Le luthiste algérien Qaïs Saâdi et les Français, Antoine Guerber et Julia Gaudin de l’Ensemble «Diabolus in Musica», ont animé jeudi dernier à Alger, un concert de musique andalouse, savamment mêlée aux chansons de la période médiévale, devant un public nombreux. Accueilli à la Basilique Notre Dame d’Afrique, le concert, «Chansons d’Al Andalous aux pays d’Oïl», une randonnée onirique au brassage inédit entre la musique andalouse et les chansons des trouvères (chants français ambulants exprimés dans la langue d’Oïl) de l’époque médiévale, a permis de belles passerelles d’échanges. L’Algérien Qaïs Saâdi au chant, au luth et au bodran (percussion irlandaise s’apparentant au bendir) et le directeur artistique de l’Ensemble, Antoine Guerber, à la percussion et à la harpe du Moyen Age (petite harpe qu’on pose sur le genou), ainsi que la cantatrice-soprano Julia Gaudin, à la voix présente et étoffée, ont enchanté l’assistance avec une vingtaine de pièces des deux cultures, datant du XIIIe siècle. Durant près de 70 mn, dans de belles variations modales et rythmiques, des extraits de «Noubas» choisis des trois écoles andalouses existantes en Algérie : El Ghernati (Ouest), Sanâa (Centre) et Malouf (Est), ont été enchainés dans un bel élan lyrique, à la douceur des chants des trouvères, aux contenus religieux, romantiques et amoureux. Parmi les pièces brillamment rendus par le trio, «Touchiya mezmoum», «Rimoun ramatni», des «istikhbars» dans les modes «Raml el maya» et «Zidène» avec le quart de ton pour transition au mode «Hidjez», «Ya racha el fetten» (inqileb zidène) et «Wa habibi», alternées par les chansons, «Ce fut en mai», «Chanter veux» ou «Quand je vois la fleur nouvelle», entre autres. Maniant son Oud à six cordes avec un doigté de maître, Qaïs Saâdi, par ailleurs musicologue, a fait montre de toute l’étendue de son talent avec des reprises mélodiques, des improvisations et, par moments, un acompagnement en accords de virtuose.
De son côté, Antoine Guerber, poète discret de la harpe, profondément investis dans les répertoires exigeants des musiques médiévales, a contribué, avec son luthiste à offrir un bon support harmonique à la voix suave de Julia Gaudin qui a ravi l’assistance, dans un espace à l’acoustique favorable aux arts de la scène.
Dans une fusion prolifique, empreinte d’un esprit de dialogue entre les cultures et les religions, le programme choisi, a permis le rapprochement entre les peuples du nord et du sud de la Méditerranée, dans les valeurs universelles de l’humanisme et du vivre ensemble dans la paix.
Apaisé par «ce beau voyage», le public, qui a eu droit durant le spectacle à des explications sur chaque pièce présentée, a savouré tous les moments du spectacle dans la délectation, applaudissant longtemps le professionnalisme des artistes, à l’issue de chaque pièce.
Organisé par l’Institut français d’Alger, en collaboration avec la Basilique Notre Dame d’Afrique, le spectacle «Chansons d’Al Andalous aux pays d’Oïl» a été programmé, pour une représentation unique, dans le cadre, selon le recteur de la basilique, père José Maria Cantal Rivas, du «programme régulier, initié par l’église».