Deux personnes sont mortes jeudi en Inde lors de mobilisations contre une nouvelle loi sur la citoyenneté, au cours desquelles la police a interpellé des centaines de manifestants bravant les interdictions de rassemblement décrétées dans une grande partie du pays.
Ces décès survenus à Mangalore (sud) lors d’affrontements avec la police portent à huit au moins le nombre de personnes tuées depuis le début des manifestations contre cette loi. Les deux hommes âgés de 23 et 49 ans ont été tués quand la police a ouvert le feu contre une manifestation de 200 personnes environ, a indiqué un responsable local. D’autres manifestants blessés par balles ont été hospitalisés et un couvre-feu a été imposé dans certains secteurs de la ville. De nombreuses manifestations, parfois émaillées de heurts, ont été signalées jeudi en divers endroits du deuxième pays le plus peuplé de la planète, de la capitale New Delhi aux grandes métropoles du sud. Les forces de l’ordre ont arrêté des centaines de personnes, selon l’agence Press Trust of India, pour avoir enfreint les interdictions d’attroupements. Pour contrer cette mobilisation qui dure depuis la semaine dernière, les autorités avaient prohibé à l’avance tout rassemblement dans de nombreuses grandes villes et régions. Ce mouvement de protestation contre une loi jugée discriminatoire pour les musulmans est l’un des plus importants auxquels doivent faire face les nationalistes hindous du Premier ministre Narendra Modi. Cette loi qui facilite l’attribution de la citoyenneté indienne aux réfugiés d’Afghanistan, du Pakistan et du Bangladesh mais pas ceux de confession musulmane, est notamment jugée contraire à la Constitution indienne par ses adversaires. La nouvelle législation ne concerne pas directement les Indiens de confession musulmane mais a cristallisé les peurs et colères de cette minorité après cinq ans de gouvernement des nationalistes hindous. A New Delhi, des manifestants ont été embarqués dans des bus de la police après s’être présentés aux points de ralliement prévus pour des cortèges interdits. Certains des protestataires tenaient une rose rouge à la main. «Lorsque nous serons arrêtés, nous comptons donner (ces roses) à la police car ce n’est pas un combat contre la police. C’est un combat contre ce gouvernement, un gouvernement presque fasciste», a expliqué à l’AFP Shantanu, un étudiant venu manifester. Les forces de l’ordre ont ordonné aux opérateurs de suspendre leurs services de téléphonie mobile en plusieurs endroits de Delhi jeudi, une décision exceptionnelle pour la capitale. Les réseaux mobiles ont été rétablis dans l’après-midi, et la vingtaine de stations de métro fermées ont rouvert en fin de journée. De nouvelles violences ont éclaté en Uttar Pradesh (nord), région la plus peuplée d’Inde avec 200 millions d’habitants et où vit une importante communauté musulmane. Des heurts ont opposé policiers et manifestants à Lucknow, la capitale régionale, et dans le district de Sambhal, à 300 kilomètres de là, conduisant les autorités à couper l’accès à internet mobile et aux SMS.
«Impitoyable répression»
L’un des plus gros rassemblements signalés jeudi s’est tenu dans la ville de Malegaon au Maharashtra (ouest), État non concerné par l’interdiction de manifester, où jusqu’à 60.000 personnes, selon la police locale, se sont attroupées pacifiquement. Dans le nord-est, où le mouvement de contestation a débuté la semaine dernière et entraîné la mort de six personnes, plus de 20.000 personnes se sont assemblées en différents lieux de l’État d’Assam, a rapporté un correspondant de l’AFP. Au Bihar (nord), où l’interdiction de manifester était en place dans plusieurs districts, des milliers de protestataires ont bloqué des autoroutes et des voies de chemins de fer. Dans la capitale économique Bombay, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées en brandissant des affiches de Gandhi et en distribuant des copies de la Constitution. «Quelque chose a changé. C’est la première fois depuis longtemps que les gens de Bombay sortent en si grand nombre pour manifester leur désapprobation», a déclaré le consultant Karishma V. À Calcutta, la foule était estimée à plus de 40.000 personnes. Amnesty International a appelé les autorités indiennes à «cesser la répression des manifestants pacifiques qui protestent contre (une loi) discriminatoire». L’organisation de défense des droits humains a qualifié d’«impitoyable» l’action des forces de sécurité, accusées par les manifestants de nombreuses violences ces derniers jours.