Accueil MONDE Jihadistes : La Tunisie également confrontée au casse-tête des rapatriements

Jihadistes : La Tunisie également confrontée au casse-tête des rapatriements

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Les autorités tunisiennes ont entamé des démarches pour rapatrier des enfants de jihadistes partis combattre en Libye, mais les efforts restent largement «insuffisants» selon une ONG internationale, qui s’inquiète aussi de la situation de familles en Syrie.

Dans un pays toujours sous état d’urgence et qui reste traumatisé par la vague d’attaques sanglantes de 2015 et 2016, le gouvernement est en revanche explicitement défavorable à tout retour organisé de combattants, ainsi qu’une bonne partie de l’opinion. Pour la Tunisie, pays qui fut ces sept dernières années l’un des principaux pourvoyeurs de jihadistes au monde, ce casse-tête frappe littéralement à ses portes: fin janvier, la police scientifique tunisienne s’est ainsi rendue à Misrata, en Libye, pour prélever des échantillons ADN sur six enfants dont les parents tunisiens auraient été tués à Syrte, ex-fief libyen de l’EI, selon le Croissant rouge local. De source gouvernementale tunisienne, on confirme ces prélèvements ADN, en ajoutant qu’il s’agit des premiers tests effectués pour s’assurer de la nationalité d’enfants de jihadistes, avant de les rapatrier. Malgré cette dernière démarche, Human Rights Watch (HRW) s’est montré sévère mardi envers Tunis. «Les responsables tunisiens ont tardé à faciliter le retour d’enfants tunisiens actuellement détenus sans inculpation à l’étranger», a dénoncé l’ONG. Dans un texte documenté, HRW souligne l’importance de la question pour ce petit pays d’Afrique du Nord de 11 millions d’habitants.

«Camps sordides»
«Même si la Tunisie n’est pas le seul pays qui rechigne à aider ces femmes et ces enfants à rentrer chez eux (…) c’est la Tunisie qui a le plus de ressortissants dans cette situation», avance l’organisation. Elle relève notamment qu’environ 200 enfants et 100 femmes tunisiens sont «détenus dans des prisons et camps sordides en Libye, Syrie et Irak». A Tunis, ces dernières années, les autorités ont évoqué le chiffre de 3.000 Tunisiens partis combattre à l’étranger aux côtés d’organisations jihadistes. Un groupe de travail de l’ONU a, lui, parlé de plus de 5.000. Beaucoup sont morts au combat, mais l’épineuse question du retour se pose avec davantage d’acuité
depuis que Washington, sur le point de retirer ses troupes en Syrie, pousse les pays d’origine à favoriser les rapatriements. Des centaines de jihadistes étrangers sont détenus par les Kurdes en Syrie, auxquels s’ajoutent les femmes non combattantes et les enfants, et la Tunisie revient régulièrement dans la liste des pays cités. S’agissant des familles, une source gouvernementale tunisienne assure que des démarches sont en cours depuis plusieurs années pour permettre leur retour. Une liste de 43 enfants présumés tunisiens se trouvant en Libye a été établie en 2017, d’après la même source. Trois d’entre eux ont été rapatriés la même année, une fois leur identité établie. Depuis, les rapatriements patinent, admet toutefois cette source, évoquant des problèmes de coopération juridique entre Tunis et Tripoli et des difficultés à confirmer la nationalité des enfants, condition sine qua none. Aucun rapatriement n’a eu lieu de Syrie ni d’Irak, relève pour sa part HRW. Cité par l’ONG, le ministère des Affaires étrangères assure que la Tunisie «attache une importance particulière au cas des enfants détenus», en arguant être «fermement convaincue de la valeur des droits humains».

«Victimes»
Les autorités tunisiennes sont en revanche catégoriques sur le cas des combattants eux-mêmes: pas question de faciliter leur retour, alors que selon elles au moins 800 étaient déjà revenus par leurs propres moyens à fin 2016, et se trouvaient alors détenus ou sous haute surveillance. L’opinion publique est particulièrement attentive, et un débat public avait agité le pays dès début 2017: un millier de personnes avaient manifesté pour s’opposer à tout retour, estimant que ces Tunisiens représentaient une grande menace pour la sécurité nationale. «S’il y a des combattants tunisiens (…) qui veulent rentrer en Tunisie, la Constitution prévoit qu’on doit accepter tous les citoyens, mais il faut qu’ils passent par la justice et éventuellement la prison», a réitéré le président Béji Caïd Essebsi récemment. Selon l’Association des Tunisiens bloqués à l’étranger, qui milite pour faciliter les retours, les autorités craignent qu’un rapatriement des enfants n’accélère un retour de membres de l’EI. «L’Etat tunisien n’a pas de stratégie pour prendre en charge ces enfants perturbés, qui ont 4 à 6 ans en moyenne», déplore son dirigeant, Mohamed Iqbel Ben Rejeb. Alors que le «califat» de l’EI rend son dernier souffle, HRW reconnaît des «préoccupations légitimes» sur la sécurité. Mais des enfants sont bloqués dans des camps, «sans éducation, sans avenir (…), tandis que leur gouvernement semble ne pas lever le petit doigt», clame l’ONG, qui dit notamment avoir interrogé des proches de 13 femmes et de 35 enfants détenus en Libye et Syrie. Ces enfants «doivent être traités avant tout comme des victimes», plaide l’ONG.

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