Des conseillers militaires américains ont, pour la première fois, été déployés dans la province irakienne d’Al-Anbar, signe tangible de la «nouvelle phase» annoncée par les Etats-Unis dans la lutte contre le groupe État islamique (EI). Un grand flou entoure toujours le sort du chef de l’EI, Abou Bakr al-Baghdadi, depuis les raids de la coalition anti-jihadistes qui ont visé la semaine dernière «un convoi de dix véhicules qui transportaient peut-être des chefs de guerre», selon le Pentagone. Des informations non confirmées ont indiqué qu’il aurait été blessé, voire tué. «Il y a clairement de nombreuses informations contradictoires sur le sort de Baghdadi. Mais (…) nous ne pouvons pas confirmer son état actuel», a déclaré un porte-parole du Pentagone. Le déploiement de cinquante soldats sur la base d’Al-Assad, à Al-Anbar (ouest), intervient peu après l’annonce du doublement de la présence américaine en Irak, à hauteur de 3 000 soldats, ce qui doit permettre aux forces irakiennes de passer à une configuration plus offensive contre les jihadistes. C’est la première fois depuis le début de son engagement auprès du gouvernement irakien contre l’EI que les Etats-Unis envoient des militaires ailleurs qu’à Bagdad et dans la région autonome du Kurdistan (Nord). Les forces pro-gouvernementales éprouvent les pires difficultés à regagner du terrain dans la province d’Al-Anbar, presque totalement contrôlée par l’EI, qui y a dernièrement exécuté plus de 200 membres d’une tribu sunnite ayant pris les armes contre lui. Le président du Parlement Salim al-Joubouri s’est rendu mardi sur la base d’Al-Assad pour «soutenir le moral» des troupes et «exhorter le gouvernement à (fournir) une grande quantité d’armes et d’équipements pour faire face au danger du terrorisme», a-t-il dit à l’AFP. Cheikh Ashour Jabr Hamadi, un des chefs tribaux à Al-Assad, a évoqué un problème de munitions, mais a souligné que «la chose la plus importante était de bénéficier d’une couverture aérienne» de la coalition. «Jusqu’ici, elle a été très faible», a-t-il déploré. Acculées dans la province d’Al-Anbar, frontalière de la Jordanie et la Syrie, les forces irakiennes semblent en revanche en passe de reprendre la ville de Baïji, au nord de Bagdad, avec le soutien aérien de la coalition.
Avancée des Kurdes à Kobané
En Syrie, l’autre théâtre opérationnel de l’EI, les Kurdes ont repris, mardi, plusieurs rues et bâtiments aux jihadistes dans le sud de la ville de Kobané (nord), selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). La veille, le chef du Parti de l’union démocratique (PYD) avait assuré que les forces kurdes allaient reprendre toute la ville «dans un laps de temps très court». Saleh Muslim dit maintenant craindre un assaut du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, sur la ville kurde d’Afrine (nord-ouest). Le groupe jihadiste y a massé des renforts après avoir récemment pris des localités tenues par les rebelles modérés dans le secteur.
Dans un entretien au quotidien britannique The Guardian, le chef de l’opposition syrienne en exil a, de son côté, accusé la coalition de «fermer les yeux» sur les exactions menées par le régime de Bachar Al-Assad au profit de sa lutte contre l’EI. «La coalition combat le symptôme du problème, qui est l’EI, sans s’attaquer à son origine, qui est le régime» d’al-Assad, a indiqué Hadi al-Bahra.
Refus de négocier avec Damas
Alors que le conflit syrien a fait plus de 195.000 morts depuis 2011, le gouvernement de Damas a montré «un intérêt constructif» au plan de l’ONU d’un «gel» des combats à Alep, deuxième ville du pays, a affirmé l’émissaire onusien Staffan de Mistura, au dernier jour de sa visite à Damas. Mais le chef du conseil militaire rebelle d’Alep, Zaher al-Saket, qui représente l’Armée syrienne libre (ASL, rébellion modérée), a affirmé qu’ils «refusaient de négocier avec le régime» et n’accepteraient cette proposition que «sous conditions». Damas a indiqué qu’environ 11.000 personnes avaient été libérées depuis l’amnistie décrétée en juin par M. Assad, mais l’OSDH a seulement fait état de 7.000 élargissements. «Entre 70 et 80.000 détenus auraient dû bénéficier de l’amnistie et seuls 10% sont sortis de prison», a déploré le directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane, en précisant que plus de 200.000 personnes étaient emprisonnées dans les geôles du régime ou portées disparues. Alors que les violences en Syrie et en Irak ont poussé 13,6 millions de personnes à quitter leurs foyers, le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) a annoncé être contraint de réduire son aide en raison d’un manque de moyens financiers. Il a souligné qu’en conséquence, plus d’un million de personnes déplacées attendaient désespérément couvertures, mazout ou vêtements chauds, pour affronter l’hiver.