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Irak : Le Premier ministre sous la pression des pro-Iran

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Face à la plus grave crise sociale de l’Irak post-Saddam Hussein, la marge de manœuvre du Premier ministre, conspué par la rue, a été quasi anéantie par ses partenaires au pouvoir et les pressions de l’Iran et de ses alliés à Bagdad, assurent à l’AFP des responsables.

Il y a un an, Adel Abdel Mahdi, indépendant de 77 ans, sans base populaire ni partisane, arrivait au pouvoir à la tête d’un attelage fragile: celui constitué du versatile leader populiste chiite Moqtada Sadr et du chef des paramilitaires pro-Iran au Parlement, Hadi al-Ameri. M. Abdel Mahdi était alors l’homme du consensus: adoubé par la plus haute autorité chiite du pays, le grand ayatollah Ali Sistani, et accepté tacitement par les deux puissances agissantes antagonistes dans le pays: Washington et Téhéran.
Il avait dès lors annoncé avoir sa lettre de démission prête, «dans sa poche». Même si, contrairement aux prédictions des observateurs, le Premier ministre a survécu à l’été –saison régulièrement marquée par des manifestations parfois violentes–, il a été confronté le 1er octobre à un mouvement au caractère spontané inédit. Les manifestants, composés majoritairement de jeunes chômeurs, réclamaient services et emplois, dénonçant «les corrompus» au pouvoir.
Des dizaines sont morts sous les tirs de snipers, que l’Etat dit ne toujours pas pouvoir identifier. Dès le lendemain soir, M. Abdel Mahdi a rédigé son discours de démission avec l’intention de le lire en direct à la télévision, racontent à l’AFP trois hauts responsables, qui préfèrent s’exprimer sous le couvert de l’anonymat. Ce texte, les Irakiens ne l’ont finalement jamais entendu. À la place, les manifestants ont eu droit à une austère allocution proposant des aides sociales ponctuelles, diffusée à deux heures du matin sur la télévision d’Etat et qui n’a fait qu’attiser leur colère.

«Les mains liées»
Le Premier ministre «était déterminé à démissionner, mais il a dû rester à cause des pressions des différents partis», affirme l’un des responsables. «Les mains liées par les partis politiques qui l’ont amené au pouvoir», selon les mots d’un autre responsable, le chef de gouvernement a depuis adopté un ton plus vindicatif face aux manifestants qui veulent désormais «la chute du régime». Ses alliés, notamment pro-Iran, assurent que sa démission causerait le chaos et il a lui-même à plusieurs reprises réaffirmé sa détermination à rester aux commandes pour éviter le marasme politique et économique. Il appelle désormais les manifestants –dont dix ont encore été tués par les forces de l’ordre ces trois derniers jours– à «retourner à la vie normale» plutôt que de continuer à être «utilisés comme des boucliers humains» par des «saboteurs». «Il est enfermé dans une bulle, on lui dit que les manifestations sont un complot contre son gouvernement et qu’il faut absolument qu’il reste au pouvoir», assure l’un des responsables interrogés par l’AFP. «Il a fini par y croire». En outre, il s’est coupé d’un ancien allié, le président de la République Barham Saleh, rapportent deux responsables. «M. Saleh a été le premier à suggérer de trouver une alternative à M. Abdel Mahdi», rappelle l’un d’eux, «leur relation s’est dégradée aussitôt après» que le chef de l’Etat s’est mis à recevoir la plupart des politiciens du pays pour s’accorder sur une sortie de crise comprenant élections anticipées et changement de gouvernement.

«Instructions» iraniennes
Mardi, M. Abdel Mahdi a jugé irréalisable l’organisation d’élections anticipées. «Il pense que s’il tombe, tout le monde doit tomber avec lui», assure un responsable. A cela s’ajoute, selon les autres responsables, des pressions venues de l’Iran voisin et de ses alliés en Irak. Ces derniers sont parvenus à faire endosser au Premier ministre –chef des armées en Irak– la mise à l’écart de hauts commandants vus comme proches des Etats-Unis, expliquent les responsables. Et la pression a franchi un nouveau palier quand est arrivé au début du mois le général Qassem Soleimani, commandant des forces chargées des opérations extérieures de l’armée idéologique iranienne.
Le commandant de la force Qods des Gardiens de la Révolution a réuni à Bagdad et à Najaf les plus importants politiciens irakiens pour les convaincre de resserrer les rangs autour du gouvernement en place. «C’est lui qui donne les instructions», affirme un des responsables. Et, renchérit un autre, le Premier ministre «n’est pas dans une position où il peut résister: il sait que s’il ne suit pas la ligne iranienne, il sera débarqué et portera le chapeau pour tout ce qui s’est passé». Pour le politologue Essam al-Fili, M. Abdel Mahdi «est la victime des luttes intestines» au sein d’un pouvoir où il semble avoir aujourd’hui perdu tout «pouvoir décisionnaire indépendant».

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