L’icône historique de la Révolution, l’un des derniers artisans de l’Indépendance de l’Algérie, non moins fondateur du Front des forces socialistes (FFS), Hocine Ait Ahmed, a été inhumé hier vendredi, dans son village natal à Ath Ahmed (Ain El Hammam). On lui a promis des funérailles populaires et nationales à la hauteur de la valeur de ses idéaux, le peuple a répondu présent par des centaines de milliers.
Décédé le 23 décembre dernier à Lausanne (Suisse) à l’âge de 89 ans, Hocine Ait Ahmed, dont la dépouille a été atterrie jeudi dernier à l’aéroport Houari Boumediène d’Alger, a regagné définitivement le sol algérien, pour qu’il soit enterré chez lui, dans la terre qui l’a vu naître. L’histoire de l’Algérie aura repris, au moins, que le peuple lui a rendu les honneurs princiers, dignes de ceux consacrés à un chef d’État. Ce fut une semaine durant que les villageois ont travaillé d’arrache-pied avec la collaboration des autorités locales, pour préparer les obsèques de Da L’Hocine, sous les auspices de la Fédération FFS de Tizi-Ouzou. En dépit du boulot titanesque réalisé à cet effet, les lieux se sont avérés exigus pour contenir la déferlante sans précédant des citoyens, pour rendre un hommage des plus emblématiques, à l’un des acteurs majeurs de l’Algérie d’avant et de post indépendance, a-t-on constaté sur place. Pas seulement, puisque loin de sa terre natale, les populations de Kabylie en particulier, mais en toute évidence de toute l’Algérie, attendent l’arrivée du défunt pour assister à ses funérailles. Certains ont eu la chance de parvenir jusqu’à son village, pendant que ceux parmi les habitants des contrées lointaines du pays ont suivi sur les écrans TV la cérémonie, dépeinte de plein d’émotions, notamment du cheminement du corps de Si L’Hocine depuis le siège national de son parti d’Alger vers les hauteurs splendides d’Ath Ahmed. La veille de cette halte historique, le nom d’Ait Ahmed suivi d’un texte adulateur est estampillé sur le panneau lumineux à l’entrée de la ville de Tizi-Ouzou, comme signe du maintien du deuil national, en cette fin d’année, d’habitude animée. C’est à 6 heures du matin que démarrent, ce vendredi, depuis le siège de la wilaya, les bus transportant les journalistes pour la couverture des funérailles et mettre le cap vers le village qui a bercé l’enfance du politique prodige. Il a fallu parcourir une cinquantaine de kilomètres en traversant la commune de Mekla pour atteindre cette bourgade où repose Cheikh Mohand Oulhoucine, éminent versificateur Kabyle, non moins grand père de l’homme charismatique du FFS.
Des honneurs dignes de ceux rendus à un chef d’État
Tout au long de cette route choisie pour le passage exclusif du convoi mortuaire, des policiers, en dizaines, y sont postés aux abords du parcours. Les organisateurs parmi la population ayant assuré l’événement sont aux aguets. Entrée de la commune d’Ath Yahia, premier barrage dressé par les citoyens. Par soucis d’organisation, l’on ne laisse passer que les véhicules jugés «prioritaires», pendant que les autres visiteurs sont priés de garer leurs voitures et de poursuivre le chemin à pied, à environ dix kilomètres de là. Le bus reprend la route tordue et étroite avant d’investir les lieux au bout d’environ 10 minutes. Il fait un froid glacial qui transperce la peau, à la limite du supportable. Il est 7H30, et les premiers rais de soleil arrivent à peine à franchir le faîte linéaire du somptueux Djurdjura. Des policiers en tenue bleue, des agents de la Protection civile, du personnel médical et de secours, ils se comptent en dizaines dans les environs immédiats. Quant aux organisateurs portant des dossards frappés du nom du Zaïm et des couleurs de son parti, ils abondent les lieux et ne laissent rien passer au hasard. Tous étaient mobilisés pour accueillir le sien et l’accompagner dans les meilleures conditions dans son ultime demeure. L’étendue esplanade aménagée pour recevoir les visiteurs regorge de plusieurs personnes. Certaines ont passé la nuit, pendant que d’autres encore arrivent en remontant les routes depuis le pied de ce village qui écume sur les hauteurs de la région. «Je suis venu hier de la wilaya de Bouira. J’ai passé la nuit ici pour pouvoir assister aux funérailles de Da L’Hocine, sachant qu’il y’aura beaucoup de monde aujourd’hui», confie ce jeune citoyen, le visage resserré par l’air glacial qui sévit à Ath Ahmed. Des véhicules qui ont pu rejoindre les lieux la veille et d’autres qui venaient d’arriver se comptent par centaines. Venus de plusieurs wilayas, des militants du FFS et des citoyens lambda issus des quatre coins du pays ont voulu par leur présence, vouer respect et reconnaissance à l’homme qui a fait de son combat sans intermittence, une preuve d’abnégation envers une Algérie, voulue indépendante, libre et démocratique. Des agents offrent des bouteilles d’eau gracieusement aux hôtes, alors que des personnels sont prêts à secourir la moindre personne contractant un malaise. À une centaine de mètres de la route desservant la bourgade, d’énormes chapiteaux sont installés pour accueillir les personnalités nationales qui commencent à apparaître l’une derrière l’autre, aussitôt la matinée. «Si L’Hocine, nous demeurons opposants», crie à gorge déployée une foule de jeunes, visiblement militants et sympathisants du FFS. Un écran géant diffusant des vidéos retraçant les interventions d’Aït Ahmed est mis en place pour remémorer les hauts faits du parcours militant du défunt. Sur place, l’on a constaté la venue de plusieurs personnalités historiques nationales et des responsables de partis. À 10heures, un cadre du vieux parti de l’opposition annonce ce que tout le monde attend. «La dépouille de Da L’Hocine arrive à Tizi Ouzou», a-t-il fait savoir. Des slogans encenseurs à l’adresse du regretté et des youyous fusent de partout sur les lieux. La déclaration n’a pas manqué d’affecter davantage la foule, mais qui semble déterminée à honorer dans la dignité les dernières volontés du Zaïm. Des informations parvenant de Tizi Ouzou indique que les habitants ont investi l’itinéraire pour observer le dernier passage de Da L’Hocine et garder en mémoire ses obsèques populaires. L’emblème national est porté sur le dos et est accroché partout dans les villages des environs. Une heure environ après l’annonce, soit à 11H20, le cortège funèbre arrive sur les lieux. L’émotion grandissante suscitée parmi les présents a fait que des centaines d’entre eux courent, pris par une indescriptible frustration, pour accueillir le cercueil du défunt enveloppé du drapeau national et porté par les sapeurs-pompiers. «C’est un jour historique pour l’Algérie. C’est la deuxième indépendance du pays. On doit accueillir l’homme chaleureusement. Le peuple algérien est solidaire dans la douleur», scande au travers du micro le fédéral FFS de Tizi Ouzou, Farid Bouaziz. Les femmes suivent le discours par des interminables youyous qui rappellent ceux proférés à l’adresse des chouhada lors de la Guerre de libération nationale. Ce responsable, n’a cessé d’ailleurs d’appeler au calme pour «respecter» le défunt Hocine Aït Ahmed. «Aujourd’hui et demain, Da L’Hocine restera éternel», répliquent des centaines de jeunes, qui veulent poser leur regard sur la dépouille de Da L’Hocine. D’ailleurs, la situation a failli plusieurs fois être débordée si ce n’est les appels à la sérénité. Le service d’organisation a été dépassé par la situation. Faut-il souligner que des dizaines de milliers de citoyens n’ont pu accéder sur les lieux en raison de la densité de la masse populaire. Après la prière de vendredi, Da L’Hocine a été accompagné dans sa dernière demeure, située près du mausolée de son aïeul, Cheikh Mohand.
Plusieurs personnalités au rendez-vous
Plusieurs personnalités nationales, d’officiels, de responsables de partis et des représentants diplomatiques, pour n’en citer que ceux-là, ont assisté aux funérailles grandioses de Da L’Hocine. L’on a remarqué la présence des ex-chefs du gouvernement, Mouloud Hamrouche et Ali Benflis, l’avocat Mokrane Aït Larbi, le président de la JSK, Mohand Cherif Hannachi, du président de la CNEC, Khaled Bounedjma…Côté officiels, le Premier ministre Abdelmalek Sellal, s’est rendu sur les lieux pou rendre hommage à Da L’Hocine. Étaient également présents lors de ces obsèques sans doute historiques, le président du RCD, Mohcine Belabbas accompagnant une délégation composée de ses cadres, de la patronne du PT, Louisa Hanoune, du président du MNR, Abdellah Djaballah, ainsi que de l’homme politique Rachid Nekkaz.
Farid Guellil