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Intervention militaire en Libye : la Tunisie sous pression

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Dans l’air depuis quelques temps, la nouvelle intervention occidentale en Libye qui s’annonce n’est plus, aujourd’hui, qu’une question de jours. Tout l’indique. Et de nombreuses déclarations, aussi bien de responsables occidentaux que d’experts, ou se présentant comme tels, le confirment. Tout semble, en effet, ficelé. Bien mieux, celle-ci est entrée dans sa phase concrète depuis « quatre mois ».

Participant, le 10 du mois en cours, à une émission d’El-Hiwar Ettounsi, une chaîne de télévision tunisienne, dont le thème était précisément, ce jour-là, l’intervention en question, Mathieu Guidère, un franco-tunisien, spécialiste « de géopolitique et d’histoire immédiate du monde arabe et musulman »a clairement déclaré que « des opérations de commandos au sol et des frappes aériennes contre des cibles, situées en différents points du territoire libyen, y sont quotidiennement menées». Non sans préciser au passage, à l’évidence, dans le clair souci de faire comprendre aux autorités tunisiennes en place, surtout, que « la machine s’est mise en branle » et, partant, qu’elles étaient, ainsi, sommées de se déterminer au plus vite, que « des réunions – des instances militaires occidentales, s’entend – se tenaient quotidiennement pour déterminer ces cibles et désigner les pays dont les militaires en seraient chargés ». Poursuivant son intervention/message, cet habitué des plateaux des télévisions de l’Hexagone, particulièrement de celui de l’édition arabe de France 24, une chaîne publique française connue pour refléter le point de vue officiel français, a, là aussi, d’une manière qui se voulait expressive de la fermeté des intentions occidentales à aller au bout du plan de reconfiguration de la carte politique de la région en cours depuis cinq années maintenant et dont l’intervention qui se précise n’est qu’un épisode, précisé que cette dernière «n’est plus tributaire que de la formation d’un gouvernement d’union nationale en Libye ». Une précision qui explique le forcing occidental à atteindre cet objectif dans les plus brefs délais. Et, dans la foulée, les énormes pressions exercées sur les différentes parties libyennes à entériner l’accord de Skhirat, au Maroc (tiens, tiens), conclu, pour rappel, en décembre dernier. Et à trouver, au plutôt, une solution à la pierre d’achoppement (à l’acceptation par tous dudit accord) que constituait la désignation d’un ministre de la Défense : des membres du Conseil présidentiel – une instance de neuf membres, dont un président et trois vice-présidents représentant chacun la Tripolitaine (l’Ouest), la Cyrénaïque (l’Est) et le Fezzan (le Sud), les trois régions traditionnelles de la Libye – prévue par l’accord précité de Skhirat, s’opposent sur la question : certains œuvrant à ce que le poste soit confié à un proche de Khalifa Haftar, le chef controversé, parce qu’autoproclamé, de ce qui est appelé l’Armée nationale libyenne, alors que d’autres penchent pour une personnalité plus indépendante. Aux dernières nouvelles, un compromis, fruit, à l’évidence, des pressions de la coalition internationale anti-Daesh réunie avant-hier à Bruxelles, a été trouvé : la gestion du portefeuille ministériel de la Défense devant être assurée directement par le Conseil présidentiel. Si cela venait à se confirmer, nul doute que les évènements en Libye vont s’accélérer. Et avec, les pressions sur la Tunisie. Des pressions qui transparaissaient ouvertement dans les propos tenus par Mathieu Guidère lors de son passage à l’émission précitée de la télévision tunisienne susmentionnée. Le « tuteur académique » – pour reprendre l’expression utilisée par un site électronique qui a rapporté l’information – de l’actuel émir du Qatar du temps (entre 2004 et 2007) où celui-ci était en formation à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr et où son «tuteur» était enseignant-des précisions qui ne sont nullement fortuites tant elles dévoilent les accointances réelles de ce « spécialiste » du monde arabe et musulman – y a, en effet, clairement invité les autorités tunisiennes à faire le bon choix. En clair, à ne pas s’opposer à l’intervention occidentale en Libye, qui se rapproche. Une invitation qu’il a pris le soin d’enrober dans l’emballage attrayant «de retombées économiques substantielles» pour notre voisin de l’Est : «La Tunisie a une occasion irremplaçable de booster son économie et, partant, de devenir un îlot de prospérité dans un environnement déstabilisé». Toute la question est de savoir si ces avances/pressions trouveront des oreilles attentives parmi les responsables tunisiens. Une question dont la pertinence est soulignée aussi bien par les nombreuses sollicitudes dont fait l’objet notre voisin de l’Est de la part des pays occidentaux que par la « fraîcheur » qui semble caractériser depuis quelques temps les relations algéro-tunisiennes ; une fraîcheur due en grande partie, selon nombre d’observateurs de la scène politique maghrébine, à la décision que semble avoir prise la Tunisie de « faire cavalier seul » dans le traitement de la donne sécuritaire. Une option que deux faits, en apparence sans lien aucun entre eux, confirment : la visite d’une délégation militaire américaine au mur que la Tunisie a construit le long de sa frontière avec la Libye pour empêcher les infiltrations de terroristes en provenant, en est le premier. Et la déclaration de l’animatrice de l’émission précitée qui, assimilant l’agression à venir contre la Libye à «une entreprise éminemment économique visant le contrôle des richesses énergétiques libyennes», a défendu le droit de son pays «à négocier au mieux de ses intérêts économiques», sa position dans cette affaire, le second. Deux faits, le second parce qu’il n’a provoqué aucune réaction des autres participants à l’émission, qui ne doivent pas laisser indifférents nos responsables…
Mourad Bendris

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