Un tableau du maître italien de la Renaissance Sandro Botticelli a été vendu jeudi 92,2 millions de dollars lors d’une vente organisée par la maison Sotheby’s, un sommet depuis près de deux ans pour une œuvre d’art aux enchères. À l’issue d’un court va et vient entre deux collectionneurs, un acheteur donnant ses ordres à Londres l’a emporté avec une dernière offre à 80 millions de dollars, prix auquel s’ajoutent frais et commissions.
Le prix est un plus haut depuis mai 2019 et les 110 millions atteints par les «Meules» de Claude Monet, chez Sotheby’s à New York. Il représente environ neuf fois l’ancien record pour une peinture du maître florentin, établi en 2013 par «La Vierge et l’Enfant avec le jeune Saint-Jean Baptiste», vendu 10,4 millions de dollars.
Le «Jeune homme tenant un médaillon» représente un jeune éphèbe aux cheveux longs. Son identité n’est pas connue, mais les spécialistes pensent qu’il pourrait s’agir d’un proche de la puissante famille florentine de Médicis. «Ce Botticelli est tellement plus impressionnant que tout ce qu’on a pu voir arriver sur le marché» émanant de ce peintre, avait fait valoir Christopher Apostle, chef du département des maîtres anciens chez Sotheby’s à New York, avant la vente.
En possession du magnat de l’immobilier new-yorkais Sheldon Solow, qui l’avait acheté 810.000 livres en 1982 (environ 1,3 million de dollars), il a néanmoins été exposé dans de nombreux musées et durant de longues périodes. Sheldon Solow est décédé mi-novembre. La famille de Sheldon Solow avait un temps envisagé de créer un musée à New York dédié à la collection du promoteur immobilier, dont le jeune homme au médaillon aurait été la principale attraction, avant de renoncer.
A comparer à Basquiat ou Picasso
«Quand vous regardez une toile comme celle-ci, qui est à ce point exceptionnelle, il faut la comparer à d’autres chefs d’œuvre, des tableaux de Picasso, de Bacon ou de Basquiat», qui ont battu des records ces dernières années, avait fait valoir Christopher Apostle. Avant cette vente seul Léonard de Vinci, avec les 450 millions de dollars de son «Salvator Mundi», avait jamais tutoyé le seuil symbolique des 100 millions de dollars parmi les maîtres anciens.
Bien que vieux de plus de 500 ans, le tableau de Botticelli est dans un état de conservation exceptionnel. Non daté, il aurait été réalisé entre la fin des années 1470 et le début des années 1480 par Sandro Botticelli (1445-1510), né Alessandro di Mariano Filipepi. «Cette image symbolise la Renaissance à Florence», avait expliqué Christopher Apostle, ce moment «où tout a fondamentalement changé pour la pensée, l’art et la littérature occidentale».
«Quand vous avez un chef d’œuvre qui se présente, les gens se réveillent, (…) quelle que soit la période», même en pleine incertitude économique, avait dit Christopher Apostle. Malgré la pandémie, le marché de l’art est resté soutenu l’an passé, avec notamment un triptyque de Francis Bacon adjugé 84,6 millions en juin. Contraintes par les restrictions sanitaires, qui ont notamment privé New York de ventes en public depuis dix mois, les grandes maisons d’enchères se sont massivement rabattues sur les ventes en ligne et ont maintenu un volume d’activité important.
Signe des temps changeants, Sotheby’s a ouvert la vente dès 10H00 locales (15H00 GMT), plutôt qu’en soirée, du jamais-vu pour une vente de cette importance. Collectionneurs européens et même asiatiques ont pu ainsi suivre les enchères à une heure raisonnable. Autre événement de ces enchères dédiées aux maîtres anciens, un tableau du maître hollandais Rembrandt van Rijn, «Abraham et les anges», a été retiré de la vente en dernière minute. Estimé entre 20 et 30 millions de dollars, il semblait positionné pour battre le record d’un Rembrandt aux enchères, soit 33,2 millions de dollars, en 2009. «Même si nous ne l’avons pas vu dans la salle aujourd’hui, il ne va pas moins trouver un nouveau domicile très bientôt», a indiqué Sotheby’s.