre un sentiment de culpabilité. «J’ai perdu tous mes amis yéménites qui étaient avec moi.»
«Tout a explosé»
Un autre rescapé, Bakari Badi, explique que l’embarcation était tellement pleine qu’un Marocain est tombé dans l’eau dés le début de la traversée, «avant d’être remonté à bord».
A ce moment-là, certains se disent que le voyage pourrait tourner au drame. «Les gens disaient au capitaine de retourner en Libye. Mais peu de temps après, notre moteur a explosé». «Plusieurs personnes ont été brûlées vives». «Notre bateau a explosé. Tout a explosé. Seul Dieu nous a sauvé». «J’ai vu un petit bébé… beaucoup de gens tombaient dans l’eau. J’ai perdu tous mes amis», dit-il d’une voix éraillée. «Il y avait des Gambiens, des Syriens, des Soudanais, des Yéménites, des Marocains avec beaucoup de petits bébés et des femmes», précise le Gambien de 32 ans. Kobrem lui, n’a que 17 ans. Installé en Libye depuis 2015, ce Soudanais décide d’effectuer la traversée dans l’espoir d’un «avenir meilleur» en Europe. Il affirme avoir payé les passeurs autour de 400 dollars. «Moi je me suis accroché durant deux heures à une corde attachée à ce qui restait de l’embarcation», jusqu’à l’arrivée des secours. «Chaque rescapé s’est accroché à quelque chose, des bidons vides pour la plupart.» «J’ai vu des gens morts, des bébés, des enfants, des femmes, des hommes». Rattrapé par l’émotion, Kobrem dit vouloir effacer cet épisode tragique de sa mémoire. «Je ne veux plus me rappeler ce qui s’est passé».