À quelques heures de la réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies, demandée par l’Algérie et soutenue par la majorité des membres, un fait brutal s’impose : l’État d’occupation sioniste vient d’annoncer son intention de placer l’intégralité de la bande de Ghaza sous contrôle militaire permanent.
Un plan qui, dans les mots, ressemble à une “opération sécuritaire”, mais qui, dans la réalité, constitue une annexion de facto et une condamnation à mort pour un peuple déjà à genoux. Depuis le début de cette guerre que beaucoup d’ONG et juristes internationaux qualifient désormais ouvertement de génocide, Ghaza vit sous les bombes, privée d’eau, de nourriture, de soins, de liberté de mouvement. Le siège imposé depuis 2006 est devenu, en vingt-deux mois de massacre continu, une prison à ciel ouvert transformée en cimetière. Les chiffres ne sont plus que des estimations, car le décompte exact des morts est devenu impossible : les frappes israéliennes, les incendies, les effondrements d’immeubles engloutissent des familles entières sans laisser de trace officielle. Ce projet d’occupation totale viole frontalement le droit international humanitaire, la Charte des Nations unies et les résolutions de l’ONU elles-mêmes. L’Algérie, qui a porté l’initiative de cette réunion d’urgence, dénonce “une étape supplémentaire dans le plan colonial visant à effacer Ghaza de la carte”. Riyad Mansour, représentant permanent de la Palestine à l’ONU, parle d’“un acte criminel qui vise à achever ce que les bombes ont commencé : l’anéantissement du peuple palestinien”. La colère des peuples contraste avec la tiédeur des chancelleries occidentales. Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, a bien rappelé que l’occupation est illégale et a averti du risque d’“aggraver la catastrophe humanitaire”, mais ses appels, comme tant d’autres, se heurtent à l’indifférence active des alliés d’Israël.
Washington, garant de l’impunité
L’obstacle majeur à toute action contraignante reste inchangé : le veto américain. Depuis des décennies, les États-Unis utilisent ce droit de blocage comme un bouclier diplomatique pour Israël, neutralisant toute tentative de résolution, quelle que soit l’ampleur des crimes commis. Demain, il y a fort à parier que, malgré la condamnation quasi unanime des autres membres, Washington étouffera encore une fois toute décision contraignante. Et c’est bien là le cœur du scandale : l’ONU est paralysée non pas par un désaccord mondial, mais par la complicité d’un seul État – appuyé par quelques partenaires européens – qui refuse de laisser la loi s’appliquer à son allié.
Condamnations sans sanctions
Plusieurs capitales occidentales ont pris la peine de dire leur “opposition” à l’occupation totale de Ghaza. L’Union européenne “invite” Israël à reconsidérer son projet. L’Australie, l’Italie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et même l’Allemagne ont signé un communiqué commun le jugeant “inacceptable”. Berlin a annoncé suspendre certaines exportations d’armes. Mais derrière ces mots, aucun mécanisme coercitif n’est mis en place. Pas d’embargo total, pas de sanctions économiques, pas de poursuites internationales. C’est le paradoxe : on condamne avec la bouche, on arme avec les mains. Tant que les livraisons d’armements, l’aide militaire et le soutien diplomatique continuent, les discours humanitaires sonnent creux – et les bombes continuent de tomber.
Le “véto des peuples” en marche
Face à cette impasse institutionnelle, la riposte vient d’ailleurs : de la rue. New York, Londres, Paris, Bruxelles, Madrid, Johannesburg, Amman, Jakarta… dans des dizaines de capitales, des foules massives brandissent un message clair : “Pas en notre nom.” Des ONG dénoncent un “véto américain qui couvre le génocide”, des juristes appellent à saisir la Cour internationale de Justice, des gouvernements du Sud global mettent en place des boycotts économiques ou diplomatiques unilatéraux. Cette mobilisation n’est pas seulement symbolique : elle grignote peu à peu le consensus politique qui, depuis des décennies, maintient Israël à l’abri de toute sanction internationale.
Un moment de bascule historique
La réunion de demain ne se résume pas à un vote : elle est un test moral. Si le Conseil de sécurité se contente d’exprimer sa “préoccupation” tout en laissant le veto américain bloquer toute mesure, il enverra un signal terrible : qu’un État peut commettre un nettoyage ethnique en direct, sous les yeux du monde, et en toute impunité. L’histoire retiendra alors deux choses : d’un côté, la détermination d’un peuple assiégé qui refuse d’être effacé ; de l’autre, la lâcheté de puissances qui, par calcul ou par intérêt, auront préféré l’inaction. Mais l’histoire n’est pas écrite d’avance. L’Assemblée générale de l’ONU pourrait reprendre la main, comme l’a évoqué Riyad Mansour, en relançant la session extraordinaire d’urgence sur la Palestine. Les États qui se disent attachés aux droits humains pourraient traduire leurs mots en actes : embargos, sanctions, reconnaissance officielle du crime de génocide, poursuites devant la Cour pénale internationale. Car à Ghaza, chaque heure de retard diplomatique coûte des vies. Chaque silence officiel est une approbation tacite. Et demain, lorsque les délégués se réuniront à New York, le monde saura très vite si ses institutions sont capables d’arrêter un massacre – ou si elles auront signé, par leur passivité, l’arrêt de mort d’un peuple.
M. S.