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La France face à ses djihadistes

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La France a mis au point, selon le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, un plan d’ensemble pour empêcher les candidats au djihad de partir pour la Syrie, et «traiter» le retour de ceux qui reviennent dans l’Hexagone par des voies détournées. Déjà, un dispositif «conseille les familles qui sentent que l’un des leurs est sur le point de basculer», et il a déjà permis de recenser 126 «signalements utiles», de candidats potentiels au djihad, dont 32 concernaient des mineurs, 48 des femmes et 20 des départs avérés. «C’est plus que ce que la police a fait au cours des trois dernières années», estime un spécialiste en géopolitique. Jean-Yves Liénard, avocat au barreau de Versailles l, défend actuellement trois détenus, incarcérés à leur retour de Syrie ou d’Afghanistan pour terrorisme en bande organisée. «Ces jeunes gens partent dans un élan qui peut être qualifié de tout ce qu’on veut: d’endoctrinement, de volonté d’aventure, de quête d’identité au travers de la religion…

Ils sont très souvent d’origine maghrébine, et ils sont complètement paumés. À dix-neuf, vingt, vingt-deux ans, ils vivaient au pied des tours de leur cité, sans boulot, sans espoir de réussite, sans se sentir intégrés. On leur a mis en tête des idées religieuses, totalement dévoyées, et on leur a expliqué des choses qui ne sont pas dans les principes de l’islam. À leur retour, ce sont des jeunes plutôt fracassés par leur expérience récente, et absolument incapables de comprendre pourquoi on les jette en prison, qu’on récupère. Selon Louis Caprioli, ancien responsable de la lutte antiterroriste, «ils sont au sein d’organisations très méfiantes, qui prennent d’énormes précautions pour éviter d’avoir des agents infiltrés à l’intérieur.
Je n’ai pas connaissance que les services de renseignement occidentaux puissent identifier les actions menées par les djihadistes qui partent d’Europe ou des États-Unis, et qui puissent connaître leurs implications individuelles». Analyser les intentions des candidats au djihad n’est pas non plus une mince affaire, mais selon les experts, il est important de rappeler que les non-retours sont la majorité, car la plupart des individus qui partent faire le djihad sont dans une logique de hijra vers une terre de l’islam.. Du coup, contrairement aux idées reçues, ceux qui reviennent ne sont pas des héros, mais des déçus du djihad. «Ils voulaient faire de l’humanitaire, aider les pauvres, les enfants, les personnes bombardées… et on leur a proposé de prendre les armes. Ils ne savaient pas faire, ils rentrent… Si on suit ces analyses, les individus revenant en France avec des projets terroristes, en tête, ne sont qu’«une catégorie extrêmement minoritaire sur l’ensemble des retours potentiels, qui sont, eux-mêmes, marginaux. Le problème, c’est que détecter ces individus particulièrement dangereux est quasiment impossible. En revanche, une fois le passage à l’acte effectué, on a remarqué des points communs entre tous ceux qui avaient «franchi le miroir» : «Ils sont déterminés, aguerris et au courant des subtilités du système. Ils ont reçu un entraînement militaire, savent se servir d’une Kalachnikov, des armes, des explosifs. Ils savent déjouer les surveillances.
Ils ne vont pas arriver directement en France par les aéroports, mais ils vont casser leurs traces. Ils ne vont pas se connecter à Internet, ni utiliser des téléphones tractables à leurs noms. Ils sont déterminés et efficaces», indique un autre expert de la lutte antiterroriste. Pour l’heure, du côté des autorités françaises, les moyens humains et techniques ne suivent pas et la coordination entre États a bien des efforts à faire. «Il ne faut pas se leurrer, il y en a qui passent entre les mailles du filet», regrette Louis Caprioli. Au Luxembourg, début juin, les ministres de l’Intérieur des neuf pays européens, les plus touchés par cette problématique, ont décidé d’utiliser des indicateurs communs, pour filtrer les données personnelles des passagers des lignes aériennes, de retravailler les signalements du fichier Schengen et de renforcer les contrôles aux frontières extérieures. Tout particulièrement, entre la Turquie et la Bulgarie… Ils se retrouveront début juillet à Milan sur le même sujet, avec, c’est sûr, beaucoup de travail encore sur la planche. Tous les candidats au djihad ne sont pas des terroristes en puissance, loin s’en faut, et, pourtant, ils sont déjà un certain nombre à se retrouver derrière les barreaux. «Sur les 700/800 individus, dont on parle, le Parquet a ouvert une quarantaine d’informations judiciaires», explique Louis Caprioli. «Il sait que ces personnes se soient rendues en Syrie, qu’elles y ont eu des activités au profit d’une organisation terroriste, qu’elles se sont entraînées à la Kalachnikov etc. «Dans le plan anti-djihad, il est prévu un suivi psychosocial pour les adultes et un suivi psycho-éducatif pour les mineurs.
Mais la question de fond, c’est de savoir si on considère ces individus comme les victimes d’un endoctrinement et d’un recrutement ou bien, comme des individus responsables de leurs actes et comme des terroristes en herbe.
En Belgique, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, l’accent est mis sur la prévention dans les écoles, dans les quartiers, à la télévision. On a l’impression qu’ils luttent contre un fléau. La France, elle, a toujours géré la question du terrorisme de façon centralisée, répressive, et ce sont les services du renseignement qui s’en chargent.
Mokhtar Bendib

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