Lors d’une conférence de presse, tenue, hier, au siège de son parti, la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, a estimé que la multiplication des grèves et actions de protestation ces deniers jours est « un prolongement » du mouvement populaire du Hirak, un terme qu’elle préfère remplacer par « processus révolutionnaire ».
« Des voix dans le pouvoir et à l’extérieur mènent campagne à l’intérieur de pays et à l’étranger pour que le processus révolutionnaire reste sur le terrain politique exclusivement, comme si le temps s’était arrêté en février 2019 alors que la situation était déjà difficile pour les travailleurs, la jeunesse et de larges couches de la société, entraînant la multiplication des suicides, l’explosion de la harga », a-t-elle déclaré, notant que ce malaise social s’est accéléré « depuis le début du confinement prétendument sanitaire ».
Pour le parti trotskiste, les questions socioéconomiques sont centrales car elles déterminent la nature des régimes en place. « Nous sommes convaincus que même s’il n’y avait pas eu la Covid-19 et le confinement, le contenu social et économique de la deuxième révolution algérienne se serait imposé dans un processus naturel, réalisant la jonction entre les questions politiques démocratiques et les questions socioéconomiques et provoquant la décantation sociale », croit-elle savoir. « Oui, nous marcherons ensemble pour le départ du système, mais les travailleurs et retraités ont besoin du versement et de l’augmentation de leurs salaires et pensions et cela est valable pour les larges couches vulnérables poussées dans la détresse sociale», a-t-elle poursuivi.
Hanoune lancera même une mise en garde : « nous avons entendu des voix déclarer qu’il faut d’abord chasser le système puis poser les autres questions. Attention ! Ce discours a été servi aux peuples tunisien et égyptien et à de nombreux autres qui se sont soulevés. Le résultat a été la confiscation des révolutions ». Louisa Hanoune a alerté contre les tentatives de polarisation du Hirak par « des forces obscurantistes » se portant les portes-voix de ce mouvement.
« Nous constatons beaucoup de l’agitation de la part d’acteurs, des Algériens se réclamant de la révolution, de l’extérieur, qui tentent de détourner, voire privatiser le processus révolutionnaire pour le dénaturer au service d’un projet politique réactionnaire », a-t-elle indiqué, faisant allusion, sans le citer, au mouvement Rachad. « Il y a un courant basé à l’étranger, qui s’est déployé dans le Hirak. Ses partisans ont beaucoup d’argent, moyens, dont les trolls électroniques, et qui instrumentalisent même la religion. À chaque fois que je fais une sortie médiatique, ils s’attaquent à moi sur les réseaux sociaux, via des profils anonymes, avec des propos orduriers », a-t-elle accusé.
Hanoune a estimé que la question de la représentation du Hirak a été posée « mais de manière biaisée », avec des « personnes autoproclamées se revendiquant les « porte-paroles et les DG » de ce mouvement. Pour elle, «c’est à la société de déterminer les forces capables de diriger le processus révolutionnaire, comme les syndicats et organisations estudiantines», citant l’exemple de la création de l’UGTA en 1956 pour mobiliser et encadrer la révolution de libération nationale.
« Quand une personne est individuellement désignée pour représenter le Hirak, l’État peut simplement la corrompre et l’acheter », a-t-elle défendu.
Élections : la participation ou pas du PT n’est pas encore tranchée
Interrogée sur les prochaines législatives anticipées, la SG de PT a affirmé que le bureau politique du parti n’a pas encore examiné la question de participation ou pas, s’interrogeant au passage si avec la dissolution de l’APN, toutes les « lois usurpatrices » seront abrogées de facto ou, au contraire, elles seront maintenues.
Toutefois, elle a qualifié des articles de la nouvelle loi électorale « d’effrayants » du fait, selon elle, que l’introduction de « la liste proportionnelle consacrera l’exclusion de la femme et ouvrira les portes grandes à l’argent sale et la constitution de lobbies forts ».
Hamid Mecheri
