L’Anglo-Ghanéenne Sylvia Arthur avait toujours rêvé de partager sa passion pour la littérature africaine et son impressionnante collection de livres. Son rêve est devenu réalité avec l’ouverture à Accra de sa magnifique bibliothèque. «Notre littérature a toujours été négligée, elle n’est pas mise en valeur, elle n’est pas prise au sérieux et elle n’a jamais été archivée», estime la fondatrice de la Bibliothèque de l’Afrique et de la diaspora africaine (LOATAD). «C’est précisément le but de cette bibliothèque». Sylvia Arthur travaillait en Europe dans le secteur de la communication jusqu’en 2017, date à laquelle elle a décidé de rentrer vivre au Ghana et de mener à bien son projet sur ses économies. «On a commencé avec une seule pièce, et maintenant nous avons une maison entière remplie de livres!», s’enthousiasme la propriétaire de près de 4.000 ouvrages. La nouvelle bibliothèque, rénovée et agrandie cette année, a pu enfin rouvrir ses portes début juillet dans un quartier calme d’Accra, après la levée des mesures strictes de confinement mises en place pour lutter contre le coronavirus. L’espace est lumineux et moderne. Les curieux peuvent s’installer dans des larges canapés ou des chaises en bois sculptées, traditionnelles des royaumes d’Afrique de l’Ouest et emprunter des livres pour des frais d’inscription annuels de 600 cedis (environ 90 euros). Sur les rayons, on trouve des auteurs originaires de quasiment tous les pays du continent, du Nord (Naguib Mahfouz, Assia Djebar …) au Sud, avec Doris Lessing, Yvonne Vera ou la contemporaine Petina Gappah, et des livres de presque tous les écrivains noirs d’Europe, des Etats-Unis ou des Caraïbes. La collection comprend également des publications rares, qui ne sont parfois plus éditées.
Black Lives Matter
e mouvement Black Lives Matter, qui a eu un retentissement mondial, a donné encore plus de sens à ce projet et Sylvia veut désormais organiser des discussions, des débats, mais aussi des résidences d’écrivains pour échanger des idées autour de l’histoire de la diaspora africaine ou du racisme. «Je crois vraiment que nous avons besoin d’une initiative comme celle-là. Cela montre que notre peuple est intelligent, sophistiqué et doué pour les arts… le contraire de tout ce que l’on nous enseigne à l’école», explique-t-elle. Le Ghana, qui a vu naître Kwame Nkrumah, l’un des pères du panafricanisme et de la lutte anticoloniale, a toujours joué un rôle important sur le continent en termes de culture et de mémoire. La célèbre écrivaine et militante américaine Maya Angelou vivait à Accra au début des années 1960, pendant la vague des indépendances africaines, et déjà à l’époque, le gouvernement ghanéen voulait attirer les Afro-Américains dans le pays. Le président actuel, Nana Akufo-Addo a relancé l’initiative en 2019, en créant «l’année du retour» – quatre siècles après le départ du premier navire négrier vers les États-Unis – exhortant les Afro-Américains à «rentrer à la maison». Toutefois, la littérature africaine et de la communauté noire en général, reste très méconnue dans le pays. «Je suis vraiment très impressionnée, notamment par la collection d’auteurs classiques panafricains», confie à l’AFP Appiah Kusi Adomako, à son entrée dans la bibliothèque. «Tout le monde devrait venir ici pour apprendre, s’informer sur notre histoire, notre culture, sinon nous perdrons notre identité», soutient cette passionnée de lecture. Nasirudeen Jabbaru, tout jeune écrivain ghanéen, a également fait le déplacement. «La plupart de ces livres sont rares sur le marché et c’est une source d’inspiration pour moi», assure-t-il. En espérant, un jour, qu’il trouvera lui aussi sa place sur les étagères de cette précieuse collection.