Présenté en 2017 par le Gouvernement Ouyahia comme une solution miracle pour compenser le déficit de l’épargne publique suite au recul des prix des hydrocarbures et un moyen de préserver la souveraineté économique et politique de l’Algérie, le financement non-conventionnel, prévu jusqu’à 2022, est abandonné comme option par le Gouvernement Bedoui.
L’État veut abandonner complètement la planche à billet, a fait savoir, jeudi dernier, le porte-parole du Gouvernement, Hassane Rabhi, également ministre de la communication. «L’ère de financement non conventionnel est révolue», a-t-il déclaré. Cette mesure économique, décriée, dès son adoption depuis trois ans, unanimement par les experts et observateurs économiques, vise, selon les décideurs d’alors, de trouver une autre source de revenus pour la Trésorerie Publique et assurer les équilibres budgétaires suite au recul des prix du baril. Très redouté pour ses incidences sur l’augmentation de l’inflation et la décroissance effrénée de la valeur de la monnaie nationale, le financement non conventionnel a été présenté comme l’unique solution économique qui évitera le recours à l’endettement extérieur ou l’insolvabilité du pays envers ses partenaires économiques à l’étranger. La préservation du pays, de l’économie et de ses Institutions nationales est la responsabilité de tout un chacun», a insisté le porte-parole du Gouvernement, jeudi dernier, sans expliquer si l’État envisagerait, après l’abandon de la planche à billet, d’aller vers l’endettement extérieur.
Aujourd’hui, 3 114,4 milliards de DA ont été injectés dans l’économie nationale, sur un total de 6 556,2 milliards de DA, mobilisés par le Trésor auprès de la Banque d’Algérie (BA) au titre de la mise en œuvre du financement non conventionnel entre la mi-novembre 2017 et fin janvier 2019, soit près de la moitié, selon une note de la Banque reprise par l’APS. Selon la même source qui fait le point sur la mise en œuvre de ce financement et apporte des éclairages sur la conduite de la politique monétaire, un solde de 945,1 mds de DA est abrité au compte du Trésor auprès de la BA et donc non encore injecté dans l’économie.
Le montant total tiré s’élève à 656,7 milliards de DA
Un montant de 656,7 milliards de DA est logé dans le compte du Fonds national d’investissement (FNI) auprès du Trésor dans la perspective de son utilisation, en fonction des besoins avérés, alors qu’un montant de 1 830 milliards de DA fait l’objet d’une stérilisation par la Banque d’Algérie, à travers ses différents instruments. Sur l’encours global mobilisé (les 6 556,2 milliards de DA), un montant de 2 470 mdsde DA a servi au financement du déficit du Trésor, au titre des années 2017 et 2018 et partiellement au titre de l’exercice 2019, selon la BA.Un montant de 1 813 milliards de DA a, d’autre part, contribué au remboursement de la dette publique à l’égard des entreprises nationales Sonatrach et Sonelgaz, ainsi qu’au financement du remboursement de l’emprunt obligataire pour la croissance. En outre, 500 milliards de DA ont été destinés à la Caisse nationale de retraite (CNR) pour le refinancement de sa dette à l’égard de la CNAS. Selon la même source, ce financement a permis également, poursuit la BA, d’alimenter le Fonds national d’investissement (FNI) d’un montant de 1 773,2 milliards de DA, destiné aux opérations de financement des programmes de logements AADL, du déficit de la CNR et de projets structurants. Dès l’annonce, par l’ancien gouvernement, en 2017, de ses intentions de se diriger vers la création de la monnaie sur le marché sans contrepartie de valeur, les experts ont tout de suite averti quant au péril encouru par ce procédé de financement, arguant de l’absence des facteurs qui permettent le contrôle de l’économie par l’État.
Cela en plus d’autres « effets pervers», dont des signes qui se manifestent aujourd’hui clairement à travers une inflation galopante et la dégradation continue de la monnaie nationale, qui se rajoutent à l’érosion de Pouvoir d’achat d’une grande partie des Algériens. Pour rassurer ses critiques et calmer les tensions, le Gouvernement a affirmé qu’il va suivre une politique prudente et de rigueur pour assurer les équilibres budgétaires, soulignant que la monnaie créée par le financement non conventionnel ira uniquement vers l’investissement et les secteurs créatifs de richesses, ainsi que dans le financement des projets de grande importance pour le pays comme dans l’habitat.
Les réserves émises par la Banque d’Algérie
Cette mesure devrait s’étendre jusqu’à 2022, mais la masse créée par ce procédé de financement –dont le plafond reste indéfini – restera proportionnelle et tributaire de l’amélioration des prix des hydrocarbures sur le marché internationale.
En octobre 2018, le Directeur général du Trésor, Fayçal Tadinit, avait laissé croire à la possibilité de renoncer au recours au financement non conventionnel à partir de janvier 2019 et ce, en raison des «nouvelles données économiques et l’amélioration de plusieurs indicateurs économiques; à savoir : la hausse des recettes fiscales pétrolières, des cours du pétrole et des recettes fiscales ordinaires», affirmant que «la gestion du financement non conventionnel se fait avec succès».
Plus tard, la Banque centrale a reconnu, dans une note en avril dernier, intervenant après le soulèvement du 22 février et la vague des procès contre plus de douze ex-hauts cadres et responsables de l’État, avoir exprimé des réserves sur ce procédé de financement controversé.
«Une telle option risque d’entraîner l’économie dans une spirale inflationniste (hausses importantes des prix) et de dépréciation de la monnaie nationale fortement dommageables», avait-il conseillé le Gouvernement de l’ex-Premier ministre, aujourd’hui à la prison pour des faits de corruption et de mal gestion, Ahmed Ouyahia.
Hamid Mecheri