Le mouvement chiite Hezbollah, un des principaux alliés de l’Iran au Moyen-Orient, semble lundi en passe de confirmer son emprise sur la scène politique libanaise, au lendemain des premières législatives en près d’une décennie dans le pays.
Le scrutin a par ailleurs été marqué par un faible taux de participation -49,2%- ainsi que par l’émergence d’un mouvement de la société civile contestant les partis au pouvoir, qui devrait remporter deux sièges au parlement (128 sièges). Le partage du pouvoir au Liban entre les différentes communautés religieuses empêche la suprématie d’un seul parti ou d’une communauté au sein de l’hémicycle. Le Hezbollah, très populaire dans ses bastions, devrait toutefois conforter sa position grâce aux alliances qu’il pourrait tisser ou renouveler. Les estimations du parti chiite, quelques heures après le début du dépouillement, indiquent que le mouvement a raflé la mise quasiment partout où il était présent. Si les résultats officiels sont attendus dans la journée, ces premières tendances laissent apparaître que le Hezbollah devrait, avec ses alliés, pouvoir forger plus facilement une majorité en sa faveur sur des questions clés telles que celle des armes, qu’il n’a jamais déposées après la guerre civile (1975-90). Dans un contexte de fortes tensions régionales autour du rôle de l’Iran, principal parrain du mouvement chiite, «le Hezbollah est bien parti pour avoir une grande influence dans le processus décisionnel» au Liban, déclare à l’AFP le politologue, Karim el-Mufti.
Le courant Hariri perdant
Principale figure du camp rival, le Premier ministre sunnite Saad Hariri et son parti politique, le Courant du Futur, figurent en outre parmi les perdants de ces législatives. Ce courant, soutenu par l’Arabie saoudite, «devrait perdre quelques sièges», affirme M. El-Mufti. La reconduction au poste de chef de gouvernement n’est «pas menacée», poursuit l’analyste. Mais ce revers intervient six mois après le feuilleton de la démission surprise de M. Hariri depuis Ryad, qui avait suscité une vaste mobilisation populaire et diplomatique. Mécontente des compromis du Premier ministre vis-à-vis du Hezbollah pro-iranien, l’Arabie saoudite avait finalement laissé le fils de l’ex-Premier ministre assassiné Rafic Hariri rentrer sous les vivats au Liban. A Beyrouth, les nouveaux contours du parlement pourraient en parallèle laisser le parti chrétien du président Michel Aoun jouer le rôle d’arbitre auquel il prétend. «Le plus grand acteur sera le groupe du président Aoun, qui évoluera parmi les blocs non alignés, et le Hezbollah bénéficiera de ce fait de l’absence d’une large coalition» face à lui, explique le politologue Imad Salamey. Créé au début des années 1980 dans la foulée de la Révolution islamique iranienne pour lutter contre Israël, le Hezbollah combat actuellement en Syrie aux côtés du régime de Bachar al-Assad. Il est considéré comme une organisation «terroriste» par les Etats-Unis, et cinq de ses membres ont été accusés dans l’assassinat en 2005 de Rafic Hariri.
«Nous croyons au changement»
Au Liban, les dernières législatives remontaient à 2009: le mandat du Parlement avait ensuite été prorogé à trois reprises en arguant des risques pour la sécurité du pays liés au débordement de la guerre en Syrie. Un taux de participation plus élevé était ainsi prévu, mais la nouvelle loi électorale ainsi que les bulletins de vote pré-imprimés utilisés dimanche semblent avoir dérouté des électeurs. Le nouveau code est basé sur un système proportionnel complexe, et «ni les électeurs ni les responsables de bureaux de vote ne sont encore familiers avec cette nouvelle loi», a déclaré dimanche soir le ministre de l’Intérieur, Nohad Machnouk.
D’autres ont été dissuadés par «l’absence de logique politique» en terme d’alliances électorales, fait valoir Karim el-Mufti. Malgré cette participation décevante d’un électorat qui comptait environ 800.000 nouveaux électeurs, l’actuelle loi électorale, plus représentative, doit permettre à une liste de la société civile de faire son entrée au parlement. Deux femmes, la journaliste de télévision Paula Yacoubian et l’auteure Joumana Haddad, devraient l’emporter, selon leur coalition «Koullouna Watani». Les deux militantes se sont engagées à «défier» l’establishment politique qu’elles jugent corrompu. «Nous attendons maintenant avec impatience 2022, et nous croyons vraiment que le changement a commencé», a clamé Alexandre Salha, un volontaire de 30 ans de cette coalition. «Si nous gagnons un ou deux sièges aujourd’hui, nous en aurons 10 dans quatre ans», a-t-il jugé.