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MALGRÉ L‘EXPOSÉ OPTIMISTE DU MINISTRE DES FINANCES : Les déficits des comptes publics de l’État toujours aussi persistants

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Chiffres en mains, Raouya, ministre des Finances, s’est voulu rassurant devant les membres du Conseil de la nation auxquels il présentait la situation financière globale du pays après avoir puisé dans la planche à billets pour pallier aux déficits occasionnés par la dégringolade de la valeur du dinar, la baisse des prix du pétrole et l’amaigrissement des réserves de change. Ainsi, l’argentier du pays se félicitait du fait que le déficit du Trésor ait enregistré, jusqu’au mois de juillet dernier, une baisse de 29% par rapport au déficit prévu, compte tenu de l’amélioration de la fiscalité pétrolière de 335 milliards de dinars, comparé à l’année dernière. Raouya a fait savoir qu’en regard de ces nouvelles données, il devient possible que la recette de cette fiscalité dépasse la valeur approximative prévue dans la loi de finances complémentaire de 2018, de 450 milliards de dinars vers la fin de l’année en cours, ajoutant que cet excédent sera destiné au financement du Fonds de régulation des recettes (FRR). Plus rassurant, le ministre des Finances et en abordant la question du pouvoir d’achat du citoyen, que pourtant tous qualifient d’érodé, il a affirmé que le taux d’inflation est maîtrisé via les mécanismes d’absorption de la liquidité, mis en œuvre depuis le début de 2018 par la Banque d’Algérie. Se faisant, Raouya y fait plus dans son optimisme soutenant que le recul du taux de change n’induira pas une baisse du pouvoir d’achat d’autant, argumentera-t-il, que les prix des produits de large consommation continueront d’être subventionnés et plafonnés. Le ministre a même rassuré que le pouvoir d’achat restera préservé grâce aux transferts sociaux, rappelant que le gouvernement s’employait à trouver des mécanismes efficaces et objectifs pour la révision de la politique des subventions.

Une surliquidité concentrée entre les mains d’une minorité
La monnaie fiduciaire en circulation est évaluée à quelques 4780 milliards de DA dont 1500 milliards de DA à 2000 milliards de DA représentent l’argent thésaurisé des particuliers et des agents économiques, c’est dire que jamais les Algériens n’ont eu si peu d’argent dans leurs portefeuilles. La Banque centrale d’Algérie elle-même le reconnaît. Selon son bilan rendu public, les billets en circulation dans l’ensemble du pays s’élevaient à 4780 milliards de dinars en novembre 2018. Un record certes historique, mais rapporté à une population de 40 millions, cela fait une moyenne de 50 000 Da en billets pour chaque citoyen. Autrement dit, si thésaurisation existe, celle-ci ne peut s’expliquer que par le fait que le gros de la masse monétaire circulant en dehors du circuit bancaire est irrévocablement détenue par une minorité d’oligarques qui contrôlent dès lors l’ensemble des circuits économiques en pesant de tout leur poids sur la politique générale. Une chose reste toutefois sûre : la masse monétaire en Algérie a grossi de 20 % à 45% en l’espace de deux décennies, à un rythme de quatre à sept fois supérieur à celui des années 80. Les ménages en utilisent de plus en plus. Malgré la crise ou à cause d’elle? En réalité, les Algériens n’ont jamais aussi dépensé d’argent, et pourtant les mécanismes mis en place pour résorber la surliquidité n’arrivent toujours pas à atténuer l’effet de l’inflation. D’où le soupçon que l’excédent de liquidité est thésaurisé dans les matelas d’une caste d’oligarques qui préfèrent déjouer le contrôle du fisc en restant loin des yeux de la banque.

La planche à billets pour couvrir artificiellement les déficits des comptes publics de l’État
Dans des situations normales, la quantité d’argent qui circule est censée être équivalente aux besoins de l’économie afin de consommer la quantité de biens et de produits en circulation, or, dans le cas de notre pays, les choses en sont toutes autres. Et pour cause, le recours au financement non conventionnel avait pour objectif prioritaire de couvrir artificiellement les déficits des comptes publics de l’État qui sont, depuis plusieurs années, mis à rude épreuve par la chute sensible des revenus suite à l’effondrement du cours des hydrocarbures, seule source de revenus de l’État algérien face à l’absence de diversification et le maintien à un niveau élevé des dépenses publiques.
D’ailleurs, le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, n’a pas dissimulé cette réalité en annonçant devant les membres du Conseil de la nation que le recul du taux d’inflation à 4,45% vers la fin septembre 2018, alors qu’il était attendu à 5,5% dans le cadre de la loi de finances complémentaire de l’année 2018, prouvait que le financement non conventionnel était destiné à l’investissement public et non à la consommation.
Autrement dit, Raouya confirme autrement que le recours au financement non conventionnel était adopté afin de permettre au Trésor public de financer les déficits du budget de l’État, de financer la dette publique interne et d’allouer des ressources au Fonds national de l’investissement. Affirmant, sans le dire, l’échec des politiques successives à opérer le saut qualitatif à une économie saine capable de générer des recettes en dehors de la rente pétrolière.
Du coup, les billets en circulation ont perdu de leur valeur, puisque tout en restant le même, un billet de 1000 dinars vaut aujourd’hui 400 dinars en pouvoir d’achat, après le processus de création monétaire.
Quoiqu’il en soit et malgré le fait que sur les 1 800 milliards de dinars, prévus pour couvrir le déficit du Trésor de l’année 2018, l’État n’ait recouru au financement non conventionnel que dans la limite de 900 milliards de dinars durant le premier trimestre de l’année, la chute de la valeur du dinar algérien et la persistance d‘une forte inflation n’ont pu être éludées, drainant par ce fait l’érosion du pouvoir d’achat et le ralentissement de la croissance économique.
Zacharie S. Loutari

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