En pleine crise politique, à laquelle l’Algérie n’a jamais fait face depuis peut-être l’Indépendance, et au-delà des frictions internes qui commandent un changement radical tel que revendiqué par le peuple depuis le 22 février dernier, ce qui se passait ces derniers jours au-delà des frontières du pays méritent une attention particulière.
Plus précisément, il s’agit pour Abdelaziz Medjahed, général-major à la retraite, invité du Forum du Courrier d’Algérie, de donner lecture de l’offensive militaire du maréchal Haftar en Libye, et les manœuvres militaires opérées récemment par le Maroc.
Y a-t-il un impact direct ou indirect sur l’Algérie ? Ou bien, ces mouvements répondent-ils à quelques choses qui concerneraient notre pays ? Des questions, somme toute, abordées hier, par l’ancien commandant de l’Académie interarmes de Cherchell, avec les journalistes présents à ce rendez-vous.
«Haftar est resté plus d’une dizaine d’années aux États-Unis. Outre ce pays, il est soutenu par l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. À ce moment là, on peut déterminer pour qui il (Haftar) travaille, qu’est-ce qu’il opère et pourquoi maintenant ! Il y a quelques mois, il a déjà proféré des menaces contre l’Algérie avant de se rétracter après. Maintenant, il s’attaque à l’ouest de la Libye, donc à nos frontières», expose d’emblée l’orateur, la situation en présence chez notre voisin de l’E,st. Du point de vue de Medjahed, le mouvement de Haftar n’aurait pas été si alarmant sur l’Algérie si ce n’était l’autre manœuvre militaire opérée à l’Ouest. Autrement, «le régime du Makhzen qui a violé les accords du cessez-le-feu (Maroc-Front Polisario). À cela se greffe les manœuvres militaires du Maroc qui a choisi un lieu symbolique, là où on a eu des accrochages en 1963. Et puis, avec la visite du sous-secrétaire d’État us en visite en France, au Maroc et en Belgique, on peut comprendre ou déduire qu’il y a quelque chose derrière», enchaine le spécialiste en géostratégie et problématiques sécuritaires.
Et comme il en est question de l’impact sur l’Algérie, Medjahed tire le parallèle entre ces mouvements et la situation interne en Algérie. «Depuis ces cinq dernières semaines, le peuple algérien a rejeté les interventions américaine et française. Et il semblerait qu’ils ont opté pour une stratégie indirecte pour essayer d’influer sur la crise algérienne à travers nos voisins», analyse-t-il, non sans renvoyer de façon globale à ce qui se passe en Syrie et en Palestine pour ne pas craindre une tentative d’influer sur le cours des événements en Algérie, alors que le peuple a été d’une leçon de pacifisme et de civisme qui laisse, justement, moins de chance à toute ingérence dans les affaire internes de l’Algérie.
«Éviter de retomber dans les mêmes erreurs»
Mais, ce n’est pas pour autant qu’il faut baisser la garde, au plan interne entendre, suggère Medjahed à l’adresse des jeunes algériens, comme pour faire un trait d’union entre la situation interne et les bouleversements qui ont mis bien des pays à feu et à sang. Aussi, et s’il l’Algérie d’aujourd’hui n’est pas comparable à celle de 63, ou même plus tard en 75, dont le peuple et son armée venaient de sortir des affres d’une guerre au bout de sacrifices suprêmes qui lui ont valu l’Indépendance, c’est surtout grâce «à la force de ce même peuple et de son armée.»
Toutefois, faut-il encore «renforcer le front interne» histoire d’éviter de retomber dans les erreurs du passé, dont Medjahed rappelle la crise de 63 et les frictions internes, dont il cite le sort réservé à Abane Ramdane, Chihani Bachir, donne-t-il l’exemple, comme pour «rafraîchir les mémoires des jeunes algériens». «Aujourd’hui, nous avons besoins de tous les enfants du pays. On n’a pas le droit de les perdre», suggère Medjahed allusion au slogan «Iroho Gaâ (Ils partent tous) !», en donnant comme exemple Ramtane Lamamra, lorsqu’encore il rappelle le combat des Djilali Hadjadj (lutte contre la corruption), Mellouk Benyoucef (lanceur d’alerte sur les magistrats faussaires et faux moudjahidine) etc.
Abordant d’ailleurs le mouvement populaire et citoyen, il estime qu’il est impératif de dégager les représentants à l’effet d’aller vers le changement comme voulu par le peuple, alors qu’il ne croit pas à une solution «miracle», et encore moins celle qui viendrait d’un pouvoir dont il est demandé le départ. Et lorsqu’il s’git de parler de l’institution militaire, et enfant de l’ANP qu’il est, Medjahed affirme que l’armée demeure respectueuse de ses missions constitutionnelles. Si ce n’est les appels faits par le Chef d’état-major de l’ANP de mettre en œuvre les articles 102 de la Constitution et puis les 07 et 08 conférant la restitution du pouvoir au peuple. «L’institution militaire a affirmé que la souveraineté revient au peuple», pose comme gage Medjahed. Toutefois, suggère l’orateur, «lorsque l’état est en danger, il est du devoir de l’institution militaire d’intervenir», allusion à la crise sécuritaire de l’Algérie des années 90.
Farid Guellil